Pour Toufik, retraité de la fonction publique algérienne, il s'agit comme chaque année, d'une occasion à célébrer. Dressé d'une belle djellaba aux bordures argentées, il s'apprête ce soir à rejoindre une des mosquées de Bab El Oued, un quartier populaire de la capitale Alger. La prière sera exceptionnellement suivie par la récitation de chants spirituels, célébrant la naissance du prophète Mahomet.
Dans ce quartier algérois, pas besoin de prétexte pour ouvrir les hostilités. On «tire» sur tout ce qui bouge pour se réfugier, juste après, dans l'entrée d'un immeuble. Parfois, on effectue carrément un repli tactique dans une rue voisine quand on appréhende une riposte concertée, d'une grande envergure. Des alliances se nouent et des solidarités se défont, parfois sans logique précise, au gré de rencontres fortuites. Pour rajouter un élément de complexité, comme dans toute guérilla, les fameux francs-tireurs!
Plutôt qu'une version locale du Palio de Sienne, qui oppose chaque année les différents quartiers de la ville toscane, le schéma rappelle ici plutôt les batailles de rues engagées dans quelques favelas de Rio.
La persistance de ces pratiques, observée depuis des années, est due au fait qu'il s'agit d'«une manifestation anthropologique de la joie et de la sociabilité inter-quartier, en cohérence avec les épreuves endurées par la société algérienne», a commenté Nabil Smida, sociologue tunisien qui estime toutefois que les débordements observés indiquent «une violence socio-politique qui couve».
«C'est bien regrettable, la fête du Mouloud est une célébration qui devrait permettre de se recueillir, de gagner en termes de spiritualité, de sagesse. Je regrette que l'esprit en soit détourné de cette façon», a commenté Karim, la quarantaine.
Malgré leur interdiction, les pétards continuent de noyer, particulièrement pendant le Mawlid, le marché algérien. Au titre de l'année 2016, les services des douanes algériennes ont annoncé avoir saisi 55 millions d'unités de jeux pyrotechniques et de pétards. Ils ont également enregistré 120 infractions liées à l'importation illégale de ces produits.