La droite serait-elle dans une «fâcheuse posture»? C'est en tout cas le diagnostic de Frédéric Saint Clair, auteur du livre La refondation de la droite (Éd. Salvator, 2016). Cet analyste en stratégie politique et ancien chargé de mission auprès de Dominique de Villepin —lorsqu'il était en poste à Matignon- revient sur une droite, multiple, qui sous la pression s'est oubliée.
Une droite dite «de gouvernement» qui, aujourd'hui, se retrouve prise en étau entre son aile centriste, captée par un Emmanuel Macron qui assume pleinement le libéralisme et un Front national auquel elle a délaissé l'usage exclusif du Nationalisme et de la défense des prérogatives régaliennes de la France. Une droite à laquelle ne reste plus qu'un Conservatisme jamais expérimenté en France et qu'elle n'a jamais osé explorer. À ceux qui accusent Emmanuel Macron d'avoir tué la droite et la gauche, Frédéric Saint Clair répond:
«Emmanuel Macron arrive sur un champ de ruines, il recompose. Ce n'est pas lui qui tue, lui il recompose simplement. C'est-à-dire qu'il arrive, tout est cassé, et il prend les morceaux qui l'intéressent. Bien évidemment, cela a été surprenant cette victoire-là, mais idéologiquement il n'y a rien de neuf.»
«Ironie du sort, le libéralisme est en train de prendre pied politiquement et économiquement dans notre pays. Il vient de la gauche, il vient d'Emmanuel Macron, de cette troisième voie à gauche, on pourrait presque dire Blairiste, qui cherche à rallier les bonnes volontés de droite et de gauche.»
Deuxième «oubli», une pensée conservatrice «écartée», celle qui a valu bien des déboires à François Fillon. Pourtant celui-ci s'en défendait, preuve, selon l'auteur, de la méconnaissance des causes de son succès. «Conservatisme», un terme généralement mal employé d'après Frédéric Saint Clair, associé à tort au terme «réactionnaire», à l'immobilisme. Un immobilisme, ironie du sort là encore, qui fait la aussi l'actualité à gauche de l'échiquier politique.
«On voit bien qu'en France, le conservatisme n'existe pas, il y a tout à créer- c'est un vrai monument —et en réalité, je pense qu'il est le vrai pilier d'opposition ou plutôt de contrepoids au libéralisme. C'est-à-dire qu'on a un besoin de conservatisme aujourd'hui, qui est un contrepoids à ce progressisme complètement irraisonné dans lequel nous sommes entrés et qui emmène la France, l'Europe et le Monde vers un "avenir", des plus incertains.»
Seule tradition à perdurer dans le paysage politique français, et troisième «oubli», le nationalisme, dont l'extrême droite est «devenue le dépositaire unique».
«La droite s'est trouvée dépouillée de ce nationalisme, au cours du XXe siècle, essentiellement parce qu'elle n'a pas réussi à faire le bilan de ce qui s'était passé politiquement au moment de la Seconde Guerre mondiale. Elle n'a pas réussi à enterrer Charles Maurras- pour le dire de façon directe- et à bâtir quelque chose de neuf.»
«Aujourd'hui, la vraie émulsion à droite, le vrai renouvellement, se fait dans la classe intellectuelle, pas dans la classe politique. Et d'ailleurs, les Français sont lassés des discours, des programmes, des hommes politiques. En revanche, ils sont très intéressés par les livres d'Alain Finkielkraut, de Laetitia Strauch-Bonart, de toute cette droite qui essaie —qui ne prétend pas avoir la vérité-, mais qui essaie de repenser son histoire, ses traditions.»
Ainsi, avant de se refonder, la droite ne devrait-elle pas déjà se retrouver? Quelles leçons les hommes politiques de droite ont-ils tiré de l'échec de la présidentielle? La droite parviendra-t-elle à s'assumer comme telle, ou est-elle condamnée à avoir en permanence un coup de retard sur une gauche qui l'a «domestiquée»? De fait, les médias ne cessent de mettre dans le même panier un François Fillon qui assumait son positionnement, mais qui doit sa défaite aux scandales, et Laurent Wauquiez, présenté comme le tenant d'une droite forte au sein des Républicains. Une forme d'avertissement sans frais.