«Le problème aujourd'hui de Theresa May, c'est que celles et ceux qui ont prôné le Brexit n'ont jamais expliqué au peuple britannique quelles en étaient les conséquences (…) Qu'il y ait du bruit, du bluff, des fausses informations des uns et des autres acteurs secondaires ou spectateurs de cette discussion, c'est, si je puis dire, la vie des affaires ou la vie des médias.»
Cette théorie avancée par Emmanuel Macron n'est pourtant pas nouvelle et elle se justifie en partie par les tensions qui règnent dans les négociations entre le Royaume-Uni et l'Union européenne, comme le souligne François Lafond, enseignant à Science Po Paris et spécialiste de la politique européenne:
«Il y a une bonne volonté de la part de notre négociateur en chef Michel Barnier et de son équipe d'obtenir des résultats. La véritable difficulté se trouve au Royaume-Uni, on a l'impression qu'il y a une certaine impréparation et surtout une faible visibilité en termes politiques, on ne sait pas exactement ce qu'ils souhaitent.»
Si ces tensions semblent pour le moment empêcher toute avancée dans les négociations entre le Londres et Bruxelles, cela relèverait, d'après notre expert et bon nombre de déclarations officielles de leaders européens, de la faute des Britanniques. L'explication est évidemment le flou politique qui règne dans le camp de Theresa May depuis son échec aux dernières élections. De plus, l'assouplissement dont elle a fait part lors de son intervention à Florence, en proposant une période transitoire au-delà de la limite des négociations, semble être considéré par l'UE et le Président de la République comme une marque de faiblesse.
«C'est évident que quand vous avez un divorce ou une séparation, les deux parties veulent essayer d'en tirer le maximum de bénéfices et le minimum d'aspects négatifs.»
Ce bénéfice qu'évoque François Lafond est, en premier lieu le montant de la facture que le Royaume-Uni doit régler avant de quitter l'Union. Cette somme correspond principalement à la participation de Londres au budget de l'UE. Alors que Theresa May propose de solder cette question par 20 milliards d'euros, François Lafond estime que Bruxelles devrait réclamer 50 à 60 milliards. Mais au-delà du différend financier, c'est bien les futures relations économiques entre leur pays et l'UE qui semblent intéresser les Britanniques.
Rappelons que la première phase des négociations porte sur «les relations entre l'Irlande et l'Irlande du Nord, sur la situation des citoyens continentaux au Royaume-Uni et celles des citoyens britanniques sur le continent, et sur la facture». Et les deux parties doivent théoriquement trouver un accord sur ces questions avant que les relations, notamment économiques, soient abordées (phase 2). Mais les leaders européens auraient accepté d'en évoquer les premières modalités en interne.
«C'est pour montrer que l'UE n'a pas de mauvaise volonté, elle ne cherche pas à enrayer les négociations»,
explique notre expert. Cela pose tout de même la question de l'agenda. Dans une partie de poker, les joueurs ne sont pas limités par le temps. Si la situation politique interne au Royaume-Uni peut évidemment évoluer positivement pour Theresa May, la conjoncture ne lui semble pas favorable. Ainsi, malgré ce relatif avantage, l'UE montrerait sa bienveillance; afin d'éviter d'être accusée d'être antidémocratique?
«Si votre gouvernement décide d'organiser le Brexit, je ferai en sorte qu'il soit très dur, parce que nous devons préserver le reste de l'Union européenne et ne pas transmettre le message que vous pouvez partir sans conséquence.»
Par sa déclaration du 13 février à la chaîne Channel News, Emmanuel Macron n'hésite pas à apparaître menaçant quelques semaines avant le déclenchement de l'article 50 du traité sur l'Union européenne par Theresa May. Il n'hésite pas à s'immiscer dans les affaires politiques d'un pays voisin, d'un grand partenaire, pour défendre son idée de l'Europe. Une déclaration devant les Britanniques qui confirme la posture intransigeante et provocatrice d'Emmanuel Macron vis-à-vis du Brexit…
«Emmanuel Macron a une attitude très neutre, une attitude d'attente»,
estime prudemment notre expert. Pour en revenir au Brexit, à l'instar de Macron et de «sa porte ouverte» au Royaume uni et à Theresa May en visite en juin dernier à Paris, l'UE ne verrait pas d'un mauvais œil que les Britanniques fassent machine arrière restent finalement au sein de l'Union:
«Il y a suffisamment de pays qui ont été réticents à ce vote pour éventuellement accueillir cette nouvelle,»
rappelle François Lafond, qui évoque aussi une possible stratégie britannique pour arriver à ce revirement. Après tout, Theresa May était plutôt considérée comme pro-UE avant qu'elle ne prenne ses fonctions et doive assumer le Brexit et les Anglais pourraient encore changer d'avis:
«Tant qu'il n'y a pas d'accord entre le Royaume-Uni et les 27 […] il est encore techniquement possible d'envisager qu'il y ait un arrêt des négociations […] Techniquement, c'est encore quelque chose qui peut se passer et certains observateurs qui voient la lenteur des négociations du côté britannique peuvent peut être se dire qu'il y a une stratégie cachée, un agenda caché, qui est de démontrer que finalement c'est une mauvaise idée et qu'il vaut mieux qu'on reste dans l'UE.»
«[Si] le parlement britannique à un certain moment estime que l'accord qui a été obtenu par la Première ministre n'est pas suffisant et il peut très bien ne pas vouloir cet accord-là. Donc après il y aura un problème de cohérence entre la démocratie directe et la démocratie représentative,»
explique notre spécialiste de l'Union européenne, avant de conclure, Mezzo voce une fois de plus:
«Le Brexit dur n'arrivera pas».