La barre des 10 % était visiblement trop haute pour Benoît Hamon. Bien qu'ils se soient préparés à une défaite, lorsque le couperet tombe à 20h, le choc de ces 6,3 % de suffrages exprimés est difficile à encaisser pour certains militants, qui espéraient encore une surprise de dernière minute ou à un « sursaut », comme Emilien membre du Mouvement des Jeunes Socialistes (MJS) « Pourquoi pas des électeurs de Mélenchon, une fois dans l'isoloir, faisaient un choix plus raisonnable. »
« Les sondages ont beaucoup joué, pour être honnête, on l'a remarqué dans nos actions de terrain » relate Mona, une autre militante. Elle évoque le « vote utile » en faveur de Mélenchon, que des sympathisants de gauche rencontrés opposaient au « bon projet » du candidat socialiste, alors que sa côte de popularité dans les sondages ne cessait de dégringoler.
Pour d'autres militants cependant, le résultat, même d'une telle ampleur, était attendu. « Le vote "utile", qui a souvent bénéficié au PS, en l'occurrence a joué en sa défaveur. Beaucoup d'électeurs de gauche se sont reportés sur Mélenchon » se résigne André Urban, militant socialiste, membre de l'équipe de programme de François Hollande, qui dans une tribune publiée dans Le Monde du 20 avril, appelait à voter Benoît Hamon. Il faut dire que plus qu'une sanction, le score reflète l'état d'une famille socialiste en lambeaux, dont les scores électoraux se sont désagrégés au fil des scrutins.
Un impact des études d'opinion que souligne également Jérôme Lambert, député PS de la 3e circonscription de la Charente, pour qui les sondages — comme toute information — est susceptible d'influencer l'opinion, confortant ou affaiblissant un candidat,
« Vous savez, si les sondages ne servaient à rien, cela se saurait et personne n'en commanderait. Or si les sondages sont commandés, et s'ils sont diffusés par d'important médias en particulier, c'est bien que chacun escompte qu'ils servent à quelque chose. »
Une issue du scrutin à laquelle était également préparé le candidat, lorsqu'il entame son discours, peu après l'annonce des résultats préliminaires par ces mots « J'ai échoué a déjouer le désastre qui s'annonçait depuis plusieurs mois et peut être depuis plusieurs années. » Tenant, sans se « défausser sur les circonstances du quinquennat ni les trahisons, » à en assumer l'entière responsabilité, les mots qu'il choisit sont également durs pour ses militants, dont les clameurs d'encouragement cessent quand il confesse aux français que « cet échec est une profonde meurtrissure, je mesure la sanction historique légitime que vous avez exprimée envers le Parti socialiste. »
D'ailleurs, la déception laisse place à un certain soulagement chez ces militants: l'absence d'un second tour Fillon — Le Pen. « Dans un premier temps ma réaction en voyant le second tour Macron — Le Pen a été — non pas de la satisfaction — mais un petit soulagement de voir qu'il n'y avait pas un choix Fillon — Le Pen à faire », explique André Urban, qui revient sur une victoire de Macron, qu'il présente comme « un moindre mal » et même « positive dans un certain nombre de domaines. »
Reste à savoir ce que l'avenir réserve pour le PS après une telle débâcle, le Point rappelait ce lundi matin les 5,01% obtenus aux présidentielles de 1969 par de Gaston Defferre, candidat de la SFIO, dissoute la même année. Nombre d'observateurs prédisent la fin, « l'éclatement » d'un parti tiraillé entre « la France insoumise » et « En Marche! ». Mais n'est-ce pas aller un peu vite en besogne? Côté PS, on semble serrer les rangs et prendre son mal en patience. Pas plus tard que vendredi 21 avril, Jean-Christophe Cambadélis déclarait sur LCI que son parti avait « encore de bons jours devant lui. »
Moins de dix jours avant le premier tour, le Parisien relevait que la rue de Solférino avait prévu d'aligner des candidats écologistes dans les circonscriptions où EM présentait soit un poids lourd soit un transfuge du PS. Un rapprochement immédiatement qualifié « d'intox » par le premier secrétaire du PS. Quelques semaines plus tôt, c'est le Canard Enchainé qui ébruitait l'intention de dirigeants des deux forces politiques de créer une entente électorale pour les législatives, « raison principale pour laquelle Emmanuel Macron a reporté le choix de ses candidats après le premier tour de l'élection présidentielle, » relatait le palmipède.
« Il est question d'avoir des candidats partout et nous n'aurons pas d'accord avec le mouvement d'Emmanuel Macron avant le premier tour des législatives. » précise Alexis Bachelay, non sans concéder: « j'ai envie de dire, comme nous avons pas mal de sortants c'est plutôt "En Marche!" qui va présenter des candidats contre nous que l'inverse. »
Jérôme Lambert semble plus confiant concernant les législatives. Il évoque l'expérience des députés PS présents sur le terrain.
« Je pense que l'électorat va vouloir en partie, et je le souhaite, rechercher dans ces élections législatives à renforcer le rôle du Parlement — d'une certaine manière — en votant pour des candidats et des députés qui seront assez solides. »
Une expérience de terrain qui pourrait faire la différence face aux têtes de listes proposées aux électeurs par les équipes d'En Marche! « On va être amené à faire confiance à des équipes que l'on ne connaît pas, ou qui sont des équipes sorties de vieux placards qui n'ont pas forcément fait non plus leurs preuves au moment où ils étaient aux affaires. »
En somme, malgré un cuisant revers électoral, ne pourrait-on pas s'attendre à une recomposition du PS plutôt qu'à son implosion? Dimanche soir, plus que dans d'autres circonstances, ce sont les électeurs restés jusqu'au bout fidèles à leurs idées qui ont essuyé une défaite électorale. Cependant, au gé d'alliances — de circonstance ou non —, de déceptions et de « votes utiles » à venir, la traversée du désert pour les actuels militants et sympathisants — d'un parti si coutumier du fait politique — pourrait s'avérer étonnamment courte.