Richard Ferrand et Muriel Pénicaud étaient à l'honneur dans la presse mercredi 28 juin. Le Président du groupe La République en Marche (LREM) à l'Assemblée, fraîchement élu après avoir été débarqué du gouvernement car il sentait le soufre judiciaire, fait l'objet d'une véritable saga dans Le Canard enchaîné. En effet, l'hebdomadaire poursuit ses révélations sur les relations entre Richard Ferrand et les mutuelles de Bretagne.
Des faveurs qui ne se limitent pas au seul cadre de l'organisme mutualiste. Ainsi, le Canard enchainé ajoute que Sandrine Doucen aurait également décroché un contrat au Château de Trévarez, propriété du département du Finistère et géré par un comité régenté par le Conseiller général du Finistère qui n'était autre que… Richard Ferrand.
Un nouveau lot de révélations embarrassantes du Canard pour le « premier des marcheurs », déjà ciblé par une enquête préliminaire du parquet de Paris suite à une précédente publication de l'hebdomadaire satirique qui mettait déjà en avant la tendance de l'éphémère ministre au mélange des genres, révélant le 24 mai dernier que la mutuelle dont il était le directeur général avait loué à partir de 2011 des locaux commerciaux à sa compagne.
Des locaux en mauvais état et intégralement achetés à crédit, via une SCI, grâce au contrat locatif de 42.000€ annuel, et auxquels s'ajoutent 182.000€ de frais de rénovation réglés par la mutuelle. Une opération qui selon l'hebdomadaire, aurait permis à l'avocate brestoise de se doter « sans bourse délier, d'un patrimoine immobilier d'une valeur actuelle nette de 500.000 euros ».
Ainsi, après un article — daté du 27 juin passé relativement inaperçu — sur la fâcheuse tendance de l'ex-directrice générale de Business France à transiger avec les règles ou à s'augmenter (ainsi que ses proches collaborateurs) avec une rémunération annuelle de 225.000€, le quotidien souligne ainsi que cette ex-DRH de Danone, à son arrivée à la tête de Business France, devenait «la troisième personne la mieux payée parmi la trentaine d'Etablissement publics à caractère industriel et commercial».
Libération titre en Une mercredi 28 juin: « Macron — Pénicaud, L'affaire Las Vegas » et révèle de nouveaux éléments dans l'organisation de la French-Tech night, à laquelle avait assisté Emmanuel Macron en tant que ministre de l'économie. On apprend notamment que la ministre aurait essayé d'étouffer des rapports internes et externes sur cet évènement. Une soirée chiffrée à plus de 380.000€, attribuée à Havas sans appel d'offre. Suite à ces révélations issues du Canard enchaîné, le 13 mars, France inter annonçait l'ouverture par le Parquet de Paris d'une enquête préliminaire pour «délit de favoritisme.»
Pourquoi ces affaires surgissent-elles (seulement) maintenant? L'adage chiraquien, selon lequel « les emmerdes, ça vole toujours en escadrille » suffit-il à expliquer un tel condensé de révélations épinglant simultanément deux têtes de l'exécutif? Pour Maître Stéphane Babonneau, avocat pénaliste inscrit au barreau de Paris, ce n'est pas vers les juges, mais les journalistes qu'il faut se tourner. L'avocat souligne en effet que « la justice enquête, mais elle enquête au regard d'informations qui lui sont apportées et actuellement ces informations sortent beaucoup par les médias. »
En effet, le calendrier semble laisser peu de place au hasard. Lors des premières révélations sur Richard Ferrand, fin mai, le gouvernement était sur le point de présenter sa loi de moralisation de la vie politique. La deuxième vague survient alors que Ferrand, touché par le soupçon, a démissionné du gouvernement, sur demande d'Emmanuel Macron, pour rejoindre la tête du groupe parlementaire à l'assemblée nationale.
Si l'entourage du chef de l'État avait insisté sur le fait que ce départ n'était « pas du tout lié aux affaires » et même que « c'est vraiment l'inverse », l'exécutif avait tout de même été suspecté d'exfiltrer une personnalité du parti à présent trop exposée médiatiquement et juridiquement vers un poste bien moins à risque, politiquement parlant. Quant à Muriel Pénicaud, Libération sort sa Une le jour même où la ministre présente son projet de loi d'habilitation pour réformer le code du travail par ordonnances, une promesse phare du candidat Macron.
« Ce qui se passe en réalité, c'est que l'on vit dans une société, dans une démocratie, dans laquelle il y a semble-t-il des dossiers qui sont conservés par des opposants politiques ou par différentes personnes et ces dossiers tout d'un coup ressortent au moment le plus opportun. Je ne dis pas que c'est le cas dans toutes les affaires, mais dans certaines affaires assez emblématiques, comme celle de Jérôme Cahuzac, c'est ce qui s'est passé. »
Mais ce qui est intéressant de constater, dans un second temps, c'est que les nouvelles révélations de Libération qui ciblent la ministre du travail mettent à mal la défense d'Emmanuel Macron dans le dossier de la French Tech night… En effet, parmi les documents mis à jour, figurent les conclusions d'un rapport d'audit mené par EY (ex-Ernest & Young). Un « rapport alarmiste» qui selon le quotidien « va dormir dans le placard de Muriel Pénicaud pendant encore quelques mois. » Ces quelques lignes du rapport d'audit, publiée par Libération, font l'effet d'une bombe pour la défense de Macron dans cette affaire « Nous comprenons que la définition exacte des besoins a pu être en partie déterminée par des personnes extérieures à Business France, en particulier le cabinet du Ministre de l'Économie. »
Or souvenez-vous, suite à la publication du Canard enchaîné le 8 mars dernier, révélant les dessous de cette « opération séduction », à laquelle Emmanuel Macron s'était rendu, à trois mois du lancement officiel d'« En Marche! », le principal intéressé avait répondu aux accusations dans un entretien avec les journalistes du journal La Croix.
Emmanuel Macron avait alors réfuté toute possible responsabilité de son cabinet dans l'affaire: « Ni moi ni mon cabinet ne sommes intervenus dans l'organisation de l'événement et encore moins dans le choix du prestataire. Tout cela relève de la seule compétence de l'opérateur, en l'espèce Business France, » avant d'insister « Je comprends que le rapport de l'Inspection générale des finances a montré que ceci était de la responsabilité pleine et entière de Business France. »
Par un autre heureux hasard du calendrier, le même dimanche que cette interview du futur président, le JDD publiait des révélations embarrassantes concernant la garde-robe et les amitiés de François Fillon, finissant d'éclipser l'affaire Las Vegas.
Pour une présidence qui se voulait exemplaire, on peut estimer que le départ est raté. Macron, qui voulait sortir du climat des affaires petites et grandes qui avaient probablement coûté sa place à son rival, François Fillon, l'entourage du nouveau président accumule dangereusement les casseroles et la petite mise à jour post-législatives ne semble rien y changer.
Interrogations sur la déclaration de patrimoine à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), zones d'ombre de l'organisation de la French Tech night, soupçons d'emplois supposés fictifs au Modem, décorations… des casseroles qui avaient pourtant commencé à tinter dès la campagne présidentielle, mais auxquelles les médias n'avaient pas donné beaucoup d'écho, se contenant des explications alors fournies par les principaux intéressés.