Se montrer solidaire avec leurs collègues et faire comprendre la réalité de leur quotidien au grand public, tels étaient les buts recherchés des rassemblements mardi 2 janvier. Des dizaines de policiers devant le commissariat de Champigny-sur-Marne (Val-de-Marne), qui répondaient à l'appel du syndicat Alliance Police National et des épouses de policiers sur l'esplanade du Trocadéro ont tenu à manifester et faire entendre leurs voix.
«S'il n'y avait pas eu la vidéo il n'y aurait pas eu le tweet du Président de la République, il n'y aurait pas eu de réaction du Ministre de l'Intérieur parce que c'est "normal", ça fait partie des risques du métier et bien nous on en a marre!»
déclare à notre micro Loïc Travers, secrétaire national adjoint du syndicat Alliance en Île-de-France. Le 2 janvier au matin, ce représentant syndical demandait à nouveau, depuis le plateau de BFMTV, le rétablissement et la bonne application des peines planchées. Des sanctions minimums, incompressibles, introduites en 2007 par Nicolas Sarkozy puis abolies en 2014 par Christiane Taubira lors de son passage par la Place Vendôme au profit de peines alternatives à l'emprisonnement, dites de «substitution», tel que le bracelet électronique ou les travaux d'intérêts généraux.
Un sentiment d'impunité que fustige également son secrétaire général adjoint, Stanislas Gaudon, qui évoquait mardi matin au micro de RTL, le nombre de peines prononcées qui ne seraient pas effectuées en France chaque année, «il y‘a entre 80.000 et 100.000 peines qui ne sont pas exécutées en France, il faut le savoir!»
«Avant de parler de population en sécurité dans les quartiers, il faudrait déjà sécuriser ceux qui sont censés y faire régner l'ordre, sinon cela n'a aucun sens,» ajoute ainsi Loïc Travers.
Mais les policiers ne sont pas seuls à défendre l'idée que le vent judiciaire devrait tourner en leur faveur. Le Chroniqueur radio Éric Brunet voit également dans l'«héritage Taubira» une des racines de ce sentiment d'impunité qui encourage aujourd'hui les voyous à s'en prendre aux détenteurs de la force publique. Pour lui la France doit «entrer dans la culture de la tolérance zéro,» appelant le Président de la République à «sévériser» les peines.
Des agressions physiques auxquelles s'ajoutent les agressions verbales, comme les propos tenus le 24 décembre par l'acteur Mathieu Kassovitz et sur lesquelles revient Loïc Travers. Mathieu Kassovitz qui n'avait pas hésité à qualifier dans un tweet les policiers nantais de «bande de bâtards» suite à une opération antidrogue menée au CHU de la ville. Des actes de violences à l'encontre des forces de l'ordre dans l'exercice de leurs missions, médiatisés, qui comme le souligne Loïc Travers, ne représentent que la face émergée de l'iceberg. S'ajoute à cela le lot quotidien de violences dont la police est la cible délibérée, jusque dans ses quartiers, comme par exemple dans le cas du tir de mortier essuyé par le commissariat de Clichy-sous-Bois (Seine-Saint-Denis) cet été.
«On est sur des actes qui sont complètement gratuits, à l'encontre de ce que nous appelons le "bleu",» regrette-t-il.
Comment ne pas également évoquer le cas de Viry-Châtillon (Essonne), en octobre 2016, où deux policiers avaient été grièvement brûlés (l'un d'eux recevra une greffe de visage) après qu'une quinzaine d'individus cagoulés eurent tendu une embuscade aux cocktails Molotov à deux voitures de Police dans le quartier de « la Grande Borne », en plein après-midi. Les agresseurs pousseront la sauvagerie jusqu'à bloquer les portes pour empêcher les policiers de sortir de leurs voitures en flammes. «J'ai vu qu'on voulait vraiment nous tuer», confiera sur RTL peu après l'attaque Sébastien, brigadier de 38 ans.
Des agressions, marquantes, qui ne sont pas toujours le produit de jeunes issus de quartiers défavorisés, comme l'illustre la voiture de Police brulée en plein Paris, en mai 2016, en marge d'ailleurs, d'une manifestation contre la «haine anti-flic». Dans ces deux cas, les plus hautes autorités politiques avaient condamné les attaques. Dans le cas de la voiture incendiée à Paris des peines de prisons fermes avaient été prononcées à l'encontre de plusieurs responsables à l'issue de l'enquête. Un délibéré rendu, tant sous les ors de la République que sous les cris et insultes de militants antifascistes venus soutenir leurs camarades sur le banc des accusés, «flics, violeurs, assassins» ou encore «tout le monde déteste la justice».
Reste à savoir si cette nouvelle agression pourrait mettre, à nouveau, le feu aux poudres. D'autant plus que si, dans une interview sur France 2 ce mercredi 3 janvier, le Premier Ministre Edouard Philippe promet «une sévérité sans faille» comme le demande les policiers, il a adressé une fin de non-recevoir concernant les peines planchers demandées par Alliance.
Dans son rapport annuel, datant d'octobre 2017, l'Observatoire National de la Délinquance et des Réponses Pénales (ONDRP) indiquait que 18.721 policiers et gendarmes avaient été blessés en 2016. Si ce nombre semble stable par rapport aux années précédentes, celui des décès l'est beaucoup moins: avec 26 décès de gendarmes et de policiers en mission et en service, c'est près du double qu'en 2015 (14). Ajoutons pour conclure, que ce 3 janvier, le Syndicat SGP force ouvrière appelle à manifester devant les commissariats le 9 janvier.