Ils sont tous accusés d'avoir illégalement franchi la frontière ukraino-polonaise et d'avoir agressé des garde-frontières. Jusqu'à récemment le site Mirotvorets, créé à l'initiative du conseiller du ministre ukrainien de l'Intérieur, Anton Guerachtchenko, inscrivait sur la liste noire uniquement des «séparatistes». Désormais, ce site est devenu un instrument pour régler les comptes avec les opposants politiques.
On y retrouve également quatre députés ayant aidé l'ex-gouverneur de la région d'Odessa à franchir illégalement la frontière entre l'Ukraine et la Pologne. Toutefois, l'information sur tous les nouveaux «séparatistes» dans la base est incomplète — les administrateurs n'ont pas indiqué le lieu de résidence et d'autres informations sur les «nouveaux». Seulement en face du nom de Mikhaïl Saakachvili on peut lire la mention «sans domicile fixe».
«Franchissement illégal de la frontière nationale de l'Ukraine. Agression dans le cadre d'un groupe de personnes des garde-frontières en service chargés de protéger la frontière nationale ukrainienne. Participation à la préparation d'un franchissement illégal de la frontière nationale ukrainienne par un individu sans citoyenneté ukrainienne. Manipulation d'informations d'importance sociale» — telles sont les accusations avancées par Mirotvorets contre les quatre nouveaux figurants de la liste noire.
Mirotvorets qui fait la guerre
Le centre Mirotvorets a été fondé en 2014 et se positionne comme une organisation indépendante chargée d'enquêter sur les crimes contre la sécurité nationale de l'Ukraine. Par la suite, à l'initiative d'Anton Guerachtchenko, qui était alors conseiller non titulaire du ministre ukrainien de l'Intérieur, a été créé un site éponyme avec un accès ouvert aux informations personnelles des «séparatistes». Au 1er décembre 2016 la base de données du site comptait plus de 100.000 inscriptions.
Après la «percée» scandaleuse de la frontière ukrainienne par Mikhaïl Saakachvili, Anton Guerachtchenko faisait partie des premiers à citer les noms des députés qui avaient accompagné le politique ukraino-géorgien disgracié, et certains d'entre eux se sont immédiatement retrouvés dans la base de Mirotvorets. D'après Guerachtchenko, parmi les partisans de Saakachvili se trouvait également l'ex-directeur du Service de sécurité ukrainien (SBU) Valentin Nalivaïtchenko, mais pour une raison qu'on ignore son nom de figure pas sur Mirotvorets.
De son côté, devant les journalistes Saakachvili s'est indigné d'être inscrit dans la base de Mirotvorets et en a personnellement accusé le ministre de l'Intérieur Arseni Avakov. Et d'ajouter que ses partisans n'avaient enfreint aucune loi pendant la percée du poste de contrôle de Cheguini. Selon l'ex-gouverneur, les gens avaient le droit d'agir tel qu'ils l'ont fait.
Les plus grands médias ukrainiens et étrangers ont écrit au sujet de l'inscription d'Ioulia Timochenko dans la base de Mirotvorets. Le parti Patrie ne fait aucun commentaire pour le moment, mais une source du parti a annoncé que Timochenko était en colère et songeait à une réponse digne: «Elle ne s'attendait pas à une telle démarche du membre de son parti Avakov», indique la source.
«Les actions inadmissibles de publication d'informations sur les journalistes. Une grossière violation des normes de non-divulgation d'informations personnelles. Qui des journalistes étrangers risquera maintenant de se rendre dans la zone des opérations? C'est révoltant!», a déclaré la veuve du célèbre journaliste ukrainien Gueorgui Gongadze, Miroslava, qui vit et travaille aux USA.
Les fondateurs du site ont feint d'entendre les exigences des militants des droits de l'homme et des journalistes: en effet, le 16 mai 2016 le site n'était plus accessible. Mais trois jours plus tard le site a repris son travail et le 20 mai il a publié une liste mise à jour de journalistes accrédités en DNR.
Les sanctions réelles
Les experts ont réagi avec ironie à l'apparition des noms de Mikhaïl Saakachvili, d'Ioulia Timochenko et d'autres députés ukrainiens sur le site Mirotvorets.
«Ce n'est rien de plus qu'une pression morale, il n'y aura aucune sanction pour la publication de photos et d'informations sur les députés ukrainiens. Mirotvorets a simplement été utilisé pour régler des problèmes internes», a expliqué une source proche de l'administration du président ukrainien.
Selon elle, les dirigeants n'ont pas encore décidé comment ils devaient réagir à la «percée» de la frontière par Mikhaïl Saakachvili et que faire de ceux qui l'ont aidé à «franchir illégalement la frontière». La seule idée venue pour l'instant à l'entourage de Porochenko c'est d'organiser une «action d'intimidation» en publiant les informations des participants à la «percée» sur Mirotvorets.
Par ailleurs, d'après la source, prochainement les relations entre le président Piotr Porochenko et les forces d'opposition avec Timochenko et Saakachvili en tête s'aggraveront très certainement.
«Le plus raisonnable dans cette situation serait de revoir la décision de priver Saakachvili de citoyenneté et lui permettre de prouver son point de vue au tribunal — cela réduirait immédiatement la tension du conflit. Mais il est peu probable que cela arrive. Piotr Porochenko ne pardonne pas ce genre d'actions», suppose l'expert.
De son côté, la police de la région de Lvov a déjà ouverts deux affaires pénales: sur la «percée» de la frontière et la résistance aux forces de l'ordre en service. Selon la police nationale, cinq personnes ont déjà été interpellées dans le cadre de ces affaires, les identités de 23 autres participants à la «percée» par le poste de contrôle de Cheguini ont été établies.
«Plus de 100 personnes ont été interrogées comme témoins de cet incident. Plusieurs députés ont été dûment convoqués pour les mesures d'instruction», a ajouté la police.
Le gouvernement pourrait effectivement adopter des mesures sévères à l'encontre des transgresseurs afin de prouver à la communauté internationale que la situation dans le pays est sous contrôle. Et il n'est pas question de la publication d'informations sur Mirotvorets.
«Le monde entier a vu que le pouvoir en Ukraine tient à un cheveu. En fait, nous le savions, mais vu ce qui s'est passé les partenaires occidentaux ont remarqué la transparence des frontières — avec tout ce que cela implique pour nos positions aux négociations sur les Accords de Minsk et tout le reste», a écrit sur Facebook Iouri Romanenko, fondateur de l'Institut ukrainien pour l'avenir.
Les opinions exprimées dans ce contenu n'engagent que la responsabilité de l'auteur de l'article repris d'un média russe et traduit dans son intégralité en français.