«Je me représentais les valeurs démocratiques autrement». Margarita Simonian, rédactrice en chef de Sputnik et de RT a réagi aux dernières révélations de Wikileaks sur les échanges de l'équipe de campagne d'Emmanuel Macron. En effet, «En Marche!» a appelé en février dernier les médias français à «cesser de relayer les informations» livrées par les médias publics russes Sputnik et RT.
Alors secrétaire général d'En Marche, celui-ci appelait directement les médias français et étrangers à ne plus relayer les informations de Sputnik et de RT «fût-ce pour en vérifier le bien-fondé», les dirigeants des réseaux sociaux à les identifier «clairement […] comme des sites de propagande» ainsi que les présidents de deux assemblées à veiller à ce que les élus de la République «ne soient pas pris en otage dans cette tentative de déstabilisation en mettant ce qu'ils croient être leur liberté de parole au service d'une puissance étrangère», pointant du doigt «l'ingérence d'un régime russe déterminé à déstabiliser l'un des candidats susceptibles de remporter cette élection.»
Si la démarche peut «paraître maladroite», pour l'expert en technologies de la communication Antoine Lefébure, qui estime «modérées» les critiques de notre agence, il souligne que «Macron n'était pas le candidat de Sputnik, contrairement à beaucoup de médias français», et insiste sur le fait que celle-ci n'était pas dénuée de sens dans un contexte électoral:
«Ce n'était pas, en fait dirigé, véritablement contre Sputnik. C'était dirigé vers l'opinion publique française, vers les électeurs et c'était très bien vu du point de vue de Macron de se présenter comme une victime d'un État puissant et d'un dirigeant comme Poutine, qui n'est pas très populaire en France et de dire "je suis agressé, je suis diffamé", etc. C'est une bonne chose pour lui, c'est pour ça qu'il l'a fait et c'est pour cela qu'il n'a pas essayé de répondre aux demandes d'entretien de Sputnik pour garder son espèce de virginité offensée et je crois que cela lui a réussi.»
Un email, en date du 14 février, qui correspond avec les propos tenus par son auteur la veille, lors d'une émission de France2. Richard Ferrand déclarait alors:
«Aujourd'hui, il faut regarder les faits: deux grands médias, Russia Today et Sputnik, qui appartiennent à l'État russe, font leur quotidien de la diffusion, de la propagation, de fausses nouvelles. Ensuite, ces nouvelles sont reprises, sont citées et viennent peser sur notre vie démocratique.»
Néanmoins, si ce comportement «ne montre pas que ce sont des ennemis de la démocratie» d'après notre expert, au-delà de la critique de la Russie et de ses médias durant la campagne, on ne peut que s'interroger sur la persistance de l'exécutif à suivre cette ligne particulièrement sévère à l'égard des médias qui se montrent critiques vis-à-vis de l'action du nouveau Président.
Brandir des poursuites, un «classique»- pour ainsi dire- pour ceux qui ont eu affaire à l'équipe de campagne d'Emmanuel Macron. En témoigne le documentaire diffusé par TF1 le 8 mai- sobrement intitulé «Macron, les coulisses d'une victoire». On y voyait la manière dont Sibeth Ndiaye, la conseillère presse et communication qui défraie aujourd'hui la chronique avec le SMS nonchalant qui lui est attribué après le décès de Simone Veil, pour ainsi dire «remonter les bretelles» d'un journaliste du Monde, pour un article où les propos du candidat auraient été mal interprétés.
Autre média également visé par des menaces de Boycott: Canal+. En effet, suite au premier tour, le petit journal de Yan Barthès s'était attiré les foudres d'En Marche pour avoir comparé le dîner d'Emmanuel Macron à la Rotonde avec celui de Nicolas Sarkozy au Fouquets» après sa victoire en 2007.
Une attitude offensive vis-à-vis des médias français, qui n'est pas forcément préjudiciable pour le chef de l'exécutif. En effet, comme le rappelle Antoine Lefébure, les médias nationaux souffrent d'un certain discrédit dans l'opinion publique:
«Il faut tout de même savoir que les médias français sont très peu appréciés par l'opinion publique, ils sont considérés comme pas crédibles, ni la télévision, ni la radio, ni même la presse et qu'il joue là-dessus avec un certain succès.»
«Cela pourrait aussi être un problème pour les médias, parce qu'on les verrait changer de casaque; c'est tout de même très français d'adorer quelqu'un, puis de le brûler trois mois après. C'est un petit jeu qui s'est passé avec tous les Présidents de la République. Rappelez-vous les trois premiers mois de Hollande c'était absolument divin, il était couvert de louanges et après il a été traîné plus bas que terre… il va peut-être se passer la même chose avec Macron, même si je pense que Macron est plus habile dans la gestion des médias et sera moins critiqué.»
Quoi qu'il en soit, force est de constater que peu à peu le rideau se lève sur la campagne d'Emmanuel Macron. Rappelez-vous, qu'en son temps, WikiLeaks avait été pointé du doigt par la presse nationale lors de la publication des fameux «MacronLeaks» à la veille du second tour de la présidentielle. Le moteur de recherche avait été accusé —avant les Russes- de chercher à déstabiliser la campagne présidentielle dans la dernière ligne droite.
Par exemple, une autre information intéressante de ces MacronLeaks trop peu exploités par la presse en leur temps trouve aujourd'hui un écho dans l'actualité. Il est ainsi de l'affaire des APL, sur lesquelles Emmanuel Macron vient de forcer son gouvernement à un rétropédalage, après avoir accusé ses prédécesseurs, puis selon le Canard enchainé de s'être emporté devant ses propres ministres et élus, d'avoir voulu les baisser de 5 €. Or, il y a moins d'une semaine, Libération relevait les informations retrouvées dans un des courriels ébruités et mis en lumière par la Lettre A —par ailleurs poursuivie en Justice par En Marche- selon lesquels Emmanuel Macron songeait déjà à la baisse des aides au logement pour les étudiants… en août 2016.