Idiotie géopolitique ou la guerre inutile entre l'Inde et la Chine

© REUTERS / Damir Sagoljarmée de la République de Chine
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Le grand rêve de la politique étrangère américaine – un conflit sino-indien, voire une guerre – semble se réaliser sous la forme d'une guerre des nerfs. Plusieurs centaines de soldats y participent, il est difficile de trouver sur la carte de l'Himalaya l'endroit de leur déploiement, mais ce n'est pas forcément utile.

Ce n'est pas une guerre, des soldats sont simplement postés les uns en face des autres depuis presque 2 mois, et on dit même qu'ils se sont déjà imprégnés de sympathies réciproques. En revanche, on retrouve d'innombrables réflexions géopolitiques dans les médias, et la principale valeur de cette histoire c'est précisément d'avoir poussé le public à réfléchir à la manière dont le monde avait changé, comment il continuerait de changer et pourquoi l'Inde et la Chine avaient besoin de se quereller dans ce nouveau monde.

Tout le monde est perdant

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En fait, il est question d'un litige à la frontière entre la Chine et le Bhoutan, mais ce dernier a conclu un accord avec l'Inde sur la défense des intérêts de ce peut royaume dans les montagnes. Par conséquent, pour le New Delhi il n'est pas question d'une terre natale sacrée, mais de son autorité en Asie du Sud, où l'Inde doit être théoriquement le leader.

La situation est approximativement la même pour la Chine, à savoir — comment sortir d'un conflit, au fond accidentel, sans perdre l'image de l'une des deux superpuissances.

La frontière en question n'a jamais été délimitée au centimètre près, elle se trouve à 4.000 m d'altitude et 8 mois dans l'année elle est complètement gelée. Sur les cartes de la Chine elle est désignée comme chinoise, mais il s'avère que le Bhoutan n'est pas de cet avis. Le scandale a commencé par la tentative de Pékin d'y construire une route en montagne dans le cadre de ses programmes d'installation de l'infrastructure au Tibet. Quelqu'un s'est trompé de quelques kilomètres.

Les ouvriers ont été accueillis par des soldats indiens, après quoi sont arrivés des militaires chinois. Depuis, ils y sont postés et s'observent. Et rien d'autre ne se produit.

Il est à noter que toute la frontière qui passe par les hauteurs de l'Himalaya entre l'Inde et la Chine est également contestée par plusieurs pays. Du coup, peu importe où l'incident frontalier a eu lieu, il faut le régler. Or ce n'est pas une guerre, mais une bataille des penseurs de la politique étrangère.

La seule chose sur laquelle tous les analystes sont d'accord, c'est que les deux pays n'ont aucunement besoin d'une guerre, car dans un certain sens tous les deux seront perdants.

Un conflit armé pourrait bloquer l'itinéraire commercial via l'océan Indien et le détroit de Malacca permettant à la Chine de recevoir 80% du pétrole importé. Alors que l'Inde perdrait un conflit terrestre. Tout en sachant que l'occupation des territoires indiens (aussi bien que chinois) est une idée insensée.

De plus, la Chine sera perdante dans ses plans pour mettre en place une infrastructure à travers toute l'Eurasie dans le cadre du projet «Une ceinture, une route». Tandis que l'Inde n'avait pas adhéré à ce projet, car la Chine construit sa route via des territoires pakistanais, considérés comme siens par New Delhi.

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Cependant, l'Inde, désappointée par ce fait et en querelle avec la Chine, perd ainsi toute une région — précisément la région où elle défend le Bhoutan pour le prestige. Or le projet chinois n'est pas seulement soutenu par le Pakistan, qui a des relations tendues avec l'Inde, mais également par le Bangladesh, le Sri Lanka et le Népal. Autrement dit, par toute l'Asie du Sud, sauf l'Inde.

Mais si les acteurs mentionnés ne veulent pas une guerre accidentelle dans les hauteurs gelées et peu habitées, alors qui en a besoin? Dans ce genre de cas on pointe toujours les Etats-Unis. Mais cela fait l'objet de débats dans tous les médias asiatiques et d'ailleurs. Essentiellement entre les Indiens (en fait, l'ébullition de la pensée d'experts concernant l'histoire littéralement idiote dans l'Himalaya a lieu précisément du côté indien, les Chinois étant plus retenus).

La paix dans tous les cas

Un auteur (en l'occurrence un Chinois ayant beaucoup de soupçons) rappelle que l'Inde, les USA et le Japon viennent de terminer les exercices navals dans le golfe du Bengale; et à la même période l'Amérique a approuvé la vente à l'Inde des avions de transport pour 365 millions de dollars et des drones de combat pour 2 milliards de dollars.

Un autre (Indien déçu) explique aux lecteurs que Washington n'a aucunement réagi à l'incident dans l'Himalaya. Et de déplorer: après tout, toute la politique indienne des USA était fondée pendant des années sur leur préoccupation commune concernant la hausse d'influence de la Chine. La levée des sanctions occidentales contre l'Inde (qui ont échoué) a précisément eu lieu en raison de cette «préoccupation commune». Et maintenant?

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Et maintenant, constante un expert indien, l'administration de Donald Trump n'a aucune politique vis-à-vis de l'Inde et ne fait que réagir aux situations qui surviennent. D'ailleurs, cela fait déjà six mois qu'elle n'arrive pas à nommer un ambassadeur des USA en Inde — incroyable.

Ajoutons qu'il n'a jamais été question d'une guerre d'envergure entre deux voisins, mais d'un «équilibrage» — pour que la Chine ne prenne pas la «grosse tête» et sache que l'Amérique est toujours là.

Et voici qu'aujourd'hui un autre Indien écrit que son pays est responsable d'avoir mis en colère la Russie, à tel point qu'elle est entrée en partenariat avec la Chine…

Il est évident que quelque chose ne tourne pas rond avec l'auteur, il ne connaît pas les faits, mais ce politologue d'une université provinciale reflète bien la confusion des esprits dans la classe instruite du pays — où règne ici et là «que faire?» et «qui est le responsable?».

Ainsi, l'amitié du premier ministre indien Narendra Modi avec les USA l'a éloigné de l'ami le plus fiable — la Russie (vraiment?), l'Inde ne s'est pas alliée avec les bons pays — le Japon et Singapour (qui se rapprochent également avec la Chine) et irrite constamment la Chine, en se liant d'amitié contre celle-ci avec le Vietnam. Or le résultat est affligeant.

Par endroits, l'auteur a raison — auparavant tout était plus simple et clair. La politique inchangée des USA, indépendamment des administrations, habituait le monde au fait que la diplomatie est un art de petits pas et gestes, car on savait de quel côté les USA s'ingéreraient dans une guerre étrangère. Les gens ont cessé de réfléchir sans se retourner sur l'Amérique. Alors que maintenant tout hasard, à l'instar du conflit imprévu à 4.000 m d'altitude, montre que les anciens concepts ne sont plus très fiables. Chaque fois il faut recommencer la diplomatie à zéro en faisant de nombreuses découvertes désagréables pendant le processus.

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Bien qu'il y ait de bonnes découvertes. Il n'est pas difficile de prédire l'issue de l'histoire dans l'Himalaya. La paix, évidemment. Voici un article de Shashi Tharoor, un homme qui a failli devenir secrétaire général de l'Onu (aujourd'hui chef de la commission du parlement indien pour les affaires internationales). Tout son article est une énumération des sujets internationaux où les intérêts de l'Inde et de la Chine coïncident et où se déroule une coopération active, sans parler des échanges de 70 milliards de dollars par an.

D'ailleurs, à l'heure actuelle se déroulent des réunions préparatoires en prévision du sommet du groupe des Brics où les Indiens et les Chinois élaborent des plans communs et ne se querellent pas.

En effet, il serait intéressant si cette querelle en montagne créait une nouvelle situation en Asie indiquant clairement que les intérêts de la Chine et de l'Inde coïncident pratiquement partout. Du moins, le conflit démontre qu'il n'existe aucune raison rationnelle à l'hostilité entre les deux voisins.

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