Les Jeux olympiques ont toujours été un instrument de politique et un baromètre de la situation internationale. Des boycotts les ont marqués au moins tous les dix ans avant d’être interdits par le Comité international olympique (CIO). Mais la demande engendre l’offre: il y a toujours des JO qui manquent d’équipes entières de certains pays, bien que les raisons officielles d’absence des athlètes soient différentes.
Rappelons les compétitions olympiques qui ont brillé par l’absence de nombreuses nations sportives.
Entre les deux Guerres
Au début du XXe siècle, l’Europe était secouée par les guerres et les révolutions, la situation politique était loin d’être calme. Les pays formaient et rompaient leurs alliances. Les conséquences de ces transformations ont eu beaucoup d’influence sur les Jeux olympiques de 1920 et 1924, qui ont respectivement eu lieu à Anvers et Paris.
Anvers 1920
Le premier boycott olympique a été organisé à la veille des JO 1920 d’Anvers pour des raisons purement politiques. Le CIO n’a pas invité l’Allemagne et ses alliés – l’Autriche, la Hongrie, la Turquie et la Bulgarie — pour avoir déclenché la Première guerre mondiale.
Les organisateurs des Jeux d’Anvers ont également fait semblant de ne pas remarquer la naissance de la Russie soviétique. Ils ont préféré considérer les Russes blancs vivant en exil comme les représentants légitimes de la Russie au sein du CIO jusqu’au milieu des années 1930 et les sportifs soviétiques ont pour la première fois participé aux Jeux en 1956.
Paris 1924
En 1924, l’Allemagne était de nouveau absente des Jeux olympiques. L’URSS a reçu une invitation aux Jeux olympiques de Paris par le biais de l’Union gymnique et sportive des patronages de France. Jugeant inacceptable de communiquer avec le mouvement olympique via des médiateurs, l’Union soviétique l’a rejetée. Moscou a pourtant officiellement expliqué son refus par l’indignation «face à l’exclusion des sportifs de l’Allemagne».
Berlin 1936
Les Jeux olympiques de 1936 ont aussi suscité beaucoup de controverses. Berlin a été proclamée capitale olympique deux ans avant l’arrivée des nazis au pouvoir. En 1933, les États-Unis ont proposé de transférer les Jeux dans un autre pays en raison de la promotion des idées racistes en Allemagne. L’idée de tenir des Jeux JO à Barcelone a fait l’objet de discussions, mais la crise politique et la guerre en Espagne ont fait renoncer à ce projet. En plus, une commission du CIO arrivée en Allemagne n’a trouvé rien de suspect. Le chef de la commission et Président du Comité olympique américain Avery Brundage a déclaré que le boycott était «une idée étrangère à l’esprit américain, un complot visant à politiser les Jeux olympiques».
Personne ne se souviendra de cette phrase en 1980 quand les États-Unis décideront de boycotter les Jeux olympiques de Moscou…
Après la Seconde Guerre mondiale
Londres 1948
L’Allemagne et le Japon, les deux principales forces de l'Axe de la Seconde Guerre mondiale, n’ont pas été invitées aux Jeux de Londres. L'Union soviétique a reçu une invitation, mais a choisi de ne pas envoyer d’athlètes.
Melbourne 1956
Les Jeux olympiques de 1956 ont été la scène de plusieurs boycotts.
L’Égypte a annoncé qu’elle ne se présenterait pas aux Jeux en signe de protestation contre l’agression de la France, du Royaume-Uni et d'Israël survenue après la nationalisation du canal de Suez. L’Irak, le Liban et le Cambodge se sont joints à ce boycott.
Les Pays-Bas, l’Espagne et la Suisse ont refusé de participer aux JO de Melbourne pour protester contre les actions de l’URSS en Hongrie.
Deux semaines avant l’ouverture des Jeux, la Chine a aussi proclamé un boycott en réponse à la décision des organisateurs d’autoriser la participation de l’équipe de Chine (Taïwan) sous le nom de Formose.
Tokyo 1964
Les Jeux olympiques de 1964 se sont tenus en l’absence de trois pays — l’Indonésie, la Corée du Nord et l’Afrique du Sud.
L’Indonésie et la Corée du Nord se sont retirées après que le CIO a décidé d'interdire les équipes qui avaient participé aux Jeux des nouvelles forces émergentes (GANEFO) de 1963.
En plus, le CIO a décidé d’expulser l'Afrique du Sud des Jeux olympiques à cause de la politique d’apartheid. En 1970, ce pays a été exclu du CIO. L’Afrique du Sud ne sera plus invitée aux Jeux jusqu'en 1992.
Mexico 1968
Les représentants de la Rhodésie (aujourd’hui Zimbabwe) n’ont pas été admis aux Jeux olympiques au Mexique en raison de la politique d’apartheid menée dans leur pays.
Munich 1972
Après la prise en otage de l’équipe olympique israélienne par les membres du groupe terroriste palestinien Septembre noir et l’assassinat de 11 sportifs, les Israéliens ont regagné leur pays, tout comme certains sportifs algériens, néerlandais, philippins et américains.
La délégation d’Égypte a aussi quitté les JO de Munich par crainte d’une vengeance.
Montréal 1976
Vingt-six pays africains ont boycotté les XXIèmes Jeux olympiques de Montréal à l’initiative de la Tanzanie et de la République du Congo. Ils ont ainsi protesté contre un match de rugby disputé par l’équipe néo-zélandaise en Afrique du Sud. Selon les protestataires, la Nouvelle-Zélande avait ainsi violé le régime d’isolement international des pays sous régime d’apartheid.
L’Irak et le Guyana (ex-Guyane britannique) ont rejoint ce boycott.
Parmi les pays d’Afrique centrale et du Sud, seuls le Sénégal et la Côte d’Ivoire ont participé aux Jeux.
Moscou 1980
La guerre froide, qui a battu son plein au début des années 1980, a eu un effet néfaste sur les Jeux olympiques de 1980 et 1986. Ces compétitions ont été marquées par les boycotts les plus impressionnants de l’histoire du mouvement olympique.
Les États-Unis, le Royaume-Uni et le Canada ont appelé à boycotter les JO de Moscou après l’entrée des troupes soviétiques en Afghanistan. D’ailleurs, les travaillistes britanniques avaient étudié la possibilité de boycotter les Jeux pour d’autres raisons, avant même la décision de Moscou d’aider le gouvernement communiste afghan.
Au total, les délégations de 64 pays étaient absentes de Moscou. D’ailleurs, certaines d’entre elles ont renoncé à se rendre en Union Soviétique en raison des difficultés financières. L’Iran, le Mozambique et le Qatar n’ont pas reçu d’invitations du CIO. Dans le même temps, le Royaume-Uni, la France, l’Italie et l’Espagne ont permis à leurs fédérations sportives de décider elles-mêmes de leur participation. L’équipe britannique a finalement compté 170 sportifs.
Los Angeles 1984
Tous les pays du camp socialiste sauf la Roumanie, la Yougoslavie et la Chine ont boycotté les Jeux olympiques aux États-Unis. Ils l’ont expliqué par le refus des autorités américaines de garantir la sécurité des sportifs de l’URSS et des autres pays du bloc de Varsovie. La Libye et l’Iran ont aussi refusé d’aller à Los Angeles.
Interdiction des boycotts par le CIO
Les boycotts de 1980 et 1984 ont poussé le CIO, alors présidé par Juan Antonio Samaranch à interdire cette forme de protestation politique sous peine de sanctions et d’exclusion. Ces derniers 25 ans, il n’y a eu que très peu de tentatives de boycottage des JO grâce probablement à cette décision du CIO, à la fin de la guerre froide ou à l’absence de conflits militaires majeurs dans le monde.
En 1988, la Corée du Nord n’a pas participé aux Jeux olympiques de Séoul en raison de l’absence d’un traité de paix avec la Corée du Sud. Cuba, le Nicaragua et l’Éthiopie ont soutenu la position de Pyongyang, refusant d’y envoyer leurs athlètes. En 1992, le CIO n’a pas pu inviter la Yougoslavie, en pleine crise politique. En 2000, l’Afghanistan a boycotté les JO de Sydney, pour protester contre l’interdiction du sport dans ce pays par le régime théocratique des talibans. Les initiatives de boycott des Jeux olympiques 2008 de Pékin ou des Jeux olympiques 2014 de Sotchi ont échoué.
Mais une nouvelle méthode d’isoler les pays indésirables a vu le jour…
Ces dernières années ont été marquées par une série de scandales qui ont entraîné l’interdiction de participer aux Jeux olympiques pour des équipes de plusieurs pays.
Rio de Janeiro 2016
Les sportifs de Koweït ont dû concourir sous la bannière olympique après la décision du CIO de suspendre le Comité olympique national de ce pays en 2015 en raison de l’ingérence des autorités koweïtiennes dans ses activités.
Les membres des équipes russes d’haltérophilie et d’athlétisme, ainsi que les paralympiens russes n’ont pas été admis aux Jeux de Rio à la suite des accusations de dopage formulées en 2015 par Richard McLaren, président d’une commission de l’Agence mondiale antidopage (AMA). M.McLaren a affirmé, sans fournir de preuves tangibles, que la Russie aurait mis en place un système de dopage institutionnalisé. L’AMA a ensuite retiré ses accusations concernant 95 des 96 sportifs mentionnés dans le rapport McLaren, mais sa décision est tombée après les JO.
Pyeongchang 2018
Dix-sept pays ont réclamé l'exclusion de la Russie des JO 2018 en Corée du Sud. Le Comité international paralympique (IPC), à son tour, a aussi interdit à tous les paralympiens russes de prendre part aux Jeux paralympiques d'hiver 2018.
Comme par hasard, ces tentatives d’écarter des pays du mouvement olympique ont lieu alors que les tensions se font toujours plus fortes sur la scène internationale.
Le père des Jeux olympiques de l’ère moderne, Pierre de Coubertin, a toujours déclaré que l’olympisme devait être libre de la politique. Malheureusement, loin de l'esprit de Coubertin, les Jeux n’arrivent toujours pas à rester une compétition purement sportive.