Mais le piège ne s'est pas refermé: l'allié russe a renversé la situation. Maintenant, «Daech est en voie d'être chassé du territoire syrien» et le problème des groupes rebelles islamistes est «en voie de résolution», euphémise Blanchard. Les grandes villes syriennes, Damas, Alep, Homs, Lattaquié et Deir ez-Zor, sont libérées et, plus encore, les voies de communication sont dégagées. La reconstruction reprend, «et qui dit reconstruction dit retour des Syriens chez eux», précise Blanchard.
Moins de pertes civiles
Autre apport inestimable de l'intervention russe en Syrie: les cessez-le-feu, selon Randa Kassis. Opposante réformatrice à Bachar el-Assad, celle-ci souligne que l'intervention russe a permis «de lancer le processus d'Astana» avec la Turquie et l'Iran et donc d'établir des zones de désescalade: «il y a moins de victimes», estime-t-elle. Une estimation d'ailleurs récemment confirmée par le colonel Michel Goya, comparant les 4.000 à 5.400 victimes civiles des forces russes aux 5.300 à 8.200 de la coalition américaine (présente depuis plus longtemps, mais utilisant pourtant des munitions guidées).
Malgré les pertes, les Syriens semblent reconnaissants envers la Russie, allié providentiel devant la menace djihadiste: «quand les chauffeurs de taxi à Damas ou Alep croient que je suis russe, ils refusent de me faire payer, parce qu'ils sont reconnaissants», raconte-t-il avec humour avant de pointer une autre raison: «jusqu'en 2015, le seul allié sur le sol syrien était l'Iran. Il y avait quand même une crainte de se retrouver en tête-à-tête avec lui». La Syrie, de tradition plus sécularisée, voyait bien que «l'idéologie n'est pas tout à fait la même». A contrario, «il n'y avait pas de crainte de voir la Russie imposer un mode de vie autre que le leur».
Le défi kurde
Randa Kassis s'inquiète aussi de cette donne: «je ne crois pas que Bachar el-Assad a gagné la guerre». L'opposante pointe en effet le Kurdistan et les autres bandes rebelles qui subsisteront: «peut-être [el-Assad] a-t-il davantage de contrôle sur la zone qui va d'Alep au sud de Damas, mais pas sur tout le territoire syrien». En définitive, «l'intervention militaire russe a permis de stabiliser le pays», mais il n'existe selon elle et pour l'instant «aucun processus politique à court terme qui permettrait à la Syrie de sortir de sa crise».
«Bachar el-Assad n'est pas un réformateur», déplore-t-elle: «il souhaite retrouver la Syrie d'avant 2011, ce qui est impossible: plusieurs forces existent sur le terrain». Jusqu'où le fidèle allié russe s'investira-t-il? «Je ne crois pas que la Russie combattra toutes ces forces pour rendre la Syrie à el-Assad», affirme-t-elle.
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