S'il est en effet rare qu'il évoque le Frexit, faut-il y voir un moyen de « capitaliser » sur un électorat aussi déçu qu'indécis, comme semble le faire la BBC?
« Il dit qu'effectivement il y aura le Frexit si l'on ne fait rien, mais il n'a jamais dit que lui-même ferait le Frexit ou qu'il poserait un referendum sur l'appartenance à l'Union européenne », commente Patrick Martin-Genier, spécialiste des questions européennes et internationales, enseignant à Sciences-Po Paris. C'est pour lui une méconnaissance de la vie politique française et de l'état d'esprit de M. Macron de la part de la BBC: « c'est une fausse vision des choses. Il ne veut pas capitaliser, c'est bien parce qu'il veut l'éviter à terme qu'il veut réformer en profondeur l'Union européenne et à mon avis la vision de la presse britannique est un peu erronée. »
« C'est compliqué, c'est vrai. La réforme des traités nécessite l'unanimité, donc que ce n'est pas la priorité. Mais on sait aussi que l'Europe, par exemple l'Europe sociale, il y a des possibilités dans les traités sur l'Union européenne, de même en matière d'Europe de la Défense, de même en matière de sécurité, il y a possibilité d'avoir des coopérations renforcées, ce qui veut dire que tous les 27 pays peuvent avancer. Mais si tous ne veulent pas avancer de la même façon, il y a la possibilité, comme dans la zone euro, d'avancer à quelques-uns à partir du moment où 9 pays au minimum sont d'accord pour avancer sur le chemin de la coopération renforcée », poursuit Patrick Martin-Genier.
« C'est peut-être de bonne foi. Il est peut-être à la fois pro-européen par les idées et soucieux que cela fonctionne mieux », estime le chroniqueur et politologue associé à Sophiapol (Paris X) Marc Crapez. Il estime pourtant qu'il manque encore des modalités et un calendrier précis, s'ancrant ainsi dans une stratégie électorale, à l'instar de sa concurrente Marine Le Pen:
« Il essaie de ratisser large et toucher à la fois les électeurs un peu urbains et bénéficiaires de la mondialisation et puis les gens plus en périphérie de la réussite dans la modernité, qui peuvent être éventuellement sceptiques face à la construction européenne telle qu'elle se présente. C'est intéressant, parce que cela fait au moins un point commun entre les deux candidats. Marine Le Pen est également en grand écart entre un certain électorat de droite et un certain électoral plus de gauche. »
« Si on ne faisait rien, si on laissait les choses en l'état, effectivement le risque, à terme, serait le retour des idées du Front national, et l'éventuelle menace d'un Frexit », conclut Patrick Martin-Genier.