Non, l'expression «la vie s'est brisée en deux» ne relève pas du seul cliché journalistique. Pour Anna Tuv, habitante du Donbass, il y a clairement un «avant» et un «après» la perte de son mari et de sa fille aînée dans un bombardement. Malgré tout, elle a su se relever et devenir la porte-parole de toutes les mères qui ont perdu leurs enfants lors des bombardements d'Ilovaïsk par l'armée ukrainienne.
«Je suis un témoin vivant de ces crimes, clame Anna. Nous voulons que l'ONU prenne en compte des centaines des dossiers d'indemnisation pour les morts et les blessés. Aucune famille n'a reçu ni compensation pour les blessures ou la mort d'un enfant, ni même d'excuses verbales,» s'indigne Anna Tuv à notre micro.
«Chaque témoin avait 20 minutes pour parler, raconte Anna Tuv. J'ai apporté des photos d'enfants morts dans le Donbass et des images des destructions dans des zones résidentielles de notre ville. J'ai aussi raconté mon histoire personnelle. Je suis citoyenne de l'Ukraine et j'ai souffert de la guerre civile. Aucun article de la Constitution ukrainienne n'autorise l'utilisation d'armes lourdes contre des civils.»
Anna regrette que les médias européens ne la contactent pas pour recueillir des informations «de première main» et pense que cela est avant tout du à des pressions qu'ils subiraient. «On n'a pas besoin de nous, regrette Anna. La situation géopolitique n'évolue pas dans l'intérêt du peuple.»
«Nous attendons une décision sur l'évacuation des enfants de la zone "rouge", c'est-à-dire de la zone des tirs sporadiques. Qu'on les évacue n'importe où, quelque part, afin qu'ils puissent continuer à aller à l'école normalement,» plaide-t-elle.
«Je ne serai jamais réconforté par aucune compensation, nous dit Anna Tuv. Je veux juste que les gens qui ont donné l'ordre de bombarder ma famille et les familles des autres victimes soient punis. Une chose est sûre: je ne me m'arrêterai pas tant que ne seront pas punis ceux qui ont donné l'ordre de tirer sur les enfants du Donetsk.»
Entre-temps, Anna, avec sa mère, sa fille et son fils, qui ont survécu au bombardement en 2015, vivent en Russie avec le soutien de bénévoles. Elle partage une maison dans la région de Moscou avec d'autres familles qui ont fui la zone de conflit ukrainien et attend que le procès pour les opérations militaires menées avec des armes prohibées et pour le meurtre de son mari et de sa fille soit mené à Strasbourg.