Le patrimoine culturel est un enfant déshérité de l'histoire. Les œuvres d'art deviennent souvent des victimes de guerre et de révolution. Ils voyagent d'un musée à l'autre, finissant parfois sous une pile d'ordures. Voici les histoires fascinantes des objets d'arts retrouvés après un long voyage.
L'icône miraculeuse russe retrouvée à Paris
Il est difficile d'imaginer qu'au rez-de-chaussée d'un immeuble gris comme de nombreux autres du XVe arrondissement de Paris, se trouve l'église orthodoxe russe des Trois-Saints-Docteurs. Elle abrite une icône miraculeuse. Il s'agit de l'icône de la Vierge d'Iverie, amenée en France par les soldats de Napoléon, ayant fui Moscou après la défaite de 1812. Elle a été retrouvée un siècle plus tard en 1930. Un émigré russe, A.N. Pavlov, l'a remarquée dans la vitrine d'un «bric-à-brac». Pour sauver le chef-d'œuvre, il a demandé conseil à l'évêque Benjamin, fondateur de l'église des Trois-Saints-Docteurs située à l'époque dans un garage.
Grâce aux dons des paroissiens, l'icône a été rachetée et se trouve depuis 1932 dans l'église des Trois-Saints-Docteurs, qui est devenue un lieu de pèlerinage pour de nombreux orthodoxes. En 2010, cette petite église a été visitée par la Première dame russe, Svetlana Medvedeva.
Pour qui sonnent les cloches d'Harvard
L'université Harvard est devenue un refuge pour 18 cloches du monastère Saint-Daniel, menacées d'être refondues par les autorités soviétiques. Ces cloches, dont la plus vieille date du XVIIe siècle et la plus jeune de 1904, ont été achetées par un philanthrope américain Charles Richard Crane qui les a ensuite offertes à Harvard. En 1931, la direction de l'université les a placées sur une tour de la résidence universitaire de Lowell House. Depuis cette date, les cloches sonnaient chaque dimanche, lors des jours fériés et annonçaient également le début des matchs de football.
Les tentatives de rapatrier ces vieilles cloches ont été lancées pour la première fois dans les années 1980. Mais ce n'est en 2004 qu'un fond russe «Continuité entre les époques» a alloué un million de dollars afin de fabriquer des copies pour les échanger contre les cloches authentiques. En septembre 2009, après un voyage d'un mois par bateau et par train, ces dernières ont rejoint la Russie.
Un «Caravage» tombé dans l'oubli dans un grenier toulousain
En avril 2014, une découverte inattendue a été faite par un propriétaire d'une demeure toulousaine. Dans une soupente de son grenier, il a trouvé un tableau qui pourrait être exécuté par un illustre peintre italien Le Caravage (1571-1610). Les experts supposent que ce serait le tableau «Judith et Holopherne» représentant la scène biblique où Judith décapite Holopherne.
Sa trace a été perdue après 1617. Le ministère français de la Culture a classé ce tableau comme trésor national ce qui interdit sa sortie du territoire français jusqu'en novembre 2018. Depuis cette découverte, les «caravagistes» venus du monde entier essaient de prouver que c'est une œuvre du peintre italien, en le comparant à d'autres toiles de Caravage. Si l'authenticité du tableau est prouvée, ce qui est très probable, compte tenu des résultats des récentes expertises, son prix s'élèverait à 120 millions d'euros.
Le vagabondage d'«Adam et Ève»
Une énigme entoure l'histoire d'un diptyque de Lucas Cranach «Adam et Ève». Vers 1927, lors de la campagne d'expropriation des biens ecclésiastiques en URSS, un employé du musée de la laure des Grottes de Kiev a retrouvé dans une église de Kiev une «plaque» qui s'est révélée être un chef-d'œuvre exécuté aux environs de 1530 par le peintre allemand. En 1931, le gouvernement soviétique a vendu ce diptyque aux enchères à Berlin pour un montant de 10.000 dollars à un antiquaire juif, Jacques Goudstikker, dont la famille a fui l'Europe à l'époque nazie. La toile de Cranach a été, à son tour, rachetée par Hermann Göring, une des figures clé du gouvernement du Troisième Reich.
Après la guerre le diptyque a été amené aux Pays-Bas où il a été retrouvé par un descendant de la famille russe noble Stroganov. Il l'a ensuite vendu au Musée Norton Simon dans les années 1970. Depuis ce moment «Adam et Ève» est conservé dans ce musée (ancien Pasadena Museum of Art) situé près de Los Angeles. La belle-fille de Jacques Goudstikker, Marei von Saher, a réclamé cette toile, mais la cour a statué que le rachat du diptyque par le musée américain avait été licite.
La disparition d'un «jeune homme»
Le sort d'une toile du peintre italien Raphaël, «Portrait de jeune homme», aussi disparu dans la tourmente de la Deuxième guerre mondiale, est toujours nébuleux. Le chef-d'œuvre, datant de 1513-1514, conservé au musée Czartoryski en Pologne avant 1939, a été saisi par les nazis et transféré au château du gouverneur générale de Pologne, Hans Frank.
Après la libération du pays, ce dernier a tenté de s'enfuir avec sa collection d'objets d'Art mais a été arrêté par des militaires américains. Toutefois, le «Portrait de jeune homme» n'a pas été retrouvé. Selon des rumeurs, il serait tombé entre les mains de banquiers suisses qui l'ont ensuite vendu en Russie. En 2012, un représentant du ministère des Affaires étrangères de Pologne a démenti les allégations, selon lesquelles la toile de Raphaël avait brûlé, en déclarant qu'elle se trouvait «en sécurité dans un coffre-fort d'une banque».