Une étrange agitation semble gagner Les Républicains depuis plusieurs jours. Malgré l'amère défaite de ce dimanche, des soutiens de François Fillon font preuve sur les plateaux d'un certain… optimisme. Bonnes âmes, ceux-ci affirment vouloir faire don de leur personne à l'intérêt supérieur de la nation.
« Nous n'avons pas le droit de rendre la France ingouvernable », affirmait Christian Estrosi dans les colonnes du Figaro.
De son côté, Bruno le Maire déclarait hier « Je ne fais pas de la politique pour mon parti, je fais de la politique pour la France, pour mon pays! » au micro de Jean-Jacques Bourdin sur BFMTV et RMC. Le député de l'Eure précise toutefois dans le Figaro, être « absolument hostile à tout débauchage individuel », s'estimant« sûr de gagner » malgré un duel pressenti avec Nicolas Bay, le Secrétaire général du FN. Yves Pozzo di Borgo, sénateur UDI de Paris, ne s'étonne pas de ces déclarations, au vu du contexte:
« Il est évident qu'à partir du moment où il n'y a pas de majorité les choses se recomposent et que ce n'est pas choquant que des personnalités comme Le Maire ou Estrosi disent "nous, nous regardons si éventuellement on ne peut pas avoir une majorité de rassemblement." »
Hors catégorie, relevons la timide sortie de François Baroin — a qui Jean-Pierre Elkabbach a un peu forcé la main sur CNews — lorsqu'il se déclare « disponible » pour diriger un gouvernement de cohabitation en cas de victoire de la droite aux législatives. Une sortie qui aura certainement fait son petit effet auprès des soutiens de François Fillon, lequel devait faire de son ancien ministre de l'Économie sous Sarkozy son Premier ministre en cas de victoire aux présidentielles.
Quoi qu'il en soit, le moment est-il bien choisi pour de telles déclarations? Après l'appel à voter Emmanuel Macron de François Fillon et de nombreux ténors républicains, les sympathisants de droite ne risquent-ils pas de percevoir ces positionnements comme opportunistes? Un manque de tact que ne manque pas de souligner Yves Pozzo di Borgo, pour qui « chaque chose en son temps »:
« Je serais à leur place je me serais abstenu de le dire, même si beaucoup de leaders le pensent, il faut d'abord tenir compte des réalités. Il est vrai que la position de Le Maire ou d'autres, je trouve que ce n'est pas très sain. On est dans un combat politique, les Républicains et les centristes de l'UDI sont dans une logique de gagner ces élections, et ce n'est pas avant le combat qu'on commence à dire "nous serons prêts, si on n'est pas gagnant, à faire autre chose". Je trouve que c'est plutôt malhabile pour ceux qui le disent. »
« Il est tout à fait normal que les instances des partis donnent des consignes, disent qu'elle est leur position, après les électeurs font ce qu'ils veulent, » nuance Yves Pozzo di Borgo.
Pour le sénateur UDI, c'est de ne pas assumer leur « responsabilité républicaine » face à l'extrême-droite qui rendrait obsolètes les partis politiques. Le sénateur ne mâche d'ailleurs pas ses mots à l'encontre du programme économique et européen du FN, saluant au passage la position du PS lors de l'élection présidentielle de 2002:
« Il n'y a pas eu d'hésitation, la main n'a pas tremblé chez les socialistes comme chez les RPR de l'époque. Tout le monde a dit "on vote Jacques Chirac, on ne discute pas". »
S'il tient à préciser qu'il n'a « pas à juger ses amis Républicains », il s'étonne du manque de clarté de la ligne tenue par le parti, à savoir « voter contre Marine le Pen ». L'UDI ayant appelé, mardi en fin de journée, à voter pour Emmanuel Macron. « Il faut être très net! Dans une élection, il y a deux votes, il y a le Front national et un autre candidat, c'est le candidat républicain. Alors on soutient le candidat républicain. Ce qui ne veut pas dire que par la suite on ne peut pas s'opposer à lui sur d'autres choses. »
Pourtant, l'appel du ventre semble parfois plus fort que les considérations de cohérence politique. Il faut dire que les places sont bonnes. Ce matin, François-Xavier Bourmaud relate dans les colonnes du Figaro la manière dont Emmanuel Macron entend procéder pour attirer dans ses filets les gros poissons de la droite. Pour ces derniers, les investitures aux législatives ne sont évidemment pas assez appétissantes, « il faut du gros, des ministères, voire carrément Matignon », souligne-t-il.
« C'est là — je pense — qu'il peut y avoir des changements politiques importants dans l'ensemble des partis. Aussi bien au parti socialiste qu'au parti Les Républicains. Moins chez les centristes qui seraient dans une logique de cohabiter avec Macron, à partir du moment où le parti de nos amis les Républicains serait d'accord. »
Une majorité plurielle qui attise les convoitises, d'autant plus que les grands blocs qui se sont dessinés à la sorties des urnes ce dimanche pourraient laisser présager ce troisième cas de figure pour les législatives 2017. Face à tout débauchage en règle, à toute pêche aux soutiens LR, qui pourrait permettre à l'ancien ministre de François Hollande de rééquilibrer ses équipes, les socialistes ne cachent pas leur indignation.
« Cela confirme bien que Macron n'a pas l'intention de devenir un candidat de gauche » lâche ainsi Jean-François Debat, maire socialiste de Bourg-en-Bresse, dans les colonnes du Figaro de ce mercredi. Alors, Emmanuel Macron de droite parce qu'il drague certaines personnalités de cette famille politique? À droite, on le juge plutôt de gauche, au vu de ses nombreux soutiens issus du PS et du gouvernement Hollande. Il faudra donc attendre le résultat du second tour des présidentielles et des législatives pour avoir la réponse à cette question.