Irak: après la guerre contre Daech, la «guerre civile»?

© Sputnik . Nazek Mohammed الساحل الأيمن من الموصل
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Ce 12 février s’ouvre une conférence au Koweït sur l’avenir de l’Irak. Politiques, industriels, humanitaires défileront pour évoquer sa reconstruction, alors que l’équilibre entre chiites et sunnites n’est même pas assuré. Entretien avec Pierre Piccinin da Prata, Rédacteur en chef du Courrier du Maghreb et de l’Orient.

«Je ne vois pas comment on va pouvoir reconstruire politiquement cet État… C'est ça la grande question, avant de parler finances», estime Pierre Piccinin da Prata, Rédacteur en chef du Courrier du Maghreb et de l'Orient.

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Pour lui, la principale menace, c'est la «fragmentation géopolitique du pays entre les chiites et les sunnites».

«On a un problème dans toute cette partie nord-ouest de l'Irak, qu'on appelle le "Sunnistan", qui doit être réglé. Il n'y a pas de gouvernement d'unité nationale qui intégrerait réellement les leaders sunnites, ça, c'est clair», poursuit Pierre Piccinin da Prata.

À ce titre, il soutient que la France «a raison» de faire pression pour intégrer la minorité sunnite dans le nouveau gouvernement, sous peine de voir un nouveau terreau favorable à Daesh se reformer, ou de voir une «guerre civile» éclater:

«Je pense qu'il y a clairement des milices sunnites qui se sont constituées et qui ont peut-être l'intention de défendre leur territoire à terme. Pour le moment, ça n'a pas l'air de trop bouger, mais on parle d'une possible guerre civile à terme.»

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Jean-Yves Le Drian est par ailleurs arrivé lundi à Bagdad pour discuter avec les responsables irakiens de la reconstruction du pays et de sa stabilisation « Nous serons toujours au rendez-vous. Nous l'avons été dans la participation à la coalition (internationale antijihadiste), nous le serons aussi dans la phase de reconstruction», a déclaré le ministre des Affaires étrangères à son arrivée. Il rappellera l'importance d'un processus de réconciliation nationale, intégrant pleinement les sunnites dans ce pays à majorité chiite, précise-t-on dans son entourage, selon l'AFP.

À l'approche des élections législatives et quelques mois à peine après la «fin de la guerre» contre l'EI, l'Irak se prépare à sa reconstruction. Trois jours de conférences s'ouvrent aujourd'hui au Koweït, durant lesquels seront présentés 157 projets, pour lesquels les responsables irakiens sollicitent un financement. «Nous estimons que les besoins totaux de reconstruction en Irak s'élèvent à 88,2 milliards de dollars (71,9 milliards d'euros)», a déclaré le ministre irakien de la Planification, Salmane al-Joumeili, à l'ouverture de la conférence.

Mais en attendant l'argent de la reconstruction, la population vit toujours sous les décombres, notamment celle de Mossoul Ouest, particulièrement bombardé, et où la population est majoritairement sunnite:

«La petite moitié Est de Mossoul était essentiellement chiite et kurde a été libéré et il y a eu peu de dégât. L'armée irakienne a fait attention de ne pas détruire cette partie de la ville. La partie ouest, à 90% sunnite, a été rasée. Il n'y avait plus rien debout. [… ] L'EI a tellement résisté, et l'armée irakienne, que j'ai accompagnée plusieurs fois au front, ne combattait plus au corps à corps avec l'EI, mais laissait la coalition, menée par Washington, bombarder la ville, dans ces proportions inimaginables.»

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Dans cette région appelée le «Sunnistan», la population sunnite, lésée à la chute de Sadam Hussein, paie son soutien au groupe terroriste: «il y a énormément d'exactions commises par les chiites contre les sunnites, car la population sunnite a très largement soutenu l'État Islamique», aurait confié un leader sunnite à Pierre Piccinin da Prata, qui note, qu'à la reprise de Mossoul:

«Sur les véhicules blindés, les drapeaux qu'arboraient l'armée irakienne, lors de la reconquête de Mossoul, ce n'étaient majoritairement pas le drapeau irakien… c'était les drapeaux religieux chiites à l'effigie d'Hussein. Je crois que le message était clair».

Que feront également les Kurdes, dont la déclaration unilatérale d'indépendance a été avortée, et qui sont «ramené à une situation antérieure à l'EI en Irak»?

«Eux aussi rongent leur frein… quelle va-t-être leur réaction? On ne sait pas très bien. Pour l'instant, ils sont dans le désarroi».

Même si son «potentiel de nuisance» a «fortement diminué», l'État islamique n'est pas mort:

«Pendant un certain temps en tout cas, ce mouvement islamiste sera obligé de faire profil bas et d'essayer de se reconstruire. Je crois qu'il l'est actuellement, et va, c'est inévitable, réémerger»,

estime Pierre Piccinin da Prata, constatant qu'«Al-Qaeda elle-même a pris un certain temps, après l'intervention américaine, pour se reconstruire.»

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