«Illicite». Le mot est fort et il s'applique, selon l'État français, à la «représentation officielle» de la République autoproclamée de Donetsk, qui se retrouve menacé de fermeture. Il ne s'agit pourtant que d'une association Loi 1901, montée, selon son dirigeant, Hubert Fayard, par ailleurs conseiller municipal et président du centre national des entrepreneurs privés du département des Bouches-du-Rhône, pour «aider bénévolement le Donbass, notamment sur le plan médiatique et associatif.» Une justification un peu courte pour Maître Régis de Castelnau, avocat au barreau de Paris:
«Quand on analyse l'objet d'association, on voit que ses fondateurs ont voulu créer quelque chose entre un Consulat et une Ambassade.»
Maître René Boustany, avocat au barreau de Paris, ne juge pas cette comparaison pertinente: «Même si la France ne reconnaît pas l'État palestinien, elle a établi des rapports avec l'Autorité palestinienne, reconnue par les instances internationales. La République de Donetsk n'est pas reconnue par l'État français, donc, à partir de là, on ne peut pas faire de comparaison.»
M ° de Castelnau nous rappelle de son côté que des représentants des oppositions syriennes sont régulièrement reçus en France au plus haut niveau et pointe du doigt la nature politique de l'affaire:
«Tout ça est directement politique. Le Président de la République [à l'époque —François Hollande, ndlr] a même reçu des petits copains de Bernard-Henry Lévy, qui sont devenus par la suite Al-Nosra. On a pris des engagements comme ça vis-à-vis des oppositions en Syrie, vis-à-vis des Kurdes. On a fait la même chose avec la Libye. Et la démarche de saisir le Procureur de la République concernant la "représentation" de l'autoproclamée République populaire du Donetsk, bien sûr, c'est à cause de la nature de l'association. C'est la diplomatie qui a demandé que l'on s'en débarrasse.»
D'ailleurs, sans même parler de délégations d'opposants plus ou moins fréquentables, la palette de «représentations» présentes en France peut être élargie à la présence d'associations qui reconnaissent ouvertement, comme c'est le cas de l'Association Iséroise des Amis Kurdes,) leur proximité avec le PKK, le Parti des travailleurs kurdes, reconnu comme mouvement terroriste par l'UE, la Turquie, ou les États-Unis, ce qui paraît difficilement tenable, du moins sur le plan des principes.
Simple «tolérance», ambiguïté de la diplomatie française ou «interprétation» officieuse du droit national et international? Dans ce flou artistique, chacun se justifie à sa façon. Ali Dolamari, directeur de la représentation du Gouvernement Régional du Kurdistan en France, n'a aucun doute sur la légitimité de son association, bien qu'officiellement, la France soutienne l'intégrité de l'Irak:
«Notre autonomie est inscrite dans la Constitution, et chaque région peut avoir sa représentation à l'étranger.»
«C'est peut-être aussi purement politique, parce que l'association dérange», avance-t-il prudemment.
M° de Castelnau remet la crise autour de la représentation du Donbass en perspective: il remarque que la reconnaissance d'une légitimité au niveau international peut prendre des années, comme dans le cas du Kosovo ou du mouvement armé du Polisario, créé par l'Algérie, reconnu a départ uniquement par des pays socialistes et aujourd'hui par l'Onu. «Tout cela, ce sont des décisions politiques, des réseaux, des modes de fonctionnement.»
Hubert Fayard, quant à lui, veut rester optimiste sur l'avenir de son association:
«Si on nous ferme, ça sera une grave erreur, parce que nous voulons simplement informer, coordonner les actions humanitaires, créer des conditions pour le développement des relations entre le Donbass et la France. En tout cas, s'ils veulent nous bâillonner, ils n'y arriveront pas.»