En Italie, l'épreuve d'éloquence est la plus redoutée, et pour cause: «La prise de parole, c'est une prise de pouvoir», estime Evelyne Charmeux, ancienne enseignante et auteure de «Ap-prendre la parole»… Et les Français sont loin d'y être préparés.
«On parle d'oral, mais ce n'est pas ce qui me semble important, c'est la prise de parole»,
poursuit cette spécialiste des questions d'Éducation, qui a fait de l'art oratoire son domaine de prédilection. Hormis quelques explosés, le travail de l'oral, à l'école primaire, est «quasiment absent», au collège, «il l'est totalement»:
«Il est évident que les élèves vont être en très grande difficulté pour vivre ce grand oral. […]
Ce qui fait peur, dans cette nouvelle épreuve proposée par le ministre, c'est que c'est une prise de parole à l'égard d'auditeurs pluriels. Et c'est ça auquel les élèves n'ont jamais été formés.»
Car il ne suffit pas de connaître son sujet sur le bout des doigts: la maîtrise de la respiration, du corps, un apprentissage qui devrait faire l'objet «d'un travail de formation continue». Pour Evelyne Charmeux,
«il faut travailler sur le regard: on sait que l'oral, c'est le regard. Il faut regarder les gens, or beaucoup d'enfants, d'adolescents et même d'adultes ne regardent jamais les gens à qui ils s'adressent»,
Mais pour préparer ce grand oral, d'une durée de 30 minutes dont 10 minutes de questions-réponses devant un jury composé de deux professeurs et d'une personne extérieure,
«les professeurs ne sont pas vraiment formés» non plus et, a priori, «il n'est pas prévu qu'il y ait de formation supplémentaire», souligne Evelyne Charmeux.
Déjà critiqué, ce grand oral semblerait inégalitaire. Car en parler en public, cela s'apprend et, à défaut d'y parvenir dans des classes où l'effectif peut avoisiner les 36 élèves, ceux qui connaissent déjà quelques codes s'en sortiront mieux.
«Si on veut que les choses soient justes, il faut que cette prise de pouvoir soit accordée à tous», estime Evelyne Charmeux.