La Suisse protège UBS en invoquant le «principe de spécialité»

© AFP 2024 FABRICE COFFRINIA Swiss flag is seen behind a sign of Swiss bank giant UBS on June 11, 2013 in Basel.
A Swiss flag is seen behind a sign of Swiss bank giant UBS on June 11, 2013 in Basel. - Sputnik Afrique
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La Suisse refuse de communiquer les noms des détenteurs français de comptes bancaires chez UBS. Le motif invoqué: le «principe de spécialité» qui pourrait être bafoué par la justice française.

L'administration suisse avait annoncé en 2016 qu'elle allait collaborer et aider la France dans sa bataille contre l'évasion fiscale. Néanmoins, la Confédération suisse veut désormais bloquer la transmission d'informations afin de protéger la banque suisse UBS, un de ses fleurons nationaux, visée pour démarchage illégal et blanchiment d'argent. Benoît Lallemand, secrétaire général de Finance Watch et expert des infrastructures de marché, confirme cette stratégie:

«C'est tout à fait une manœuvre de l'État Suisse pour protéger une de ses banques, exactement comme l'État français le ferait avec BNP Paribas ou la Société générale […] Les États membres jouent le rôle de protecteur, de défenseur de leurs champions nationaux.»

The German headquarter of Swiss UBS bank is photographed in Frankfurt, Germany, Tuesday, Nov. 13, 2012. - Sputnik Afrique
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Pour justifier ce changement d'attitude, la Suisse invoque la convention fiscale qui lie les deux pays. En effet, le «principe de spécialité» dispose que les informations communiquées ne doivent bénéficier qu'au service du fisc français et ne peuvent en aucun cas être utilisées par la justice.

«La convention fiscale, comme son nom l'indique, c'est de la coopération en terme de transmission d'information au fisc français pour poursuivre éventuellement des contribuables français qui ont cherché à lui échapper. Les informations transférées doivent être restreintes au fisc et ne pas être transférées à la justice française. Ce qui serait un tout autre usage de l'information et dans la convention existante, il n'y a pas la garantie que la France ne transmettra pas les informations du fisc à la justice.»

Le ministère français de l'Économie, des Finances et de l'Industrie, rue de Bercy - Sputnik Afrique
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C'est cette menace que semble vouloir éviter à tout prix la Suisse. Le manque à gagner pour l'État français s'élèverait à 10 milliards d'euros, répartis dans plus de 45.000 comptes bancaires détenus par des contribuables français (chiffre du parquet national financier). Or, Édouard Philippe, Premier ministre, déclarait, le 29 juin dernier, «nous héritons d'un dérapage de huit milliards d'euros inacceptable» du précédent gouvernement. C'est pourquoi, si la banque suisse UBS venait à être pénalisée, cela pourrait être bénéfique à la France dans l'optique d'amélioration de la situation des comptes publics. Mais au-delà du simple équilibre budgétaire, se joue un tout autre challenge: la compétition fiscale comme nous l'explique Benoît Lallemand:

«Maintenant en Europe, on a une compétition fiscale entre États. C'est une réalité. L'évasion fiscale est liée à cette compétition fiscale. Non seulement, on a une compétition fiscale entre États mais en plus on a un secteur financier, notamment un secteur bancaire qui joue un rôle clé dans cette évasion fiscale […]. Si la France devait s'attaquer au niveau pénal à UBS en lui imposant des pénalités pour son rôle de facilitation. Ça serait clairement une sorte d'attaque de compétitivité qui bénéficierait à ses propres champions. Donc si la France fait cela, ce n'est pas simplement parce que c'est une championne de la justice au niveau international, c'est parce que cela mettrait en difficulté et pénaliserait littéralement UBS et donc avantagerait ses propres banques et vice versa. Il ne faut pas être naïf.»

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