Macron contre les délinquants sans papiers: «double peine» ou peine perdue?

© REUTERS / Ludovic Marin/PoolEmmanuel Macron
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Pour Macron, c’est clair: tout étranger en situation irrégulière ayant commis un délit doit être expulsé. Accusé tantôt de «faire le jeu du FN» en demandant l’application de la «double peine», tantôt de ne se focaliser que sur les seuls condamnés, le Président ne risque-t-il pas plutôt d’avoir lancé une promesse qu’il ne pourra tenir?

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L'heure est à la fermeté pour Emmanuel Macron! Le Président de la République a indiqué qu'il souhaitait que tout délinquant clandestin soit expulsé. Une annonce qui fait suite à l'assassinat de deux jeunes filles par un Tunisien en situation irrégulière, délinquant multirécidiviste, en gare de Saint-Charles à Marseille et qui fait l'unanimité contre elle. Macron flirte-t-il avec l'extrême-droite, comme le soupçonnent certains à gauche ou manie-t-il les effets d'annonce non suivis d'effet?

Pour Michel Taube, fondateur du site d'informations ‎Opinion Internationale, le soupçon de suivisme vis-à-vis de l'extrême-droite n'est pas loin d'être fondé, surtout si l'on se réfère à l'alpha et l'omega de Macron: l'Europe.

Pour le politologue, l'annonce d'Emmanuel Macron tient compte de l'évolution très profonde de l'opinion publique européenne suite à l'arrivée de plus d'un million de migrants depuis 2015 sur le continent. Une vague migratoire qui a pour conséquence électorale la montée des votes en faveur de la droite conservatrice ou de l'extrême droite en Europe et notamment en France, en Autriche et en Allemagne.

Bref, selon le politologue, Emmanuel Macron suit le mouvement… et il se demande bien pourquoi:

«Macron n'a aucune raison d'essayer de "récupérer" l'électorat de l'extrême droite, parce que, primo, il est la personnalité la plus détestée tant au niveau des dirigeants de l'extrême droite, que par les 11 millions de Français qui ont voté Marine Le Pen, secundo, parce qu'il n'en a pas besoin, les prochaines élections n'arrivant que dans deux ans minimum.»

Si Michel Taube relativise la polémique née de ces propos, estimant que cette mesure «très dure, radicale, clairement de droite n'a pas eu tellement d'écho dans les médias […] l'opinion publique française n'a pas trop réagi», il la trouve néanmoins maladroite d'un point de vue politicien, parce qu'elle «corrobore l'idée qu'il est surtout le président de droite. Je pense que cela ne va pas aider à son recentrage avec la gauche qui l'a en partie élu à la présidentielle.»

Si la tempête politico-médiatique est pour le moment modeste, il prévoit tout de même qu'une prise de position aussi clivante pourrait avoir des conséquences sérieuses sur le paysage politique:

«Cette mesure annoncée par Macron et la façon de le faire, rappelle la proposition faite par Hollande de déchéance de nationalité des binationaux dans le cas où ils commettent les actes terroristes.»

Raviver le vieux débat sur la «double peine», que l'on croyait clos depuis 2012 et la dépénalisation du séjour irrégulier en France semble d'autant plus risqué que la mise en œuvre cette mesure est des plus aléatoires:

«L'annoncer ne suffit pas. Je suis dubitatif sur la capacité opérationnelle d'expulser des centaines ou des milliers des clandestins, sous le coup d'une condamnation pénale en France. Les pays d'origine de ces personnes refuseront de recevoir aussi rapidement ces personnes expulsées.»

Effectivement, un certain nombre des consulats ne donnent pas le laissez-passer nécessaire pour permettre aux étrangers en situation irrégulière de retourner dans leurs pays d'origine.

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Jean-Paul Gourevitch, consultant dans le domaine des migrations propose une solution radicale à ce problème: «L'idéal serait de dire: vous ne voulez pas reprendre vos migrants en situation irrégulière, nous coupons l'aide au développement que nous vous donnons», tout en avouant qu'il s'agit d'une question est très sensible:

«Cela va poser problème tant aux pays en question, qu'à l'opinion publique française. C'est un bras de fer qu'Emmanuel Macron s'engage. Je ne suis pas sûr qu'il y arrive, bien que le vote d'une loi correspondant a été annoncé pour le premier semestre 2018. Mais cette loi risque de rester lettre morte», regrette-t-il. 

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