Malgré le Brexit, la France pourrait renforcer les accords du Touquet

© REUTERS / Pascal RossignolCalais
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Les accords du Touquet n’ont pas fini de faire couler de l’encre. Vivement décriés durant la campagne du «Brexit» au Royaume-Uni et durant les présidentielles en France, Paris pourrait avoir infléchi sa position sur le sulfureux traité, optant ainsi pour son renforcement plutôt que sa dénonciation.

Deux mois avant un sommet franco-britannique, le quotidien Le Monde profite du voyage de Gérard Collomb au Royaume-Uni pour revenir sur l'avenir des accords du Touquet. Comme le souligne le quotidien, les textes fixant les frontières britanniques côté français de la Manche seront selon toute vraisemblance, au centre des discussions entre Paris et Londres.

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Des textes relatifs à la gestion de la frontière franco-britannique qui, depuis la médiatisation de la crise migratoire dans le nord de la France, tout particulièrement avec le cas de la «Jungle» de Calais, ont fait couler beaucoup d'encre. Quelques jours après la victoire du «Brexit», fin juin 2016, Emmanuel Macron, alors ministre de l'Économie, avait évoqué la plus grande exigence que les Français étaient en droit d'avoir à l'égard des Britanniques en matière de gestion des flux migratoires, même s'il rappelait que les accords du Touquet n'étaient pas conditionnés par l'appartenance de la Grande-Bretagne à l'UE.

Une précision qui n'était pas de mise quelques mois plus tôt, lorsque début mars Emmanuel Macron déclarait lors d'une interview au quotidien britannique Financial Times que «la France ne retiendrait plus les migrants à Calais» dans le cas où le Royaume-Uni choisirait de quitter le giron européen. Des propos dénoncés comme un «chantage» par une partie de la classe politique anglaise.

En cette fin d'années, l'heure est à l'apaisement. Si la principale préoccupation des deux gouvernements, mise en avant par la presse, est la question du sort des migrants (et particulièrement des mineurs), une remise en cause des accords du Touquet n'affecterait pas que les candidats à l'exil: 

«Cela voudrait dire le rétablissement d'une frontière dure entre le Royaume-Uni et la France, cela serait une catastrophe»,


souligne ainsi le politologue Philippe Moreau-Defarges, spécialiste de la géopolitique et de la construction européenne. L'auteur de «Nouvelles Relations internationales» (Éd. Seuil, 2017) insiste sur le fait qu'une remise en cause des accords du Touquet par l'État français impacterait particulièrement les citoyens français et sujets anglais qui effectuent régulièrement le trajet entre le continent et les îles britanniques.

«Si les deux gouvernements sont raisonnables, ils vont chercher un véritable compromis, ils ne vont pas s'affronter, ce sont des questions graves qui concernent des dizaines- des centaines- de milliers de personnes et leurs emplois.»

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Le politologue estime que dénoncer les accords du Touquet serait «un acte irresponsable», même si l'éventualité de recourir à cette solution «brutale» reste «toujours possible». De fait, Olivier Cahn, maître de conférences à la faculté de droit de Cergy-Pontoise et chercheur au laboratoire CESDIP-CNRS — fin connaisseur des accords franco-britanniques — évoquait cette hypothèse à notre micro en juillet 2016:

«Vous avez dans le traité du Touquet, une disposition qui prévoit qu'il peut être dénoncé par l'une des deux parties. À ce moment-là s'enclenchera un processus qui —dans les deux ans qui suivent- conduira à l'anéantissement de l'accord. S'agissant de l'accord de Sangatte et du protocole additionnel à l'accord de Sangatte, ce sont les règles ordinaires du droit international public qui vont s'appliquer et dans ces conditions la France peut tout à fait les dénoncer.»

Une hypothèse plus juridique que politique, de l'aveu même du chercheur et que Philippe Moreau-Defarges ne juge pas «raisonnable» ni «rationnelle» au vu des flux entre les deux pays:

«On ne peut pas piétiner comme ça la vie sociale et la vie économique des gens, quels que soient les votes politiques: même s'il y a un vote pour le Brexit, il y a une nécessité de respecter la vie des gens.»

Pour rappel le traité fut signé en février 2003 entre le ministre de l'Intérieur de l'époque, Nicolas Sarkozy, et son homologue britannique David Blinkett. Une signature qui intervenait dans le contexte de la fermeture du centre de Sangatte suite aux pressions des autorités britanniques acceptant en échange de prendre à leurs charges un millier de clandestins d'origine kurde irakienne.

Mais depuis, la donne semble avoir bien changé. Quelles sont donc les compensations obtenues par la France lors de la signature de ce traité, ainsi que de ses protocoles additionnels, externalisant la frontière britannique sur son sol? Pour l'heure, cette contrepartie est économique: la France touche 1,7 million d'euros hebdomadaires du contribuable britannique. Une recette à laquelle il faut toutefois soustraire les coûts des infrastructures d'accueil ainsi que de sécurité.

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Un coût auquel s'ajoute celui de la prise en charge, de manière globale, des candidats à l'exil n'ayant pu rejoindre les côtes britanniques. Souvenez-vous, à l'automne 2016, lors du démantèlement de la Jungle, ses habitants, qui ne souhaitaient pourtant pas rester sur notre sol, ont été répartis sur le territoire et incité à déposer leur demande d'asile en France, la République faisant ainsi le choix de prendre à sa charge ces personnes pour le reste de leur vie.

La France n'a-t-elle donc obtenu que des compensations financières, finalement peu avantageuses? difficile à croire pour Olivier Cahn:

«On ne peut former que des hypothèses, c'est que les Anglais ont mis autre chose dans la balance que la sécurisation de la frontière et que cela pourrait tout à fait être des accords en termes d'échange de renseignement en matière de coopération policière et judiciaire.»

En l'état de nos connaissances sur ce dossier, l'opération semble donc plutôt bonne pour Londres, que Xavier Bertrand, fervent défenseur d'une ligne ferme vis-à-vis de Londres concernant les textes transmanche, accuse de faire le minimum, pendant que Paris assume seule la «pression migratoire».

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