Ce que j'admire le plus chez mes contemporains, c'est leur courage, leur droiture, leur cohérence intellectuelle… non je déconne. La bassesse, la veulerie, la lâcheté intellectuelle qui gangrènent ce pays sont mauvais pour ma santé, mais me donnent au moins l'occasion d'éructer quasiment une fois par jour à ce micro ma hargne, mon mépris, ma phobie —ouh le vilain mot!- pour cette engeance qui nous gouverne, grande ou petite, qu'elle s'affuble des termes de droite ou de gauche n'ayant d'ailleurs rien à voir dans cet étalage de ma haine ordinaire —shocking, encore un vilain mot!-
Alors vous pensez bien que quand j'ai entendu cet extrait ce matin, à l'occasion de la visite de Macrounet Premier dans la capitale des Gaules (Lyon, bande d'incultes gavés de reality-show et de programmes officiels de l'Éducation nationale):
«Il faut qu'ils les cachent. On ne leur demande pas de partir. On leur demande de replier les tentes, s'ils peuvent les dissimuler au maximum. Là, vous avez un Président qui passe, c'est pas… [Il ne termine pas sa phrase, ndlr]. Donc, essayez d'être le plus discret possible. Je sais bien que tout est dans le visuel, mais malheureusement, c'est comme ça.»
[Document #Quotidien] La police de Lyon ordonne aux migrants de "se faire discrets" lors du passage d'Emmanuel Macron.@PaulLarrouturou pic.twitter.com/eFo7BHN2xr
— Quotidien (@Qofficiel) 29 сентября 2017 г.
Quand j'ai entendu ça, donc, mon sang n'a fait qu'un tour et j'ai aussitôt sorti ma mandoline à baffes. Alors comme ça, bande de zozos hypocrites, la politique migratoire, l'accueil de tous ces pauvres gens, c'est formidable, mais quand même, il ne faudrait pas que les yeux du roitelet-soleil, si frais si délicat, si poudré, puissent être offensés par la vue de quelques pouilleux, de quelques gueux pas lavés et même pas de chez nous? C'est ça? Opération Lyon ville propre, en somme.
Enfin propre… propre façon village Potemkine, hein. Je rappelle aux quelques incultes et journalistes qui pourraient m'écouter par inadvertance que les villages Potemkines étaient de pimpants villages en carton dressés sur le passage de l'impératrice de toutes les Russies, Catherine II, afin qu'elle ne vît pas la misère de son pays lors d'une tournée d'inspection…
«Tout est dans le visuel», comme le dit, un peu gêné, le flic municipal qui passe ses consignes. Parce que le reste du temps, suivant son point de vue, on peut voir un quartier dont la vie est rendue bien difficile par la présence de tous ces migrants pas toujours très paisibles ou de pauvres hères obligés de loger sous la tente à l'approche de l'hiver.
Ah, mais non, mais c'est ça! La municipalité a simplement pris Macron très au sérieux. Il doit être content, ça fait au moins quelqu'un qui le prend au sérieux, quand il a déclaré solennellement, en détachant bien les mots pour être sûr que sa pensée complexe soit comprise de tous les boulets que nous sommes ici-bas, loin de l'Olympe:
«Je ne veux plus d'ici la fin de l'année, avoir des femmes et des hommes dans les rues, dans les bois, perdus»
Donc comme le gamin capricieux ne veut plus voir personne dans les rues, eh bien, on les planque! Bien sûr, l'Élysée, à la naissance de la polémique, a formellement démenti avoir donné la moindre consigne dans ce sens, ce qui laisse évidemment à penser qu'un chef de cabinet, quelque part, a bien dû passer le message: pas de manants sur le passage du cortège jupitérien. Et les snipers affectés à la sécurité ont probablement pour consigne de tirer à vue sur tout malfaisant qui crierait «hou! hou!» au passage de la Macron-mobile.
Plus j'y pense et plus je pense que c'est ça. Macron ne veut plus voir personne dans les rues. Faut pas que ça fasse désordre. Faut que ça brille. Oui, parce que quand on est upper class (et Macron, avant d'être Président, était pas mal upper class dans son genre quand même), on veut bien de quelques pouilleux pour balayer devant l'Élysée, livrer les pizzas et aller chercher les gosses à l'école, mais il ne faut pas exagérer non plus.
Et puis après tout, Macron ne fait pas une politique pour ces gens-là, les gens qui ne sont rien, moins que rien, devrais-je dire dans le cas présent, mais pour ceux qui ont réussi. Mais si, souvenez-vous:
«Une gare, c'est un lieu où on croise les gens qui réussissent et les gens qui ne sont rien.»
En effet, Macron vient de nous faire un tout joli cadeau de 4,5 milliards d'euros en exonérations fiscales, mais juste pour les riches qui bossent dans la finance, hein, ses potes, comme le souligne Nicolas Dupont-Aignan:
«C'est un budget pour les super-riches […] c'est un budget de remerciement pour campagne électorale»
.@DupontAignan: "C'est un budget pour les super-riches […] c'est un budget de remerciement pour campagne électorale" #EDVTV #PLF2018 pic.twitter.com/s2eNhKjLdm
— Public Sénat (@publicsenat) 28 сентября 2017 г.
Alors vous pensez bien que quand on fréquente ces gens-là, on n'a pas envie de voir quelques tentes de migrants sur son passage. Et puis dans le monde velléitaire de Macron, tout entier fait de déclarations ronflantes, de stratégie de comm» aux petits oignons, bref, d'apparence, de faux-semblants et d'optimisme de commande, tout le monde est prié de chanter, au passage du chef:
«Tout va très bien, madame la marquise»