Futur avion de combat européen… si les politiques suivent

© AFP 2024 ERIC PIERMONTDassault Aviation
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Le directeur général d’Airbus Defense and Space lance un appel à la coopération entre Airbus et Dassault pour la construction d’un nouvel avion de combat. Recréer un pôle aéronautique de défense, malmené en Europe par l’industrie américaine, est séduisant, mais la volonté politique sera-t-elle au rendez-vous?

«Il ne faut pas rater cette occasion»: selon Dirk Hoke, interrogé le 27 novembre par Les Échos, l'arrivée d'Emmanuel Macron au pouvoir crée « une opportunité unique d'œuvrer réellement au rapprochement européen» dans le domaine aéronautique.

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Au programme, comme esquissé lors du 19e conseil des ministres franco-allemand en juillet dernier, la création d'un avion de combat de sixième génération, qui devra remplacer les Tornado, Eurofighter et Rafale, à l'horizon de 2040. Certains industriels français «redoutaient déjà la prééminence de l'Allemagne dans ces futurs programmes», comme l'écrivait alors le quotidien.

«La volonté de rapprochement c'est bien beau, mais il faut des réalités derrière, qui pour l'instant n'existent pas vraiment», commente le Général de brigade aérienne Jean-Vincent Brisset. «C'est un problème de volonté politique. Il y a un nombre de pays européens qui ont démontré qu'ils étaient très européens pour recueillir des fonds, pour recueillir des subsides, pour participer à des programmes européens, mais quand il s'agissait de dépenser leur propre argent pour acheter quelque chose, ils sont beaucoup moins européens et se précipitent plutôt vers les États-Unis.»

Qu'adviendra-t-il en effet de pays comme le Royaume-Uni, l'Italie et l'Espagne, qui ont coopéré sur les programmes Tornado et Eurofighter, et dont les deux premiers sont depuis impliqués dans le programme F35? C'est pour l'instant l'inconnue. Il faut dire que le projet n'en est qu'à une annonce de proposition, autant dire que nous n'en sommes qu'au tout début du chemin.

Le projet d'avion évoqué se veut de sixième génération, ce qui voudrait dire faire «l'impasse sur la cinquième génération», impliquant ainsi de nouvelles recherches, notamment sur les «énergies dirigées, qui ne sont pas du tout au point».

«Il est indispensable qu'il y ait une collaboration entre Airbus et Dassault sur ce problème, alors qu'Airbus et Dassault sont à l'heure actuelle concurrents, entre Eurofighter et Rafale», analyse le général Brisset.

Une coopération entre concurrents qui serait une première, puisqu'à l'époque de sa conception, Dassault avait fait cavalier seul avec son Rafale, faute de trouver des partenaires européens, qui s'étaient en revanche ligués autour du projet Eurofighter. L'avionneur français serait-il prêt à passer l'éponge sur cet épisode douloureux?

«C'est une des grandes inconnues. On est dans la volonté politique. C'est une volonté d'Airbus, ce n'est pas forcément une volonté de Dassault en particulier.»

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La volonté affichée par le directeur d'Airbus Defence and Space est de «permettre à l'armée allemande d'assurer sa souveraineté entre 2035 et 2045». L'Allemagne assume le transport de la bombe nucléaire américaine, par le biais des Tornado, fonction qui pourrait être assurée par l'Eurofighter. Selon Dirk Hoke, le nouvel avion qu'il appelle de ses vœux «permettrait de maintenir une solution européenne, d'éviter d'acheter le F-35 aux États-Unis, dont les Européens n'auront jamais la maîtrise.».

«Là aussi, on est sur un décalage complet: le F35 c'est maintenant. Le futur avion de combat franco-allemand, c'est dans… 17 ou 18 ans. Donc on n'est pas du tout sur des programmes qui sont concurrents actuellement»,

estime le Général Brisset, pour qui le véritable problème se trouve plutôt dans la capacité à se mettre d'accord rapidement un modèle, chose qui n'est pas aisée au regard des besoins divergents des armées européennes. C'est pourtant une question centrale au regard de l'indépendance de l'Europe vis-à-vis du complexe militaro-industriel américain.

«Il est évident aussi que cette proposition vise à contrer une mainmise du F35, qui signifierait la mort de Dassault et la partie avion de chasse d'Airbus. Le vrai problème, il est là. Il n'est pas dans la réalisation d'un avion, mais c'est d'avoir quelque chose tout de suite, qui soit suffisamment lancé, suffisamment profondément ancré pour que ça puisse aboutir tout de suite.»

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Une gageure quand on se souvient des problèmes récurrents de l'A400M, l'avion de transport militaire d'Airbus, qui, en cédant aux desiderata de chacun, a provoqué surcoûts, problèmes techniques et retards de livraison:

«Quelle que soit la coopération, ou la non-coopération qui sera choisie, on est sur un avion qui conviendra aux besoins des uns et des autres. À condition qu'on ne recommence pas les égoïsmes nationaux, qui ont consisté à empaqueter à l'intérieur de l'A400M tous les besoins de tous les pays pour faire plaisir à tout le monde… Et à faire un avion qui est trop lourd et trop complet par rapport à ce qu'il aurait pu être», rappelle le Général Brisset.

Interrogé sur le rôle de Dassault Aviation dans une telle configuration, Dirk Hoke a assuré: «Ma seule certitude est qu'il n'y aura pas de nouveaux projets européens sans une collaboration intense et forte entre Airbus et Dassault.»

«De toute façon entre la France et l'Allemagne se pose la question de la dualité entre Airbus et Dassault. Dassault sait faire des choses et Airbus ne sait pas les faire tout seul et Airbus, sans la partie britannique, sait encore moins les faire», conclut le général Brisset. 

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