Kiev ne doit plus compter sur un puissant soutien à Washington

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Richard Weitz, ancien collaborateur du Pentagone, évoque la coopération entre la Russie et les USA ainsi que l'entretien à venir entre Vladimir Poutine et Donald Trump.

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Kiev ne doit pas compter sur le soutien de Washington sous la présidence de Donald Trump, estime le politologue américain Richard Weitz, ancien collaborateur du Pentagone et directeur du Centre d'analyse politico-militaire du Hudson Institute.

Dans une interview accordée en marge de la 6e Conférence de Moscou sur la sécurité internationale, il évoque les objectifs concordants de la Russie et des États-Unis sur la question coréenne, la ligne de Donald Trump vis-à-vis de l'Ukraine et l'éventualité d'une large coalition antiterroriste.

- Aujourd'hui, la communauté d'experts s'accorde à dire que les intérêts de la Russie et des USA coïncident globalement sur la question coréenne. Qu'en pensez-vous?

— Sur le long terme, la meilleure solution au problème aussi bien pour la Russie que pour les USA serait l'unification des deux Corées en un seul État qui renoncerait à l'arme nucléaire sous toutes ses formes, ainsi qu'aux missiles balistiques. Mais concrètement, aujourd'hui, Moscou et Washington souhaitent avant tout que Pyongyang cesse ses essais nucléaires et balistiques. Le développement des potentiels nucléaire et balistique nord-coréens menace directement les États-Unis. De son côté, la Russie est très inquiète de voir que l'activité de la Corée du Nord entraîne une coopération plus étroite des USA avec la Corée du Sud et le Japon, ainsi que le déploiement de l'ABM américain dans la région. Autrement dit, la Russie et les USA ont un intérêt commun. Si nous voulons que le comportement de la Corée du Nord soit moins agressif, Moscou et Washington doivent y travailler ensemble.

- A l'issue de la visite du secrétaire d'État américain Rex Tillerson à Moscou, on a eu l'impression que les USA mettaient dans la Russie certains espoirs pour régler la crise nord-coréenne. Pourquoi pas avec Pékin?

— Washington espère que Moscou pourrait influencer Pyongyang mais il faut reconnaître qu'il est très difficile aujourd'hui de mener des négociations avec la Corée du Nord. Il n'est pas tout à fait correct de dire que Moscou a davantage de capacités d'influencer sur ce pays que Pékin. Mais la Russie a un avantage sur la Chine: le fait est que le dirigeant nord-coréen n'apprécie pas la Chine et ne lui fait pas confiance. C'est pourquoi la Russie dispose d'une plus grande marge de manœuvre. La question est de savoir si Moscou parviendra à exercer une pression sur la Corée du Nord.

- En Russie et en Occident, on parle périodiquement de la nécessité de constituer une large coalition antiterroriste. Quelles sont les perspectives d'une telle union sous l'égide de l'Onu — ce sur quoi insiste Moscou?

— Donald Trump souhaiterait effectivement former une coalition avec la Russie mais il ne fait pas confiance au Conseil de sécurité des Nations unies, c'est pourquoi il est peu probable qu'il accepte un tel format. Il ne faut tout de même pas exclure un tel scénario. Quoi qu'il en soit, aucune coalition large ne se profile à l'horizon pour l'instant.

- La conviction de l'Occident et des USA que le président syrien Bachar al-Assad doit partir le plus vite possible ne gêne-t-elle pas la lutte contre Daech? Dans quelle mesure est-il probable que l'Occident renonce à l'idée d'un départ obligatoire d'Assad pour défaire Daech?

— Avant l'incident de l'arme chimique en Syrie, l'administration Trump avait envoyé un signal: Washington était prêt à accepter Assad. Le secrétaire d'État américain Rex Tillerson disait que c'était au peuple syrien de décider du sort de la Syrie, et de son côté l'ambassadrice des USA auprès de l'Onu Nikki Haley notait que le départ d'Assad n'était pas une priorité pour les USA et que Washington devait se concentrer sur l'élimination des terroristes. Mais après cela, les USA ont accusé précisément Assad de l'attaque chimique en bloquant toute opportunité de coopération avec le gouvernement syrien. C'est pourquoi je pense que c'est pratiquement impossible aujourd'hui. Mais cela ne signifie pas du tout qu'à cause d'une perception différente d'Assad la Russie et les USA ne peuvent pas unir leurs efforts pour combattre Daech en Syrie. Au contraire, il reste toujours un grand espace pour une activité conjointe dans ce pays. Sur cette question il ne faut pas s'appuyer uniquement sur la création d'une large coalition.

- Dans quels domaines, hormis la Corée du Nord et la Syrie, les deux puissances peuvent-elles coopérer?

— La lutte contre la prolifération de l'arme nucléaire, la lutte contre les tentatives des terroristes d'obtenir l'arme nucléaire, le renforcement de la sécurité des entrepôts de matériaux nucléaires et des centrales nucléaires, la coopération pour détruire toutes les armes chimiques dans le monde.

De plus, nous parlons constamment de la Syrie et d'Assad, mais il ne faut pas oublier l'Irak, la Libye et l'Afghanistan. En dépit des divergences, les intérêts communs sont suffisants pour une coopération étroite.

- Avec l'arrivée de Trump à la Maison blanche, certains ont évoqué une détente à venir dans les relations russo-américaines. Pensez-vous que cette idée reste d'actualité? Comment pourrait évoluer la situation après l'entretien entre Donald Trump et Vladimir Poutine?

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- Je suis certain que la reprise d'un dialogue constructif entre nos pays est possible car Moscou et Washington sont impliqués dans le règlement de plusieurs problèmes internationaux qu'il est impossible de régler sans actions conjointes, compromis et accords. C'est notamment le cas du processus de paix au Proche-Orient où les deux pays ont une certaine influence sur Israël. Il y a également l'Égypte, la Libye, sans parler de la Syrie et de l'Ukraine. Une détente dans les relations entre la Russie et les USA pourrait se refléter positivement sur le règlement des problèmes dans ces régions.

Il faut également mentionner l'état de la sécurité en Europe. De plus, la Russie et les USA doivent être en contact permanent et évoquer tout ce qui se passe avec la Chine. On ne peut pas ignorer que la croissance de la Chine et son activité en politique étrangère se reflètent très sérieusement sur nos pays également. Pékin est un acteur trop important pour le monde entier. Moscou et Washington doivent se rappeler que c'est également un de leurs domaines de coopération.

- Donald Trump a annoncé plusieurs fois son intention de conclure un "accord" avec la Russie. D'après vous, de quelle sorte d'accord pourrait-il être question?

— En effet, le président américain a prononcé plusieurs fois le terme "accord" en évoquant la Russie. Cependant, de nombreuses spéculations sont déjà apparues à ce sujet. Il est difficile de prédire exactement aujourd'hui en quoi consistera un tel accord. Il existe plusieurs possibilités. Par exemple, Donald Trump pourrait proposer de partager les sphères d'influence au Moyen-Orient: laisser à la Russie la Syrie à condition que Moscou ne s'ingère pas dans les affaires de l'Irak. Ou il pourrait suggérer à la Russie de renoncer aux fournitures d'armes à la Chine en échange de garanties de ne pas en fournir en Ukraine. Mais pour l'instant on ignore exactement quel sera cet "accord". Trump est ouvert au dialogue et des accords importants pourraient être conclus. Il pourrait même s'agir d'un accord de principe large et flexible sans aucun point concret ou spécifique.

- Après ses premiers mois de présidence, on a l'impression que Donald Trump n'a pas l'intention d'accorder beaucoup d'attention aux problèmes de l'Ukraine. A quels changements faut-il s'attendre dans la politique américaine en ce sens?

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- Donald Trump cherchera très probablement à éviter de faire des promesses contradictoires et controversées à l'Ukraine et mènera une politique très prudente en la matière. Il est clair dès à présent qu'il n'a pas l'intention de fournir à l'Ukraine des armes offensives, ce dont parlait tant l'ancienne administration. De plus, je ne pense pas que le président américain cherchera à faire entrer l'Ukraine dans l'Otan. C'est pourquoi Kiev ne devrait pas compter sur un puissant soutien de Washington sous la présidence de Trump.

- Quel est votre avis concernant les revendications de Donald Trump envers l'Otan? Une réforme attend-elle vraiment l'Alliance?

— Quand Trump parle d'une réforme de l'Otan il insiste avant tout sur le fait que d'autres pays de l'Alliance doivent dépenser plus pour leur sécurité en termes de pourcentage par rapport au PIB. Il vaut que les USA diminuent leurs dépenses pour l'Otan et que les autres membres les augmentent. Dès à présent nous pouvons voir que certains pays de l'Otan ont commencé à travailler sur une augmentation des dépenses pour la défense. Cependant, cette question importante pour Trump n'affectera certainement pas l'activité de l'Alliance dans l'ensemble.

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