Depuis plusieurs semaines, le ton monte entre Berlin et Ankara. Lundi 7 août, le président Recep Tayyip Erdogan a accusé l'Allemagne de soutenir le terrorisme en refusant de fournir des informations sur des suspects recherchés par la Turquie. Fin juillet, Berlin annonçait envisager un réexamen des prêts et aides apportés par le gouvernement allemand et l'Union européenne à Ankara. Alors que c'est la Turquie qui assume la majeure partie du flux de migrants en provenance de Syrie, ce regain de tension avec l'Allemagne pourrait-il jouer un mauvais tour aux Européens? Rachel Marsden fait le point avec Emmanuel Dupuy, président de l'Institut Prospective et Sécurité en Europe (IPSE) et spécialiste des relations internationales, et Samim Akgönül, maître de conférences à l'Université Marc Bloch de Strasbourg, chercheur au CNRS et spécialiste de la Turquie.
Pour Samim Akgönül, la situation est inquiétante mais « la caractéristique principale de la politique étrangère turque de ces quinze dernières années est l'inconsistance. Autrement dit, le président, qui est devenu pas à pas le seul homme à décider de la politique étrangère et de la politique interne, a très bien compris qu'il pouvait changer d'avis et dire tout et son contraire dans les vingt-quatre heures sans que rien ne change. Donc demain, on peut très bien s'attendre à des relations cordiales voire chaleureuses entre Angela Merkel et Recep Tayyip Erdogan. […] Mais ce genre de crise laissera quand même des traces très profondes dans les relations bilatérales, et notamment dans celles entre Ankara et l'Union européenne. »
Selon Emmanuel Dupuy, « Il faut tenir compte de la difficulté effective pour l'UE d'empêcher les trois millions de réfugiés syriens présents sur le sol turc à venir en Europe. C'est un moyen de pression, une épée de Damoclès, sur laquelle le président Erdogan joue vis-à-vis de l'Union européenne et de l'Allemagne, avec un contexte très particulier: l'Allemagne a promis d'accueillir de 800 000 à 1 million de demandeurs d'asile. Mais il y a aussi un autre élément qu'il faut prendre en compte: la Turquie est souvent prise dans les mêmes enjeux que l'Ostpolitik allemande. La politique orientale de l'Union européenne a souvent été diligentée par l'Allemagne, et notamment en direction de l'Asie centrale. Il y a donc une sorte de jeu de puissance qui est en train de se créer entre l'homme fort de la zone du Turkestan et la femme forte de l'Europe. »
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