«Tout le monde n'est pas historien et ne va pas dans les centres d'archive», mais tout monde rêve de savoir ce qui se dit dans les coulisses de la diplomatie française. C'est désormais possible avec la publication du deuxième tome des «archives secrètes du quai d'Orsay», publié sous la direction de Maurice Vaïsse, historien des relations internationales.
« L'idée de ce livre, c'est de fournir à un vaste public des documents choisis, sélectionnés, agrémentés de toute une série de photos ou de commentaires que généralement l'on n'a pas quand on va consulter des archives », explique Maurice Vaïsse, 15 ans après le lancement du premier tome, qui allait du XVème jusqu'à la construction du mur de Berlin.
Télégrammes diplomatiques, notes, dépêches, ou encore comptes-rendus d'entretiens, le secret de ces échanges est désormais levé. Derrière les habituels discours publics savamment calculés, les diplomates livrent en coulisses des analyses stratégiques et parfois quelque peu littéraires, d'événements en passe de marquer l'histoire: «nombre de diplomates étaient écrivains», rappellent des archivistes qui ont collaboré à l'ouvrage durant son lancement au Quai d'Orsay, vendredi 13 octobre, en présence de Jean-Yves Le Drian, ministre des Affaires étrangères.
«En temps de guerre, on crypte les documents, parce qu'il y a des interceptions», poursuit Maurice Vaïsse, historien des relations internationales. «D'une façon générale, les documents sont toujours chiffrés. Le document sur Suez qui est mis en valeur là, c'est un document qui a fait l'objet d'un déchiffrement»,
soulignant que, depuis la fameuse machine à crypter Enigma, le chiffrement est beaucoup plus complexe, sans parler de l'avènement de l'informatique, qui complexifie aussi la sauvegarde et l'archivage.
Des essais nucléaires en Polynésie à l'attentat du World Trade Center, en passant par la guerre d'Algérie, ces moments d'histoire ont été méticuleusement choisis et débattu entre archivistes, «ces travailleurs de l'ombre», historiens, conservateurs et diplomates eux-mêmes.
Sur les «120 km linéaires d'archives», conservés dans les deux centres de la Courneuve et de Nantes, «le choix a été épouvantable! Autant vous dire que moi qui publie des volumes de 900 pages, là, c'était une véritable crucifixion», explique Maurice Vaïsse.
La richesse iconographique et les commentaires qui les accompagnent permettent de faire oublier l'esthétique assez rudimentaire des notes, télégrammes et échanges.
« Au fond, il y a toujours des documents quelque part… On dit que tout se passe par téléphone, mais il y a des documents manuscrits, de personnes au téléphone et qui notait […]. Il existe très peu de choses qu'on ne sait pas », commente, énigmatique à son tour, l'historien Maurice Vaïsse.
On peut donc regretter que certains sujets n'aient pas été abordés, comme le génocide rwandais, dans lequel la responsabilité de l'État français est mise en cause par certains. Y at-il donc certaines choses que le public ne pourra jamais savoir?
«Peu de chose, parce que mon idée, ma conviction d'historien, c'est qu'il y a très peu de secrets qui reste des secrets», confie M. Vaïsse.
Donc… patience!
Dans les archives secrètes du Quai d'Orsay. L'engagement de la France dans le monde. Sous la direction de Maurice Vaïsse et Hervé Magro. Editions l'Iconoclaste.