Au seuil de la guerre nucléaire: la psychologie des aspirations de Pyongyang

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Après que la Corée du Nord a effectué son dernier tir de missile, le monde retient de nouveau son souffle, essayant de deviner la suite et se demandant si l’on est au seuil d’une guerre nucléaire. Pour y répondre, il ne suffit pas d’être un spécialiste militaire, il faut aussi se débrouiller en psychologie!

Dans la nuit du 28 au 29 novembre la Corée du Nord a effectué un nouveau tir de missile intercontinental capable de toucher le territoire du Japon et de la Corée du Sud, alliés des États-Unis, ainsi que de porter des armes de destruction massive (y compris, une bombe nucléaire). La portée du plus puissant missile testé par la Corée du Nord jusqu'à aujourd'hui est de 4000 kilomètres, ce qui lui permettrait d'atteindre le territoire du Japon, de la Coré du Sud, de la Chine, de la Russie, ainsi que celui de l'île américain de Guam et de plusieurs pays de l'Asie du Sud-Est. Bien que selon certains experts, les ogives nucléaires nord-coréennes soient trop grandes pour être portées par ses missiles, il est très probable que la Corée du Nord parvienne à les rendre plus compactes dans les années à venir. Avant d'adapter des mesures restrictives à l'égard de Pyongyang, il faut essayer de faire le point sur les motifs qui poussent la Corée du Nord à devenir une puissance nucléaire.

Le complexe d'un petit pays

Le nombre de pays possédant des armes nucléaires s'est élargi ces dernières décennies. Les États non-signataires du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP), qui l'ont développé malgré les efforts de la communauté internationale de limiter le club nucléaire sont l'Inde (1974), le Pakistan (1998) et probablement Israel, qui, cependant, ne le reconnait pas officiellement. La Corée du Nord serait le quatrième membre de ce club des puissances nucléaires non officielles. Pourquoi est-il si important pour ces pays de se doter de la bombe nucléaire?

© Sputnik . Ilya Pitalev / Accéder à la base multimédiaKim Jong-Un
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L'aspiration des États comme la Corée du Nord à développer une arme nucléaire est poussée par leur volonté de s'affirmer face aux grandes puissances. Incapables d'influencer l'ordre économique et politique mondial, ils cherchent à obtenir cette arme «toute-puissante» qui obligera les grands pays, comme les États-Unis, à prendre leur avis en compte. Par conséquent, la rhétorique employée par le nouveau Président américain à l'égard de son homologue nord-coréen ne se traduit que par une aggravation de la situation. Ce ton arrogant est perçu par Kim Jung-Un comme une injure personnelle, ce qui le pousse à riposter en effectuant régulièrement des tirs de missiles.

La renaissance de la doctrine de dissuasion nucléaire

Il faut souligner que tous les pays qui se sont dotés de l'arme nucléaire de manière «illicite» sont parties prenantes à des conflits de longue date: l'Inde contre le Pakistan, Israël contre les Palestiniens soutenus par plusieurs pays arabes. La RPDC est quant à elle en guerre contre la République de Corée depuis plus d'un demi-siècle. L'arme nucléaire serait pour ces pays un moyen de se défendre où même de gagner dans ces conflits. Cela nous rappelle la doctrine de dissuasion nucléaire qui est apparue dans les relations entre les États-Unis et l'URSS lors de la guerre froide, «l'équilibre de la terreur». Selon cette doctrine, l'arme nucléaire n'est pas destinée à être utilisée lors d'une guerre, car les conséquences de son utilisation seraient dévastatrices, mais elle donne la possibilité de dissuader l'adversaire, grâce à la menace de riposte nucléaire de sa part.

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Bien que tout au long de la guerre froide la dissuasion nucléaire ait été efficace pour prévenir une guerre entre les deux superpuissances, dans le monde d'aujourd'hui elle paraît obsolète et même dangereuse. La prolifération des armes nucléaires augmente le risque de son utilisation «surprise», ainsi que celui de sa saisie par des terroristes. Il faut donc trouver une voie permettant de convaincre les pays qui veulent se doter d'une bombe nucléaire qu'il y a d'autres moyens de garantir leur sécurité.

Peut-on négocier avec Kim Jong-Un?

Selon la position russe, le problème du dossier nord-coréen ne peut être réglé que par des moyens politiques et diplomatiques. Bien que Kim Jong-Un soit souvent présenté comme un dirigeant intransigeant, où même comme un «fou» («madman», selon Donald Trump), il semble possible de négocier avec la Corée du Nord. Il faut rappeler l'accord-cadre de 1994 entre les États-Unis et la Corée du Nord stipulant que cette dernière devait renoncer à son programme nucléaire, tout en gardant le droit à développer la filière nucléaire civile. Cependant, le potentiel de cet accord n'a pas été pleinement exploité du fait de l'arrivé au pouvoir de George W. Bush, qui, tout comme Donald Trump, était un adepte des mesures musclées.

Le dossier du programme nucléaire nord-coréen peut être comparé à celui de l'Iran. Les négociations sur ce dernier ont abouti à la signature de l'accord du 14 juillet 2015 interdisant à l'Iran de produire de l'uranium hautement enrichi, utilisable à des fins militaires. Cet accord a permis de faire baisser les tensions autour du programme nucléaire iranien, en préservant son droit au développement de l'énergie nucléaire.

Néanmoins, certains experts estiment que cette solution n'est pas applicable dans le cas de la Corée du Nord, car à l'inverse de l'Iran, elle s'est déjà dotée de la bombe nucléaire. Il n'y a qu'un seul exemple, celui de l'Afrique du Sud, de pays ayant renoncé à son arme nucléaire. Selon un expert du Conseil russe des affaires internationales, la dénucléarisation de la péninsule coréenne ne peut se faire que sur le long terme.

Aujourd'hui, il faut que la communauté internationale se focalise sur la prévention du conflit militaire avec la Corée du Nord. Tout d'abord, il est nécessaire de pallier le sentiment de danger provoqué chez Kim Jong-Un par les exercices militaires des États-Unis et de leurs alliés dans la région. Il est aussi important de réduire la possibilité d'un conflit «surprise» sur la péninsule coréenne en adoptant des mesures de confiance. Et enfin, il faut garantir que la Corée du Nord ne transférera pas ses technologies à des pays tiers, ce qui serait possible en cas d'adhésion au TNP.

Les opinions exprimées dans ce contenu n'engagent que la responsabilité de l'auteur.

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