Pendant près d'un an, Pékin a usé de sanctions tacites contre les compagnies sud-coréennes en se basant sur l'idée que l'ABM américain déployé sur le territoire de son voisin n'était pas dirigé contre la Corée du Nord, comme l'affirmaient Séoul et Washington, mais contre la Chine, écrit vendredi le quotidien Kommersant. La Corée du Sud a réussi à normaliser les relations avec son plus important partenaire commercial en faisant des concessions et en permettant à Pékin de restreindre la liberté d'action de Séoul dans le domaine de la sécurité.
Selon les estimations de Korea Development Bank, un an de sanctions tacites de la Chine contre la Corée du Sud (elles ont commencé en août-septembre 2016 et ont été durcies en mars 2017) a coûté entre 6,4 (pertes directes) et 20,3 milliards de dollars (revenus non perçus) à Séoul. Le conglomérat polyvalent Lotte, qui avait mis à disposition son terrain de golf pour le déploiement du THAAD, a été particulièrement touché. Ses ventes en Chine ont chuté de 88% au deuxième trimestre 2017 en glissement annuel. Les ventes de voitures Hyundai en Chine ont également fléchi de 64% pendant cette période. Le nombre de touristes chinois en Corée du Sud a baissé de 65,7% après que Pékin a interdit en mars de vendre des tours groupés dans ce pays. Séoul a pris plusieurs mesures économiques destinées pour compenser ces pertes de revenus, mais en vain. La Chine est le principal partenaire commercial de la Corée du Sud — leurs échanges bilatéraux s'élevaient à 211 milliards de dollars en 2016 — et c'est aussi la principale source de touristes pour le pays.
Le professeur Andreï Lankov de l'université Kookmin (Séoul) pense que ces accords sont une grande victoire diplomatique de la Chine, reflétant son passage au rôle de superpuissance régionale. «De facto, elle a réussi à ce qu'un État souverain limite publiquement sa politique dans le domaine de la sécurité sans aucune contrepartie de sa part. Cela reflète la formation d'une zone d'intérêts particuliers de la Chine, où les États doivent tenir compte de l'avis de Pékin dans l'élaboration de leur politique étrangère et de défense», conclut l'expert.
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