«Vous connaissez François Asselineau?» une phrase devenue mythique tellement elle est utilisée sur les réseaux sociaux par les militants de l'UPR. Quatre mots qui en disent long sur la stratégie du candidat à la présidentielle 2017: sortir de l'ombre.
Le président de l'Union populaire républicaine (UPR) a en effet connu son quart d'heure de gloire warholien pendant la campagne présidentielle, avec plateaux télé, égalité de temps de parole entre candidats, débat du 1er tour… Il était, selon ses termes, «celui qui connaît ses dossiers», capable de citer le moindre article d'un traité européen pour mieux le fustiger.
Depuis, l'ambiance est tout autre: fini le siège de campagne avenue de Wagram, à deux pas de la place de l'Étoile, place maintenant au XIIe arrondissement dans un local commercial. Si François Asselineau a disparu des radars médiatiques depuis le mois d'avril, il n'a pourtant pas dit son dernier mot. Relayant un discours très rodé, l'ancien candidat n'a pas changé d'un iota sur ses positions anti-euro, anti-UE et anti-Otan.
Entassés à quatre ou cinq dans le petit local, les employés du parti nous reçoivent chaleureusement et nous font entrer, au milieu des cartons de pin's anti-UE et de champagne made in UPR. Le président fondateur, M. Asselineau, est déjà là. Très professionnel, il termine sa séance de maquillage pour la réalisation de ce portrait, un entretien qui durera plus d'une heure. J'avais prévenu l'attaché presse, ça devait être un entretien relativement informel, qui aurait dû davantage révéler le personnage et éviter la langue de bois. Pour la langue de bois, c'est raté; mais pour ce qui est du mystérieux Asselineau, on en sait plus maintenant sur sa personnalité et ses idées.
«On me reconnaît dans la rue maintenant». La campagne présidentielle ponctuée par ses divers passages médiatiques lui a permis de sortir momentanément de l'ombre. Ses affiches disséminées partout en France depuis quelques années, collées par de vrais militants «et non par des sociétés spécialisées [oui, ça existe], comme d'autres partis» avaient déjà préparé le terrain à coup de slogans bien tape-à-l'œil, «votre vote va faire du bruit» ou encore «le parti qui monte malgré le silence des médias». Les colleurs de l'UPR ont d'ailleurs encore frappé récemment dans les rues de Paris, avec une nouvelle campagne d'affichage.
L'invisibilité médiatique que dénonce Asselineau (sauf sur Sputnik) est ainsi inversement proportionnelle à sa visibilité dans les rues des communes françaises, mais également sur Internet, où de nombreux militants du parti commentent (et parfois, polluent) en masse l'actualité au risque de faire passer Asselineau pour un gourou et l'UPR pour une secte.
D'une quinzaine de milliers d'adhérents au 1er janvier 2017, le parti a doublé ce chiffre en un an. Une donnée sans doute plus représentative de son poids dans l'espace politique en France: 91.000 J'aime sur Facebook. À titre de comparaison, on y trouve aussi sur le réseau social 467.000 J'aime pour le FN ou encore 215.000 J'aime pour En Marche. Ou encore même, le nombre de voix obtenues au 1er tour de l'élection présidentielle, avec 332.000 voix, soit 0,92% des suffrages exprimés.
Si pour certains, l'énoncé paraît simpliste, radical et très négatif, le parcours politique du président de l'UPR témoigne de la cohérence de sa ligne politique vis-à-vis de l'UE. En cela, il peut être comparé à Nigel Farage, ancien chef de l'UKIP, qui a milité toute sa carrière politique afin que la Grande-Bretagne se retire de l'UE.
François Asselineau s'engage en politique à la fin des années 90. Ancien de HEC puis de l'ENA, il en sort inspecteur général des finances puis il entre dans les cabinets ministériels à partir de 1993. Une année auparavant, il vote déjà non à Maastricht, mais «sans grande conviction», déclare-t-il. Passionné du Japon, où il a réalisé un stage à l'Ambassade de France, il confie avoir découvert là-bas ce qu'est une nation et son amour pour la France et se permet même une petite note d'humour: «je suis peut-être la réincarnation d'un vieux bonze de Kyoto».
Puis au fil des années, il se rapproche de la liste Pasqua-de Villiers aux Européennes de 1999. Si, se souvient-il, la coloration «droitière» le gênait, c'était surtout le fait de «ne pas aller au fond des choses», en clair de ne pas réclamer la sortie de l'UE, qui chiffonnait François Asselineau. C'est alors qu'en 2007, surfant sur la vague du référendum sur la Constitution européenne, il fonde l'Union Populaire Républicaine. De manière presque touchante, il rejette toute idée d'opportunisme politicien en mettant en avant son âge à l'époque, 50 ans.
Pas opportuniste, mais complotiste d'extrême-droite, François Asselineau? C'est en tout cas, la question qui taraude nos confrères. Alors que je m'apprêtais à me livrer à l'exercice rituel, il me devance, sachant que c'est la question que les journalistes lui posent à chacune de ses rares interventions médiatisées. En fait, il ne se dit «ni de droite ni de gauche» et en veut pour preuve une classification du Ministère de l'Intérieur, plaçant son parti dans la catégorie «Divers». Ce qui paraît d'ailleurs vraisemblable, François Asselineau ne s'épanchant ni sur les sujets de société ni sur les polémiques franco-françaises:
«Croyez-vous que de Gaulle en juin 1940 aurait donné son avis sur le mariage homosexuel?»
Sa priorité: «récupérer la souveraineté nationale». Grosso modo, résoudre les problèmes de la politique intérieure française au moyen de la politique étrangère. La lutte contre l'immigration et l'islam, thématiques chères à la droite, très peu pour lui. On le sent d'ailleurs gêné sur cette question. Il déclare avant tout vouloir rassembler les Français. Et vu son score de 0,92%, la route sera longue avant de convaincre une majorité de ses concitoyens que la seule véritable priorité du pays, c'est la lutte contre Bruxelles.
Difficile donc d'étiqueter l'individu, surtout qu'il n'est tendre avec personne. A fortiori avec les souverainistes. Lui qui déteste être affublé de cette étiquette considère qu'ils ne vont pas au bout de leur raisonnement. S'il n'est ni souverainiste ni identitaire, quel espace politique, quel terreau d'électeurs cherche-t-il à cultiver?
En fait, il souhaite attirer les électeurs de Le Pen, Dupont-Aignan et Mélenchon déçus de leurs positions sur la question de l'euro. Le Front national, qui a viré sa cuti sur la monnaie unique après sa débâcle au 2e tour? Bien avant l'élection, Asselineau prédisait que Marine Le Pen «n'a jamais voulu sortir de l'euro». Dupont-Aignan, Mélenchon, Florian Philippot? «Ils sont ambigus». Il le répète sans fin, nous sommes les seuls à vouloir ci, ça ou encore cela, sans rechercher des points de convergence avec quelque autre parti. Ce qui peut être considéré comme de la clarté idéologique peut également être assimilé à du sectarisme, selon Jacques Sapir:
«Le problème avec M. Asselineau, c'est qu'il dit: "tous ceux qui ne pensent pas exactement comme moi, sont des alliés de l'Union européenne. Autrement dit, je suis le seul qui ait raison, tous les autres ont tort." Et ça, je suis désolé, ça définit une secte, ça ne définit pas un parti politique.»
Mais a-t-il seulement l'envergure, le charisme ou même le physique du général? Très pédagogiques et amplement documentées, ses conférences régulières sur le Web ne le font toutefois pas apparaître comme l'héritier désigné de De Gaulle, ni même Chevènement, l'un des derniers hérauts de la souveraineté nationale, mais plutôt comme un homme de cabinet.
Eric Anceau, ancien de Debout la France, suggérait en pleine campagne qu'il verrait bien François Asselineau s'occuper de la renégociation des traités européens dans un éventuel gouvernement souverainiste, mais moins à l'Élysée.