Approvisionner Moscou en eau
Dans les années 1930, il était évident que l'approvisionnement en eau de la ville était insuffisant même en voyant les quais de la Moskova: il était possible de traverser le fleuve à gué près du mur du Kremlin. Les réservoirs Khodynski, Preobrajenski, Andreevki, Artezianski, Mytichtchinski et Roublevski suffisaient à peine: ils apportaient l'équivalent de 15 millions de seaux par jour, ce qui était trop peu pour une population de 3 millions d'habitants et le développement industriel. Pendant les sécheresses la distribution d'eau était limitée.
Le pont aquatique
Le principal problème pour tous les hydrologues planchant sur le projet de jonction de Moscou avec la Volga était posé par la hauteur de Dmitrov, qui se situe à 60 mètres au-dessus du niveau de la Moskova. Les ingénieurs ont décidé qu'il était impossible de creuser un canal aussi profond, qui plus est sur plus de 100 km de longueur. Il fallait faire passer l'eau au-dessus en construisant une sorte d'aqueduc de Stroguino à Doubna pour faire monter l'eau des fleuves, et pour cela bloquer la Volga par un barrage près de l'embouchure de la Doubna — au niveau du village d'Ivankovo. C'est ainsi qu'est apparu le réservoir Ivankovskoe d'où une partie de l'eau coulait dans son lit d'origine, et une partie a dévié vers le lit artificiel en direction de la Moskova.
La réalisation
En parallèle ont été construits des points, des routes, des voies ferroviaires, des bifurcations, des tunnels, dont Touchinski. Le site le plus novateur à l'époque était le pont ferroviaire de la ligne Moscou-Riga, dont les travées avaient établi un record de longueur en URSS — seul le pont espagnol sur l'Esla le devançait.
Le lit était creusé par 200 bulldozers — un nombre sans précédent sur un chantier. Les trains pouvaient livrer jusqu'à 50.000 tonnes de fret à la fois, 200 millions de mètres cubes de terre ont été creusés et 7 millions de tonnes de béton ont été coulées.
La main d'œuvre
La principale main d'œuvre de ce chantier titanesque était constituée des prisonniers des goulags — les camps de travail forcé. Alexandre Soljenitsyne décrit la situation dans L'Archipel du Goulag: «On dit que pendant l'hiver de 1931-1932 près de 100.000 personnes sont mortes pour construire le canal de la mer Blanche, alors que la construction du canal Moscou-Volga a duré deux fois plus longtemps — on peut s'imaginer combien de nos compatriotes reposent le long de ce canal.»
Fermer la Volga!
Ces travaux ont pris fin au printemps 1937. Le 23 mars, la Volga a été bloquée: complètement pendant trois minutes, puis le barrage a été progressivement ouvert pour envoyer l'eau dans son lit d'origine tout en remplissant le réservoir. Deux semaines plus tard, la mer de Moscou s'est remplie et l'eau a été envoyée en direction de Moscou. Le canal a été rempli le 17 avril, le niveau de la Moskova est monté de trois mètres, et pendant les fêtes de mai les premiers bateaux de voyageurs ont traversé le canal jusqu'au Kremlin.
Jusqu'en 1947 le canal n'avait pas de nom, et il a été baptisé à l'occasion du 800e anniversaire de la capitale. On dit que contrairement à toute autre construction de ce genre, le canal de Moscou n'a pas significativement dégradé l'état écologique de la région de Moscou et que c'est même le contraire par endroits. Si ce n'est que parfois, l'eau délave les fosses communes de prisonniers défunts.
Les opinions exprimées dans ce contenu n'engagent que la responsabilité de l'auteur.