«Un jour, j'ai tout simplement laissé une petite annonce dans un groupe sur VKontakte [analogue russe de Facebook, ndlr]. Je ne m'attendais même pas à ce que quelqu'un réponde. Mais, une semaine plus tard, un homme m'a écrit me proposant d'aller au cinéma. Puis encore trois personnes… Un mois plus tard, les propositions sont devenues quotidiennes», confie Anastasia, 25 ans. Cette jeune femme originaire de Saint-Pétersbourg est une amie à louer professionnelle depuis voilà deux ans.
Elle touche environ 45.000 par mois, soit 650 euros à peu près. L'«amitié» qu'elle vend ne dure jamais plus d'une semaine. «C'est agréable de prendre dans mes bras la personne qui en a besoin. Je suis prête à supporter les larmes d'autrui, je sens que je rends ce monde un peu meilleur», confie la jeune femme.
«Il y a beaucoup de gens inadéquates, pour cela je préviens tout de suite que je suis une amie à louer, qu'il n'y aura jamais de rapports sexuels et que l'on ne s'attache pas l'un à l'autre. Ceci facilite aussi bien ma vie que la sienne», relate-t-elle.
Parfois, la situation sort du contrôle. Ainsi, un homme ayant payé une journée en sa compagnie lui a subitement annoncé que dans une heure ils devaient être à l'aéroport pour effectuer un saut en parachute. Le soir, il l'a chaleureusement remercié, expliquant que tout seul il n'aurait jamais osé le faire.
Comme l'explique la psychologue Julia Demidova, beaucoup de gens cherchant un ami à louer ont juste besoin de soutien, d'aide ou de conseil.
«Les gens sont pris par eux-mêmes, spécialement dans les grandes villes. Ceux qui ont souvent besoin d'amis possèdent un monde intérieur riche que les autres ne remarquent souvent pas. L'achat de ce service leur offre l'occasion de parler, de faire part de leurs pensées et de leurs sentiments», explique-t-elle.
Un ami «raté»
Toutefois, certains ne parviennent pas à devenir un ami à succès. Le Moscovite Andreï Svaroji qui a laissé une annonce il y a trois mois n'a toujours reçu aucune invitation. «J'ai publié ce poste lorsque j'étais pris d'émotions en apprenant qu'un tel phénomène existait. J'ai été surpris d'apprendre que des gens sont prêts à payer un simple échange. Mais je n'ai jamais eu l'occasion de vivre cette expérience».
Il avoue que si quelqu'un lui écrit un jour, il évaluera les demandes et la personnalité de celui qui s'adresse à lui. «Je ne comprends toujours pas comment on peut payer l'échange humain».
Pourtant, les psychologues assurent que ce format d'échange est de plus en plus demandé au sein de la société contemporaine.
«De nos jours, on remplace souvent l'amitié par internet. Beaucoup de gens sont prêts à payer un échange avec un individu agréable. Ceci n'oblige à rien, chacun reçoit ce qu'il veut. En plus, ce format simplifie la vie: tu as échangé, parlé, passé du temps et peu importe ce que l'autre pense de toi».