Les militaires de l'opération Sentinelle sont plutôt une bonne cible pour les terroristes qu'un vrai dispositif de sécurité, ont déclaré à Sputnik Alain Rodier, directeur adjoint du Centre français de recherche sur le renseignement, et Emmanuel Dupuy, président de l'IPSE (Institut Prospective et Sécurité en Europe), après à l'attaque de Levallois-Perret.
«On se rend compte désormais que les hommes en uniforme dans la rue attirent plutôt les actions terroristes que ne représentent une parade tout à fait efficace […]. Il va falloir repenser ce dispositif parce que son coût efficacité laisse certainement à désirer», a notamment indiqué Alain Rodier.
Emmanuel Dupuy est d'accord avec cette idée. Selon lui, les soldats de l'opération Sentinelle ont eux-mêmes besoin de protection, notamment en ce qui concerne la question de confidentialité des informations concernant leurs domiciles.
«Pas moins de cinq attaques, dont trois qui ont visé les militaires en 2017, cela prouve que les militaires sont devenus des cibles statiques […]. Le principe de la protection des militaires est de ne pas révéler l'endroit où ils sont stationnés», a-t-il estimé.
Un homme a foncé mercredi, vers 08h00 heure de Paris, avec un véhicule sur un groupe de militaires de l'opération Sentinelle à Levallois-Perret, en Hauts-de-Seine, blessant six personnes, dont deux grièvement.
D'après M.Dupuy, ce ne sera pas la dernière attaque de ce type en Europe.
«On peut craindre une recrudescence de ces types d'attaque à travers le ciblage de force de l'ordre et des militaires comme ce fût le cas pour l'attaque du Louvres en février, ou encore l'attaque de l'aéroport d'Orly sud en mars. Il faut craindre ce type d'attaque en France mais également un peu partout en Europe», a-t-il estimé.
M.Dupuy a rappelé que les six soldats de l'opération Sentinelle blessés mercredi matin s'étaient «fait surprendre à la sortie de leur lieu de résidence».
D'après Alain Rodier, charger les militaires de patrouilles mobiles n'est pas la meilleure solution et les soldats seraient plus efficaces sur les théâtres de guerre.
«Les militaires ne sont pas formés pour mener des gardes mobiles. Ils seraient beaucoup mieux employés sur un autre théâtre comme le Sahel», a-t-il noté.
Selon M.Rodier, il faudrait confier plus de missions à la police qui a été renforcée depuis les attentats de 2015.
«Les forces de police […] pourraient reprendre, sans doute, à leur charge certains nombres de missions qui sont attribués à Sentinelle. Mais il faudrait peut-être impliquer un peu plus les sociétés de sécurité privée», a déclaré le directeur adjoint du Centre de recherche sur le renseignement.
Les dizaines de milliers de soldats engagés à l'opération Sentinelle «manquent sur d'autres théâtres d'opérations». En plus, Sentinelle a un impact sur les difficultés budgétaires, tout comme les opérations extérieures — en Libye, dans le Sahel et l'opération anti-Daech en Syrie et en Irak, ajoute M.Dupuy.
«Les opérations extérieures coûtent 1,3 milliard d'euros, elles ne sont pas budgétisées dans le cadre de la loi programmation militaire. De facto, ces opérations extérieures nécessitent la mise en place d'un budget conséquent. Il faut ajouter à cela l'opération intérieure Sentinelle qui est une particularité mais qui a un impact sur les difficultés budgétaires […]. L'opération Sentinelle va être révisée, cela ne veut pas dire qu'elle va être annulée. Une vraie réflexion doit être menée par rapport à l'efficacité de l'opération Sentinelle», a conclu Emanuel Dupuy.