Bure: s'opposer au projet nucléaire Cigéro revient à être un «dissident de l'État»

© AFP 2024 FRANCOIS NASCIMBENIJean-Baptiste Redde aka Voltuan holds a placard reading "Stop Bure" as he stands by a wall erected by the French National Radioactive Waste Management Agency (ANDRA) to protect the area of the construction site for the creation of a radioactive waste storage during a protest against the project on August 14, 2016, in Bure. Hundreds of protestors arrived on August 14 at the fringe of the Lejuc wood with sticks and pickaxes to knock down a part of the wall installed by the ANDRA. The battle against the creation of the radioactive waste storage might last for some time.
Jean-Baptiste Redde aka Voltuan holds a placard reading Stop Bure as he stands by a wall erected by the French National Radioactive Waste Management Agency (ANDRA) to protect the area of the construction site for the creation of a radioactive waste storage during a protest against the project on August 14, 2016, in Bure. Hundreds of protestors arrived on August 14 at the fringe of the Lejuc wood with sticks and pickaxes to knock down a part of the wall installed by the ANDRA. The battle against the creation of the radioactive waste storage might last for some time. - Sputnik Afrique
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Deux jours après les échauffourées de Bure au cours desquelles se sont affrontés la gendarmerie et les opposants au projet Cigéo d'enfouissement des déchets nucléaires, Sputnik donne la parole aux écologistes qui évoquent l'ampleur du danger et expliquent pourquoi certains détails du projet sont passés sous silence.

Trois cents à mille personnes ont manifesté plus tôt cette semaine dans la Meuse contre le projet Cigéo d'enfouissement de déchets nucléaires près du village de Bure. Les incidents, qui ont fait six blessés graves, ont éclaté après un week-end de calme où s'est déroulé le Festival de Bure qui a réuni autour d'une même table écologistes et partisans du stockage souterrain. Deux jours après les manifestations, au cours desquels est intervenue la gendarmerie qui — pour disperser la foule — a fait usage de canons à eau, de grenades assourdissantes et de gaz lacrymogène, Sputnik a tendu son micro aux représentants du camp écologiste et les a interrogés au sujet de leurs préoccupations.

Silence de Nicolas Hulot

Pourquoi le ministre de la Transition écologique et solidaire Nicolas Hulot garde-t-il le silence? C'est cette question qui préoccupe Jean-Marc Fleury, membre du parti Europe Ecologie les Verts et président de l'Eodra (association des élus opposés à Cigéo).

«Il suffirait juste qu'on entende maintenant le ministre de l'Écologie là-dessus, on n'a encore pas entendu. Ce que je crains, c'est que Nicolas Hulot quand il est entre au gouvernement, il a accepté le deal: qu'on lui a dit "on arrête Notre-Dame-des-Landes et en contrepartie t'avalera deux-trois couleuvres", dont Bure, je pense. J'espère me tromper. Je pense que c'est pour ça qu'on n'entend pas Nicolas Hulot», indique-t-il dans son commentaire.

Et de commenter la photo prise par le ministre en 2016, la pancarte anti-Cigéo en mains: «Personne ne l'a forcé. Il a fait ça de son plein gré. […] Maintenant on va la diffuser partout pour que la presse fasse travail, interroge le ministre, lui demande des comptes là-dessus».

«Sujet qui nous concerne tous»

«On n'a pas eu le droit de manifester. On n'avait pas le droit de s'opposer à Cigéo, c'est comme s'opposer à Cigéo revenait à être une sorte de dissident de l'Etat», s'indigne Juliette Geoffroy, porte-parole du Collectif contre l'enfouissement de déchets radioactifs (CEDRA). Elle rappelle que même si ne sont les riverains qui sont venus manifester, il s'agit d'un sujet «qui nous concerne tous», il s'agissant de déchets radioactif.

«C'est un débat national: s'il y avait un accident, la radioactivité ne connaîtrait pas les frontières», pointe-t-elle. Et de rajouter que l'objectif des écologistes était de dénoncer les harcèlements politiques qui sont subis par les riverains.

«Il faut savoir que là elle s'était poussée à son paroxysme, la violence, elle est sournoise, elle est silencieuse, mais elle est quotidienne. Les riverains, les habitants des villages alentour qui subissent le contrôle aux facies, vérification de leurs cartes d'identité. Il y a une sorte de dimension inadéquate de Cigéo sur les territoires. Le projet du nucléaire utilise toujours des passages en force, parce qu'il ne s'est pas fait en concertation avec la population».

«L'européanisation du site passe sous silence»

«L'idée d'en faire du site de Bure un centre d'entreposage de déchets nucléaires pas seulement français, mais également pour les pays voisins, l'européanisation du site passe sous silence», souligne pour sa part Ben Cramer, un des premiers activistes ayant dénoncé le projet Cigéo, auteur de «Guerre et paix… et écologie».

Comme l'explique ce membre du Groupe de recherches et d'informations sur la paix et la sécurité (GRIP), le sujet reste tabou, car on cherche à faire croire aux habitants qu'ils se sacrifient au nom de la France. Si ces derniers apprenaient que les déchets venaient d'ailleurs, l'attitude de la société serait différente.

«Il y a le problème financier. Là encore, les évaluations divergent. Entre 20 milliards et 35 milliards d'euros, cela fait du simple au double presque. Si on retarde le projet, ce seras encore plus cher. Il a été prévu pour 2020, maintenant on est en train de parler de 2025, après les JO. Le pouvoir politique ne sais pas quoi faire», conclut-t-il.

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