La foi dans le foie: ce risque-tout russe veut implanter le foie gras dans son pays

© Photo Dmitri Klimov Le foie gras russe
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«Foie gras», l'expression est entrée dans la langue russe sans être traduite, ce qui lui donne un petit charme bien français. La production des mets traditionnels français prend de l’ampleur en Russie. L’agriculteur Dmitri Klimov et l’entrepreneur Vyatcheslav Mazourovskiy ont raconté à Sputnik comment se développait cette filière.

Dmitri Klimov, ancien chargé des relations publiques, a renoncé à vivre dans une mégapole telle que Moscou, lui préférant un petit village dans l'oblast de Vladimir, situé à 120 kilomètres de la capitale russe. En 2014, il y a fondé un poulailler appelé «Élevage en liberté», qui s'occupe non seulement de l'élevage de la volaille mais aussi de la production de délicatesses, dont est chargé son collaborateur, Andreï Kuspits, qui se décrit comme un «cuisinier de la planète Terre», et qui a travaillé pendant plusieurs années en France. À l'origine de la fierté des deux partenaires: leur foie gras, qu'ils produisent depuis la fin de 2015.

© Dmitri Klimov Le foie gras produit par Dmitri Klimov
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Le foie gras produit par Dmitri Klimov

Un accueil chaleureux pour les canetons français

Le parcours qui a conduit Dmitri Klimov à lancer sa production de foie gras n'a pas été sans obstacles. Finalement, en 2015, Dmitri Klimov et Andreï Kuspits ont rapporté dans leur valise plusieurs œufs de canard de la Gascogne, où ils s'étaient rendus pour avoir un aperçu du processus de production de cette spécialité française.

© Dmitri KlimovLes oeufs rapportés de la Gascogne
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Les oeufs rapportés de la Gascogne

«On n'a pas réussi du premier coup. Je veux souligner que cette idée n'est absolument pas liée aux sanctions (l'embargo alimentaire introduit pas la Russie en 2014, ndlr). J'ai commencé à m'en occuper avant. Il y a quatre ans, on a entrepris les premières tentatives. Et j'ai compris qu'il fallait aller en France. Heureusement, j'ai un partenaire, le chef Andreï Kuspits, avec qui nous avons acheté des billets et sommes partis étudier en Gascogne», raconte l'agriculteur.

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De ce voyage, les deux partenaires ont ramené de beaux souvenirs: quelques dizaines d'œufs de canard français et un appareil de gavage, ainsi que le savoir-faire des agriculteurs français.

«Nous avons ramené des canards français […] Maintenant, nous avons environ cinq mâles reproducteurs et une dizaine de femelles qui pondent. […] Je n'ai pas de production à grande échelle, j'ai une petite ferme avec environ 1.000 oiseaux. Il y a 200 canards dont certains sont gavés pour produire le foie gras», précise M. Klimov, qui n'a produit que 30 kg de foie gras cette année.

© Dmitri KlimovUn caneton français
Un caneton français  - Sputnik Afrique
Un caneton français

Le gavage anodin

L'agriculteur Klimov utilise la technique traditionnelle de gavage. Bien qu'elle soit critiquée et même interdite dans plusieurs pays, qui la considèrent comme un acte de cruauté envers les animaux, Dmitri assure que ses canards ne souffrent pas.

© Sputnik . Dmitri KlimovLes canards lors du gavage
Les canards lors du gavage  - Sputnik Afrique
Les canards lors du gavage

«Nos oiseaux ne sont pas mis dans les volières par dizaines. Je ne peux pas dire qu'ils aient beaucoup de liberté, mais au moins ils peuvent se déplacer librement. […] Autant que je sache, toutes les entreprises de production de foie gras d'importance misent sur l'élevage dans les cages, […] Mais c'est une production mécanisée, tandis que la nôtre est rurale», explique M. Klimov.

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Dans une interview, il a même invité les militants de Greenpeace et autres «verts» à visiter sa ferme pour le constater personnellement.

L'abattage des oiseaux est aussi un processus «civilisé» chez M. Klimov, qui a apporté de France un appareil d'anesthésie électrique plongeant les animaux dans les bras de Morphée avant de les envoyer dans l'autre monde.

La loi de l'offre et de la demande

Vyatcheslav Mazourovskiy, patron d'une entreprise produisant des spécialités gastronomiques, y compris la mousse de foie gras, et qui en fait la vente en ligne, a fait le point sur l'économie de la filière des aliments agricoles en Russie. En lançant son business, il a misé sur la dimension naturelle des produits, une rareté dans le monde où «tous veulent de l'argent et le plus vite possible».

«Le principe qui consiste à accumuler […] est un principe inhérent à l'esprit des fourmis. Mais, hélas, aujourd'hui, c'est la base des affaires partout dans le monde. Beaucoup de gens ont du mal à faire un pas de côté», explique l'entrepreneur.

Son magasin en ligne, qui porte un nom français, «Le Bon Goût», ciblait initialement la communauté française de Russie. Au fil du temps, les Russes ont également pris goût aux spécialités françaises. C'est alors que M. Mazourovskiy a décidé de diversifier l'éventail de sa production, en y incluant des produits russes, comme la mortadelle dite «Doktorskaya», et à les populariser auprès des étrangers.

«Il y a bien sûr des étrangers parmi nos clients. Même dans les pays étrangers, dont la Suisse, on envoie depuis plusieurs années notre… "Doktorskaya"», se vante M. Mazourovskiy.

© Sputnik . Dmitri KlimovLe foie gras russe
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Le foie gras russe

L'entrepreneur indique que ces dernières années, sur fond de politique de substitution aux importations, il y a de plus en plus de producteurs russes qui tentent de produire des spécialités étrangères.

«Je ne peux pas dire leur nombre exact, mais j'ai l'impression qu'il y en a beaucoup. Néanmoins, le problème le plus criant est la qualité. Donner un nom "étranger" connu à un produit et correspondre à ce "standard élevé", peu nombreux en sont capables», déplore M. Mazourovskiy.

L'agriculteur Klimov souligne aussi l'intérêt croissant porté par les consommateurs russes envers les produits dont l'importation a été interdite par l'embargo alimentaire.

«Chose défendue, chose désirée. […] Le nombre de nos clients augmente», a-t-il précisé.

La France, toujours la première

Le foie gras, dont le secret de la fabrication a été découvert par les Égyptiens à l'aube du IIIe millénaire avant notre ère, est aujourd'hui un met traditionnel français. La France en est le leader toutes catégories, assurant 75 % de la production mondiale (19.200 t sur 25.600 t en 2015), 98% de la transformation et 90% de la consommation. L'année dernière, les Français en ont consommé 657g par ménage, le paroxysme de la consommation tombant sur la fin de l'année.

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