La société fait actuellement face à une vague de plaintes aux États-Unis, au Canada, en Israël et en France.
Déception
L'intérêt énorme des utilisateurs pour l'iPhone X, mis en vente en novembre dernier, s'est rapidement transformé en déception. L'appareil-phare de l'entreprise a surpris par le nombre sans précédent de manquements et de défauts qu'il présentait à l'usage, entre blocages à cause du froid, craquements sonores, absence de réaction au toucher, déverrouillage par reconnaissance faciale avec le visage d'autres personne et effets électrostatiques sur les poils de la barbe… Après avoir rapidement vendu les appareils précommandés en octobre, Apple a réduit les volumes de production des iPhones X: la demande a considérablement diminué dès le premier trimestre 2018. L'entreprise explique ce phénomène par la fin de la saison des achats de Noël, et les analystes pointent du doigt le prix élevé de l'iPhone X et l'absence d'innovations intéressantes.
Qui plus est, en décembre, soit un mois après la commercialisation de l'iPhone X, Apple a fait une surprise désagréable à ses fans: la société a avoué qu'elle bridait la performance des versions plus anciennes de l'iPhone, mais, bien sûr, avec de bonnes intentions: elle voudrait ainsi prolonger la durée de vie des batteries. Les consommateurs n'ont pas vraiment apprécié cette attention et exigent désormais des compensations exorbitantes.
Ainsi, les Américains réclament déjà plus de 1.000 milliards de dollars au total à Apple. L'appétit des Russes est beaucoup plus modeste mais la douzaine de plaintes présentée aux tribunaux russes permettra, selon les juristes, de «sonder le terrain» et apprendra aux Russes à défendre plus activement leurs droits.
Un chiffre de bonne fortune
Le préjudice moral est sans doute une donnée subjective, mais cette somme n'a pas été inventée de toutes pièces. «Les tribunaux russes doivent suivre l'exemple des cours occidentales qui condamnent à des compensations sérieuses. Qui plus est, 7 est un chiffre de bonne fortune», explique Andreï Klioutchnikov.
Maxim Karpov, autre victime, n'est pas aussi catégorique: il espère obtenir la correction des défauts de son appareil et la somme beaucoup plus modeste de 55.000 roubles (794 euros).
Blocage et bugs
Selon Andreï Klioutchnikov, propriétaire d'un iPhone 6 et fan de longue date des produits d'Apple, le reportage sur la confirmation par l'entreprise du freinage de ses appareils l'a réjoui: la théorie du complot soutenue par des millions de personnes dans le monde entier était enfin confirmée.
«Je suspectais depuis longtemps que le producteur ralentissait sciemment ses smartphones pour nous inciter à acheter les modèles plus récents», explique le plaignant. Qui plus est, il s'est rendu compte en décembre que son iPhone s'est mis à fonctionner de manière pratiquement inacceptable.
«Formellement, le smartphone remplit ses fonctions: on peut passer des appels, surfer sur le web et lancer les applications, mais toutes ces actions nécessitent un délai très considérable. Qui plus est, les applications s'arrêtent ou se ferment assez souvent, et le navigateur Safari présente des bugs», explique-t-il. Ces problèmes sont familiers pour la majorité des utilisateurs des vieux iPhones.
Encore une dizaine de plaintes a été présentée aux tribunaux russes par les juristes de la société Lex Borealis. «Tout le monde a le même problème: une chute de performance qui complique l'utilisation du produit, explique le partenaire de l'entreprise Dmitri Ponomarev. Que doit faire le consommateur dans ce cas-là? La loi le dit tout à fait clairement: il faut réduire le prix du produit et corriger le défaut. Ce sont donc les exigences principales de nos clients».
En ce qui concerne les indemnisations, Lex Borealis oriente ses clients vers des sommes plus réalistes: selon les avocats, il sera impossible d'obtenir plus de 50.000 ou 100.000 roubles (de 720 à 1.440 euros) dans les tribunaux russes.
Selon les juristes, il ne faut pas non plus espérer un résultat rapide: le procès prendra au moins six mois. Qui plus est, les preuves pourraient poser des difficultés. Afin de confirmer le freinage, le tribunal doit lancer des expertises dont la nature est toujours incertaine.
Les pertes futures
Face à ces critiques, Apple a tenté de remédier à la situation: l'entreprise a lancé aux États-Unis un programme de remplacement des batteries pour 79 dollars, mais a plus tard réduit ce coût à 29 dollars. Tout cela a produit une agitation malsaine: les consommateurs s'enregistraient en masse pour le remplacement des batteries et la période d'attente dans certains magasins américains a atteint plusieurs jours.
Les analystes de Barclays préviennent que ce nouveau schéma de remplacement des batteries pourrait provoquer une chute considérable des ventes d'iPhones. Le fait est que l'usure de la batterie est la motivation principale de l'achat de nouvelles versions de l'appareil. Compte tenu du fait que le remplacement de la batterie coûte moins cher et prévoit une hausse de la performance, Apple pourrait vendre en 2018 16 millions d'iPhones de moins que prévu — ce qui représenterait une perte de 10 milliards de dollars.
L'entreprise est certainement en mesure de supporter ces pertes à court terme mais la crise de confiance actuelle, qui ne cesse de s'aggraver, pourrait avoir des répercussions très négatives à long terme.
Une erreur fatale?
Toutefois, l'erreur actuelle de l'entreprise — le bridage conscient de la performance des anciens appareils — pourrait s'avérer très pénible.
En septembre 2015, le monde entier avait été choqué par le scandale des voitures diesel de Volkswagen, qui avait été considéré comme l'une des escroqueries les plus marquantes du siècle. Il s'est avéré que le producteur allemand avait muni des millions de ses voitures diesel d'un logiciel spécial qui réduisait de dizaines de fois le volume des émissions nocives, notamment des oxydes d'azote, lors des tests de contrôle.
Le scandale actuel des batteries n'est évidemment pas le Dieselgate, mais ses répercussions pourraient s'avérer encore plus dramatiques pour Apple.