Cette majorité absolue, ce bloc la détenait depuis les élections de 2015 qui s'étaient jouées sur la question du référendum que les indépendantistes ont organisé le 1er octobre et qui a été refusé par le pouvoir madrilène. Ce dernier avait alors dissous le Parlement catalan. Ces élections signent donc une cinglante défaite pour le Premier-ministre espagnol, M. Mariano Rajoy et son parti, le PP. Ces derniers s'étaient distingués par une politique particulièrement intransigeante par rapport aux forces indépendantistes catalanes, et par une répression particulièrement brutale, notamment lors de la consultation du 1er octobre.
Ce vote est aussi un triomphe personnel pour Carles Puigdemont, le dirigeant indépendantiste de centre-droit, qui présidait l'ancien Parlement et qui a dû s'exiler à Bruxelles, où il réside actuellement. Mais, ce vote ne met pas fin à la crise. Au contraire; il la démultiplie et il pose ouvertement le problème du Pouvoir en Espagne.
Le résultat des urnes
Le vote du jeudi 21 décembre a donc donné une majorité absolue aux forces indépendantistes avec 70 sièges, mais la structure de ce vote est riche d'enseignements. Les forces indépendantistes disposaient de 72 sièges au Parlement élu en 2015. La liste emmenée par Puigdemont obtient 34 sièges, celle des indépendantistes « républicain » de centre-gauche de l'ERC obtient 32 sièges et le petit-parti indépendantiste d'extrême gauche, la CUP, en obtient quant à lui 4. Il faut noter qu'aux élections de 2015 le centre-droit et le centre-gauche, qui étaient alliés, avaient remportés 62 sièges. Le résultat de ce jeudi montre que, se présentant chacun sous sa bannière, ces partis accroissent le nombre de leurs sièges (66 au total). Par contre la CUP passe de 10 à 4 sièges, et subi une défaite importante. Néanmoins, ces 70 sièges assurent la prééminence du bloc indépendantiste au sein d'une assemblée composée de 135 membres.
Le résultat de la branche locale de PODEMOS, avec 8 sièges, est intéressant. Ce parti comptait 10 députés dans la précédente assemblée. Il semble que son discours, critiquant tout autant ce qu'il appelle l'irresponsabilité des dirigeants indépendantistes que le caractère néo-franquiste du gouvernement de Madrid et la répression qu'il avait impulsée, soit resté largement inaudible. La reprise en mains de PODEMOS-Catalogne par PODEMOS-Madrid a aussi pu laisser des traces. Fondamentalement, ce parti n'a pas compris que dans le contexte créé par la dynamique d'affrontement entre Madrid et Barcelone, une position de neutralité n'était pas tenable. Une lecture plus attentive des textes d'Otto Bauer sur la question des Nationalités aurait peut-être pu permettre à cette formation de ne pas rester dans l'imprécision de ses positions.
Quelle issue à la crise?
On constate donc une forme de radicalisation de l'opinion en Catalogne, radicalisation qui a profité tant à Ciudadanos. Cette formation a bien entendu aussi profité aussi du discrédit frappant le PP et son chef, qu'à l'alliance électorale de Puigdemont. Cela correspond bien au processus brutal, fait de fin de non-recevoir et de répression, engagé par le gouvernement de Madrid et Mariano Rajoy. Rappelons que ces derniers ont refusé de ré-ouvrir des négociations après l'annulation du statut d'autonomie de la Catalogne en 2010; ils ont systématiquement refusé d'entendre les plaintes de Barcelone, et portent ainsi la responsabilité principale de la radicalisation de l'opinion catalane où, au début des années 2000, les indépendantistes représentaient seulement 15% de la population.
Le gouvernement qui serait issu de ces élections pourrait reprendre les négociations et, simultanément, convoquer une conférence constitutionnelle chargée de reprendre le dossier de la démocratisation inachevée de l'Espagne. La conclusion de ce processus serait alors, logiquement, un référendum proposant aux catalans diverses solutions, allant du statuquo actuel à un nouveau statut d'autonomie et à l'indépendance.
Chaque jour qui passe où il cherchera à se maintenir au pouvoir sera un jour qui rapprochera un peu plus l'Espagne et la Catalogne du gouffre. Car, si le mouvement indépendantiste catalan a été pacifique jusqu'à présent il serait fort présomptueux de présumer qu'il puisse le rester éternellement.
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