La Direction générale de la concurrence de la Commission européenne vient d'ordonner à Amazon.com de rembourser au Luxembourg environ 250 millions d'euros d'avantages fiscaux perçus de façon indue depuis 2003. Or, cette décision pourrait embarrasser un peu plus Jean-Claude Juncker, à la tête de l'institution européenne, souligne La Tribune. Selon des documents révélés le 2 janvier 2017 par le journal The Guardian et le Consortium International de Journalistes d'Investigation (ICIJ), le Président de la Commission européenne, ex-Premier ministre du Luxembourg de 1995 à 2013, aurait empêché l'UE de lutter contre l'évasion fiscale lorsqu'il était à la tête de son pays.
«La responsabilité de Juncker est directement engagée. Il semble qu'il essaie de faire oublier ce passage, puisqu'il laisse opérer madame Vestager, la commissaire européenne chargée de la concurrence qui mène les opérations contre les multinationales», a affirmé à Sputnik Thomas Coutrot, coprésident de l'Association pour la taxation des transactions financières et l'action citoyenne (ATTAC).
D'après lui, si l'affaire se résout positivement, ce sera une bonne nouvelle pour les Européens, le contribuable récupérant dans ce cas plus d'argent de la part des multinationales. Toujours est-il que l'affaire ne «se concrétise pas» pour l'instant, a-t-il tenu à souligner.
Quoi qu'il en soit, «les conséquences de cette application du droit sont paradoxales: si la Commission européenne parvient à démontrer que les sommes sont dues par ces sociétés, elles seront versées non pas à l'UE, mais à l'État qui a mis en place ce dispositif particulièrement avantageux pour les sociétés. (…) On raisonne en droit de la concurrence, on ne raisonne pas en loyauté des États», a de son côté indiqué Eric Alt, vice-président de l'association Anticor et administrateur de l'association Sherpa.
Au demeurant, il a ajouté que les entreprises n'étaient pas d'accord avec la version de la Commission et que c'était la Cour qui devait se prononcer à ce sujet dans un an.
«Si la Cour confirme la décision de la Commission, on verra s'il y a d'autres conséquences que le reversement aux États des sommes. (…) La Commission ne raisonne pas sur la concurrence fiscale déloyale ou agressive que le Luxembourg mènerait face aux autres états. (…) Pour l'instant, la position du Luxembourg ou de l'Irlande n'est pas fondamentalement remis en cause et l'impôt sur les sociétés est loin d'être unifié pour l'ensemble des États-membres», a souligné Alt.
D'après lui, cela dépendrait en premier lieu de «la volonté politique des États et du rapport de forces entre les États «fiscalement normaux», à savoir l'Allemagne, la France, l'Italie, par rapport aux États qui jouent de cette concurrence fiscale».
«Aujourd'hui, on est dans une situation pathologique, dans une situation où à l'intérieur de l'UE, les États se livrent à une concurrence fiscale agressive, où il y a des paradis fiscaux à l'intérieur même de l'UE», a-t-il fustigé.
Le Luxembourg demandera à Amazon de provisionner les 250 millions d'euros que la Commission européenne (CE) a ordonnés de payer mercredi au géant américain du commerce en ligne et de reverser au Grand-Duché.
La CE a annoncé mercredi qu'elle assignait l'Irlande devant la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) pour ne pas avoir récupéré 13 milliards d'euros d'arriérés d'impôts d'Apple et a par ailleurs ordonné à Amazon de rembourser au Luxembourg environ 250 millions d‘euros d'avantages fiscaux perçus de façon indue depuis 2003.