Les gendarmes positionnés en début de semaine autour de NDDL ont également gardé en tête les «ratés» de l'opération d'évacuation de la Zad de Sivens, dans le Tarn, durant laquelle un jeune militant écologiste de 21 ans avait été tué par une grenade offensive de la gendarmerie le 26 octobre 2014. Un drame médiatisé qui avait fait basculer l'opinion en faveur des militants.
La décision du gouvernement étouffe donc dans l'œuf ces scénarios-catastrophe envisagés par les gendarmes mobiles. En effet, malgré l'insistance de certains opposants refusant de quitter la zone, et le communiqué publié par les opposants à l'aéroport suite à l'abandon du projet affirmant refuser «toute expulsion de celles et ceux qui sont venus habiter ces dernières années dans le bocage pour le défendre et qui souhaitent continuer à y vivre ainsi qu'à en prendre en soin», une opposition sérieuse à l'évacuation semble compromise.
Les opposants ont jusqu'à présent bénéficié de la sympathie de près de la moitié de l'opinion publique, se sentant concernée par les problèmes écologiques. Or, la décision du gouvernement brosse les Français dans le sens du poil: 74% des Français approuvant la décision du gouvernement, selon un sondage Elabe. Elle ferait donc perdre toute crédibilité à ceux qui chercheraient encore à squatter illégalement la Zad. D'autant que les agriculteurs encore présents peuvent parfaitement installer légalement les personnes souhaitant rester sur leurs propres parcelles de terre, l'évacuation prévue au printemps ne concernant que celles rachetées par l'État en vue du projet, qui seront remises en vente.
En plus de permettre aux forces de l'ordre une intervention bien moins risquée qu'en cas de construction de l'aéroport, le gouvernement leur permet aussi de se prévaloir de toute attaque politique.
En effet, dès l'annonce du Premier ministre Edouard Philippe au sujet de l'aéroport, Laurent Wauquiez, le nouveau Président des républicains, a fustigé le gouvernement en annonçant que «les zadistes ont gagné» sur BFMTV, avec Jean Jacques Bourdin. Cela redonne, du moins provisoirement, un souffle à une opposition à droite plutôt inaudible depuis le début du quinquennat d'Emmanuel Macron. Provisoirement, car le timing du Président a été parfaitement calculé. 24 heures avant l'annonce de la décision sur l'aéroport, Emmanuel Macron était en effet à Calais, où il a annoncé qu'en «aucun cas nous ne laisserons ici se reconstituer une "jungle"». Le gouvernement affiche, avec sa loi sur l'immigration, une fermeté qui devrait contenter l'électorat de droite et, semble-t-il, la majorité des Français (66% considérant que les lois actuelles sont trop laxistes, selon un sondage Elabe de janvier). Bref, Emmanuel Macron entend bien refermer rapidement la «fenêtre de tir» qui s'offrait aux Républicains de Laurent Wauquiez pour critiquer le gouvernement.
Toujours sur le thème de la sécurité, il est presque certain que les forces de l'ordre ne risquent aucune critique de l'opposition de droite, étant donné qu'elle ne cesse de réclamer un État plus fort faisant régner la loi. Le discours d'Edouard Philippe annonçant «mettre fin à cette zone [Zad de NDDL, NDLR] de non-droit» donne une garantie pour les gendarmes mobiles de ne pas souffrir de critiques de ce côté-ci du paysage politique.
À l'inverse, cette décision permet au gouvernement de conforter dans un premier temps son aile gauche au sein de l'hémicycle, qui déclarait dès septembre, par le biais de l'ex-socialiste Brigitte Bourguignon, «mettre simplement en garde contre le risque d'un déséquilibre», pour un Président taxé d'être trop à droite.
Il est nécessaire de rappeler que le dossier Notre-Dame-Des-Landes a vécu un tournant au début du quinquennat de François Hollande, lors de la nomination de Jean-Marc Ayrault au poste de Premier ministre, qui en tant qu'ancien maire de Nantes et partisan farouche au projet, en a profité pour organiser une évacuation de la Zad et enfin mettre fin à une résistance datant de 1974, la fameuse Opération César.
Cela devrait donc réduire les critiques politiques qui émaneront de la gauche du spectre politique. Seul le mouvement des Insoumis, par le biais de son président Jean-Luc Mélenchon, s'oppose fermement à une expulsion des opposants malgré l'abandon du projet en déclarant sur LCI le 18 janvier qu'«expulser des gens d'un terrain dont personne ne veut, puisque c'est devenu une propriété collective» n'aurait aucun sens.
À n'en pas douter, l'intervention des gendarmes mobiles sur le site au printemps devrait se dérouler sans affrontements trop sévères. L'avenir des autres Zad et de l'image même renvoyées par les militants les occupant en dépend.