Le casse-tête des imams radicaux en Europe

© AFP 2024 Amer AlmohibanyДым после взрыва на востоке Дамаска, Сирия
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L’expression «imams de la haine» est devenue populaire après la publication en 2004 du livre Prêcheurs de haine de Kenneth Timmerman et gagne de nouveau en popularité depuis les attentats de Barcelone. Il est, parait-il, grand temps d’expliciter enfin cette notion et ses origines.

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Abdelbaki Es Satty, considéré comme le principal idéologue et organisateur de l'attentat du 17 août à Barcelone, était l'imam d'une mosquée à Ripoll, en Catalogne. Selon l'un des terroristes arrêtés, l'imam et deux autres hommes seraient morts dans une explosion accidentelle en fabriquant un explosif dans un laboratoire d'Alcanar. Abdelbaki Es Satty agissait sur instruction des djihadistes et cherchait à recruter des jeunes hommes entre 18 et 21 ans, de préférence membres d'une même famille et, encore mieux, des frères. C'était un imam «discret»: il n'exprimait jamais d'idées radicales en public et agissait secrètement, travaillant avec chaque personne au cas par cas.

Mais il y a aussi une autre catégorie d'imams: les «prêcheurs de la haine» qui prônent ouvertement dans les mosquées, sur les réseaux sociaux, dans les rues et dans les médias un islam radical et appellent à la haine envers les «infidèles» et l'Occident en tant que tel, pariant sur un large impact public et sans se préoccuper de liens personnels. Par exemple, la semaine dernière, les autorités suisses se sont intéressées au cas d'un imam libyen qui avait reçu 620.000 dollars d'allocations sociales de la part du pays. L'imam Abou Ramadan prêchait pourtant depuis longtemps l'élimination des «ennemis» de l'islam et considérait que les musulmans n'étaient pas soumis aux lois locales.

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Les attentats du 11 septembre 2001 peuvent être considérés comme point de départ mais le terme d'«imams de la haine» est devenu populaire après la parution en 2004 du livre Prêcheurs de haine de Kenneth Timmerman. A la même époque avaient été perpétrés les attentats de Madrid qui avaient coûté la vie à presque 200 personnes, et un islamiste avait tué à Amsterdam le célèbre réalisateur néerlandais Theo van Gogh. Après cela, l'Europe s'est intéressée aux imams et à ce qu'ils prêchaient. En 2006, on comptait en Europe 6.000 mosquées et maisons de prière et 10.000 imams, dont seulement 5% avaient reçu une éducation en Europe. Les autres étaient venus d'autres pays ou y avaient étudié.

On a pourtant continué de permettre aux prêcheurs de haine de professer des idées radicales, même si leur expulsion ou des mesures de privation de citoyenneté ont été évoquées. La raison est simple: les autorités craignaient d'être accusées de racisme et d'intolérance. Et cette crainte continue de paralyser l'Europe. Selon certains anciens djihadistes, les principales plateformes de radicalisation, aujourd'hui, sont les prisons où sont placés les imams criminels, ainsi que les écoles. Dans les deux cas, les dirigeants n'agissent pas par crainte de se voir accuser d'oppresser les musulmans.

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Aux Pays-Bas, où les imams viennent dans les mosquées par rotation du Moyen-Orient et de Turquie depuis les années 1980, les autorités ont adopté une approche différente. Au lieu des arrestations, des expulsions et des interdictions, le gouvernement a mis en place une structure de formation d'imams néerlandais. En 2005, les statistiques annonçaient que 196 imams étrangers étaient venus aux Pays-Bas — soit pratiquement tous les imams présents dans le pays à l'époque. En 2008 on a voulu envoyer dans toutes les mosquées des imams formés aux Pays-Bas mais ce programme a finalement échoué.

L'an dernier, le gouvernement danois a décidé de créer une liste noire des imams étrangers connus pour faire la propagande de la haine afin de les interdire de séjour. En mai dernier, le Danemark a officiellement décrété une interdiction contre cinq imams prêcheurs de haine étrangers, et un autre imam du Liban pourrait se retrouver sur cette liste après son prêche à Copenhague.

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En 2015, l'Autriche a interdit le financement étranger des organisations islamiques et des mosquées et obligé à utiliser le Coran dans la traduction standardisée en allemand. Des débats sont déjà en cours en Allemagne pour adopter une loi prévoyant un enregistrement obligatoire des mosquées et la formation des imams à l'intérieur du pays.

Aujourd'hui, certains politiciens en Allemagne, en Italie, en France et au Royaume-Uni veulent interdire aux imams de prêcher en arabe pour les forcer à parler dans la langue du pays d'accueil afin de comprendre ce qu'ils disent. Londres refuse d'accorder un visa aux imams venant de l'extérieur de l'UE ne pouvant pas prouver qu'ils maîtrisent l'anglais. Mais ceux qui sont déjà sur le sol britannique ne risquent rien. L'interdiction de l'arabe n'améliorera certainement pas la situation et isolera davantage les musulmans de la société, car une telle démarche serait interprétée comme une oppression et une menace. De plus, les imams prêcheurs de haine s'expriment depuis longtemps dans la langue du pays où ils vivent afin d'attirer de plus en plus de jeunes locaux dans leur orbite. Par exemple, en France, un islamiste sur quatre est un converti pour qui l'arabe n'est pas une langue natale ou parlée.

La haine subventionnée

L'imam prêcheur de haine Anjem Choudary, connu pour son soutien aux actions de Daech et ses déclarations odieuses, par exemple sur la nécessité de transformer le palais de Buckingham en mosquée, a été emprisonné au Royaume-Uni en septembre 2016.

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Près de 110 citoyens britanniques influencés par les prêches de Choudary ont commis ou ont tenté de commettre des attentats. Les autorités ont perdu patience quand Choudary a publiquement prêté allégeance à Daech. Il a écopé de cinq ans et demi de prison. Ce n'est pourtant pas la décision de justice qui a rencontré un large écho public mais le fait que, depuis 20 ans, Choudary vivait tranquillement au Royaume-Uni, professait l'islam sur internet, brûlait des drapeaux américains tout en touchant des allocations sociales. Au total, l'État lui a versé près de 500.000 livres. En 2013, certains politiciens britanniques ont tenté d'interdire aux prêcheurs de haine de bénéficier des allocations sociales, mais en vain. En 2015, Daech a publié la brochure Comment survivre en Occident: le guide du moudjahidine. Dans la rubrique «argent facile», il était suggéré aux djihadistes d'exiger des allocations sociales des autorités des pays occidentaux. Choudary jugeait même que ces prestations étaient l'une des voies du djihad et appelait les musulmans à quitter leur travail pour avoir davantage de temps pour la planification et la perpétration d'attaques contre les «infidèles» avec leur propre argent. D'ailleurs, Choudary a été pris sur le fait de consommer des hamburgers de McDonald's alors qu'il appelait les autres musulmans à consommer uniquement de la nourriture halal, et il a prêté allégeance à Daech dans un pub anglais. Dans sa jeunesse Choudary aimait l'alcool, le porno, la marijuana et le LSD.

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En 2015, les médias se sont intéressés à un autre imam prêcheur de haine: Al-Sibai, considéré comme l'un des inspirateurs du massacre de touristes britanniques sur une plage tunisienne. Il a ouvertement qualifié l'attentat de Londres en juillet 2005 de «grande victoire» des djihadistes. Al-Sibai était l'un des leaders d'Al-Qaïda et en 1994 il a obtenu l'asile au Royaume-Uni. Avec sa femme, il recevait jusqu'à 50.000 livres par an d'allocations sociales et se moquait des médias britanniques en déclarant qu'il vivait dans une maison valant 1,5 million de livres. En Autriche, l'imam prêcheur de haine Mirsad Omerovic a réuni grâce aux allocations plusieurs centaines de milliers d'euros pour le djihad en Syrie. La deuxième femme de l'imam prêcheur de haine Abou Hamza a vécu avec ses allocations dans une maison six pièces d'une valeur de 1 million de livres pendant 15 ans dans un riche quartier de Londres. L'imam prêcheur de haine Abou Qatada a reçu 500.000 livres des contribuables britanniques.

Dans l'ensemble, alors que les attentats se multiplient, on observe en Europe une tendance au durcissement de la législation sur l'incitation à la haine et des tentatives sont entreprises pour placer l'activité des imams sous contrôle. Tout cela rencontre une forte opposition aussi bien des musulmans que des Européens qui considèrent ces mesures comme un abandon des valeurs européennes et une atteinte à la liberté d'expression. Les experts avertissent que la répression de l'activité publique des imams prêcheurs de haine en Europe risque de faire apparaître un plus grand nombre d'imams «discrets», comme El Satty, qui recrutent en cachette et préparent de nouveaux attentats, alors que l'endoctrinement des jeunes se fera par internet.

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