Affaire Merah: «les juges ont été tétanisés par les enjeux du procès»

© AFP 2024 Benoit PEYRUCQ(FILES) This file court sketch made on October 2, 2017 Abdelkader Merah in Paris courthouse during his trial for complicity in the series of shootings commited by his jihadist brother Mohamed in Toulouse and Montauban in 2012.
(FILES) This file court sketch made on October 2, 2017 Abdelkader Merah in Paris courthouse during his trial for complicity in the series of shootings commited by his jihadist brother Mohamed in Toulouse and Montauban in 2012. - Sputnik Afrique
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Complicité d’assassinat ou association de malfaiteurs terroriste? Les magistrats ont tranché: seul le second chef d’accusation a été retenu contre le frère de Mohammed Merah. À l’issue d’un procès-fleuve, Abdelkader Merah est condamné à 20 ans de réclusion criminelle. Une décision en «demi-teinte» pour les familles des victimes.

«Je pense que les juges ont été vraiment tétanisés par ce procès, car c'est quand même la première fois que l'on juge le maître d'œuvre d'un attentat de cette ampleur. En général, ceux qui commettent les attentats, on ne les a jamais vivants.»

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La déception est palpable dans les propos de Fatiha Boudjahlat, cofondatrice du mouvement Viv (r) e la République: pas de perpétuité pour le frère de Mohammed Merah, Abdelkader. C'est le verdict que les juges ont rendu le 2 novembre en début de soirée. En effet, seule l'association de malfaiteurs en lien avec une entreprise terroriste a été retenue contre Abdelkader Merah, qui écope d'une peine de vingt ans de réclusion criminelle. Fettah Malkin, qui comparaissait en même temps qu'Abdelkader Merah est, quant à lui, condamné à quatorze ans de réclusion.

Une décision de justice difficile pour les familles des victimes, qui espéraient que le chef d'accusation de complicité d'assassinat soit retenu contre le frère de Mohammed Merah. Latifa Ibn Ziaten, mère de l'une des victimes de Merah, déclarait d'ailleurs à la sortie du tribunal «je suis vraiment déçue, mon fils est mort pour rien. Je pense qu'ils (les magistrats de la cour, ndlr) n'ont pas été jusqu'au bout.»

Pour Fatiha Boudjahlat, «l'essentiel c'est que les familles ont vu leur douleur être entendue» même si elle regrette une «victoire à la Pyrrhus». En effet, les magistrats semblent «avoir tenu compte de l'effet politique que cela pouvait avoir vis-à-vis d'une certaine population.» Néanmoins, cette décision est compréhensible d'un point de vue juridique, car «ils agissent dans les limites formelles de la loi et ils ont voulu être exempts de tout reproche.»

«Mais ils auraient pu tout à fait voir plus large en disant qu'effectivement, quand vous mettez dans la tête de votre frère que ce serait pas mal qu'il tue des juifs, y compris des enfants (…) Quand vous l'aidez à faire l'achat d'un scooter ou d'un casque, quand vous l'orientez comme un gourou qui lance sa secte à l'assaut d'une population, pour moi il y a de la complicité.»

Encore plus tranché, le président du Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif) Midi-Pyrénées déclarait dans une interview à Franceinfo, qu'avec ce verdict, «on célèbre le fait que des gens aient réussi à échapper à la présentation de la preuve matérielle, on donne une félicitation à ceux qui réussissent à échapper à un mode de lecture ancien qui exige des preuves matérielles concrètes.» Selon Fatiha Boudjahlat, cette grille de lecture est erronée.

«De toute façon, les terroristes islamistes jouent leur partition. Quoiqu'il se passe, ils en auraient tiré profit et capitalisé dessus. S'il avait été condamné à perpétuité, assorti d'une peine de sûreté de 30 ans, ils auraient capitalisé dessus en disant "regardez la justice islamophobe, voyez notre martyr!"»

La cofondatrice de Viv (r) e la République regrette cependant que certaines des avocates de la partie civile aient jugé que le verdict était destiné à «acheter la paix dans les banlieues.»

​«Je pense que les gens qui sont dans l'obséquiosité font des projections sur des populations qui n'ont aucune réalité (…) Il n'y aurait pas eu d'embrasement parce que les musulmans en France ne se reconnaissent pas dans l'assassinat d'enfants, de personnes désarmées, ce ne sont pas des tueurs. Ceux qui ont commis ces actes sont des tueurs, ceux qui les justifient, participent, et sont des tueurs par procuration.»

Pour autant, selon Fatiha Boudjahlat, le procès est passé à côté de son principal objectif:

«Ce procès aurait pu être l'occasion de vraiment dénoncer, analyser la mécanique de radicalisation d'une famille. Cela aurait été également l'occasion de dire que non, la France n'a pas fabriqué Merah, sa famille a créé Merah. Son père et son frère en ont fait un être violent, sa sœur et sa mère en ont fait un être de haine raciste.»

Et de conclure,

«La radicalisation c'est volontaire, c'est orchestré, c'est long et c'est délibéré. La France n'a pas créé Merah. En revanche, l'État a organisé son impuissance en refusant de traduire en justice, ceux qui arment en mots, ceux qui s'arment tout court.»

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