Mais, cette décision extraordinaire, car c'est la première fois depuis 1958 qu'un chef d'Etat-Major des armées démissionne, est loin de mettre fin au conflit qui oppose les forces armées à notre Président. Cette démission, par ailleurs, entache le quinquennat d'Emmanuel Macron de manière indélébile.
Une démission logique
Le fait que le Président ait pris la déclaration du Général Pierre de Villiers devant cette Commission pour un acte contestant son autorité, alors qu'il s'agissait de l'exercice normal de la démocratie, nous en dit aussi long — et même très long — sur le caractère et l'irascibilité du chef de l'Etat. Ce fait nous est aussi parlant sur son respect (ou plus exactement son non-respect) des procédures démocratiques les plus élémentaires.
De la confiance
Ces mots sont importants. Ils ont un sens précis dans l'institution militaire. Au-delà, ils font écho à l'un des attendus du Procès de Nuremberg contre les dignitaires nazis, qui avait rejeté l'excuse d'obéissance sous prétexte que cette dernière ne saurait être aveugle. C'est en réalité le propos du Général de Villiers. Cette mise en garde vise tout autant les militaires (qui ne doivent pas se réfugier derrière l'excuse d'obéissance) que les civils.
De la dignité
Il ne s'agit pas de transposer directement des coutumes de la Rome antique dans les institutions de la France du XXIème siècle, quoi que le droit romain soit au fondement de notre droit. Néanmoins, on comprend, à lire le Général de Villiers, que si les gages de la confiance ne sont pas donnés, cette confiance ne saurait être accordée, et le principe d'obéissance du militaire au civil pourrait donc être révoqué. Et ces gages ne sauraient être uniquement financiers. La relation de confiance, qui est une relation essentiellement politique apparaît comme brisée.
Voila donc la vérité intime de cette crise opposant le Général de Villiers au Président Macron. Pour la première fois, depuis fort longtemps, se pose la question de la « dignité » du premier magistrat de la République.
Il dépend de lui de mesurer rapidement l'ampleur des dégâts qu'il a commis, et de fournir les gages qui permettront à l'ensemble de la Nation, et donc à ses forces armées, de reconstruire une relation de confiance. Car, ce que le Général de Villiers appelle la confiance n'est rien d'autre que la légitimité, un principe sans lequel il n'y a plus de démocratie. S'il manquait à le faire, il ouvrirait de fait une période de grande incertitude quant au fonctionnement des institutions, des institutions qu'il a de facto affaiblies en ne reconnaissant pas le statut de la Commission à la Défense de l'Assemblée Nationale. Ces incertitudes pèseraient y compris le mandat présidentiel qui pourrait, dès lors, s'en trouver abrégé.
(1) Ou Cedant arma togae, première partie d'une citation de Cicéron, De Officiis (Des Devoirs), I, 22
(2) https://www.facebook.com/notes/chef-détat-major-des-armées/confiance/1548451188570705/
(3) Bretone M., Histoire du droit romain, Paris, Editions Delga, 2016
(4) Bretone M., Histoire du droit romain, op.cit., p.216.
(5) Sapir J., (Avec B. Bourdin et B. Renouvin) Souveraineté, Nation et Religion — Dilemme ou réconciliation?, Paris, Le Cerf, 2017
(6) Sapir J., Souveraineté, Démocratie, Laïcité, Paris, Michalon, 2016
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