Les couloirs du service pédiatrique de l'hôpital Tichrine, le plus grand établissement de la ville syrienne de Lattaquié (ouest), sont presque déserts, juste les pleurs d’un enfant se font entendre du fond du couloir. Cet étage accueille des enfants victimes de brûlures et de différentes sortes de traumatismes. Les parents qui veillent jour et nuit au chevet de lits, cherchent à lire un espoir dans les yeux de médecins et murmurent: «Mon enfant, il restera en vie, n’est-ce pas?».
Comme le confie au correspondant de Sputnik la médecin syrienne Maria, l’inquiétude des parents est bien fondée même s’il ne s’agit que de brûlures. Depuis le début de la guerre, le pays souffre d’une pénurie aiguë de médicaments, en conséquence même des maladies relativement courantes tournent souvent à la tragédie.
Il y a encore sept ans, le pays satisfaisait pleinement avec ses moyens budgétaires la demande de tous les établissements médicaux en médicaments. Personne alors ne pouvait s’attendre à ce qu’un jour les hôpitaux n’aient plus d’insuline ou d’antibiotiques. Outre les importations, la Syrie fabriquait elle-même des analogues de médicaments de bonne qualité.
«Savez-vous, c’est inhumain de décréter des sanctions sur les médicaments, de réaliser ses ambitions politiques au dépens des vies humaines. Aujourd’hui, la Syrie ne peut pas se procurer les médicaments nécessaires en raison des sanctions. De nombreuses usines pharmaceutiques, qui produisaient la plupart des médicaments nécessaires, ont été détruites au cours des premières années de la guerre. Aujourd’hui, les médicaments élémentaires ne sont pas suffisants, sans parler de ceux pour les enfants atteints du cancer», relate Maria.
Hommage au «docteur Liza»
C’est avec une profonde reconnaissance qu’elle évoque la défunte Elizaveta Glinka, plus connue comme «docteur Liza» qui a péri en décembre dernier lors du crash d’un avion militaire russe en route pour la Syrie. Elle s’y rendait pour livrer aux Syriens un nouveau lot de médicaments. Après sa disparition tragique, une autre Russe, Natialia Avilova, a pris la relève.
«Grâce à leur aide, les médecins ont réussi à sauver des centaines d’enfants. Mensuellement, l’hôpital accueille une centaine de bébés prématurés souffrant de différentes pathologies. Sans ces médicaments, la mortalité s’élève à 90%», souligne la médecin.
Après que le service d'oncologie pédiatrique de Damas s’est retrouvé près de la zone occupée par les terroristes et que celui d’Alep a été grièvement endommagé, c’est cet hôpital de Lattaquié qui accueille la plupart des enfants atteints de cancer.
Comme l’explique la médecin, dans le domaine de l’oncologie, on éprouve de grandes difficultés en raison des prix des médicaments. Jadis ils étaient livrés par l’État et aujourd’hui les parents ne peuvent pas se le permettre.
«La mortalité infantile est très élevée, 10 enfants par mois. Actuellement, 70 enfants suivent une chimiothérapie», explique-t-elle et évoque les enfants souffrant de maladies cardiaques que l’hôpital n’est plus en mesure de sauver.
L’expression de son visage change dès qu’elle s’approche d’un enfant qui affiche une chute de chevaux, une conséquence de la chimiothérapie. Elle lui sourit et lui demande quel jouet lui apporter demain. «Les enfants ne doivent pas être privés de leur enfance à cause des adultes», explique-t-elle.
La salle des jeux du service d’oncologie porte le nom d’Elizaveta Glinka en signe de reconnaissance pour son aide.
«Maria a raison, nous avons un problème avec les médicaments», confirme une infirmière. Or, souligne-t-elle, un autre problème est la pauvreté. Parfois, les gens n’ont pas les moyens pour transporter leur enfant à l’hôpital depuis une autre ville, pour payer les analyses et des procédures de base.
«Il est donc impossible de dire combien d’enfants syriens sont emportés par le cancer et d’autres maladies. La plupart d’entre eux périssent dans leurs villages sans aucun espoir», conclut-elle.