En déplacement en Corée du Sud, le vice-président américain Mike Pence a déclaré que « l'ère de la patience stratégique » était « terminée » et qu'il était temps de « chercher la paix par la force ». Une analyse de Rouslan Karmanov.
Cet essai raté est, à première vue, une bonne chose pour les États-Unis. Mais en y regardant de plus près la situation n'est pas du tout favorable.
A en croire les médias américains — qui semblent vouloir désespérément toucher le fond en essayant d'interpréter la situation sous le prisme de « personne ne nous résiste » — plusieurs événements très irritants se sont produits au même moment.
Effrayer qui ? Le président chinois Xi Jinping ? Kim a ignoré la menace mais Xi s'empresserait de plier ? Voyons…
En fait, ils ont tiré un trait sur tout le sens de la doctrine « on amène nos porte-avions vers un littoral — et la politique y change immédiatement rien qu'en apercevant la force potentielle qui pourrait s'abattre sur eux ». Qui peut-on intimider désormais ?
Qui, hormis les blogueurs ukrainiens, écrira dorénavant que « ça y est… car l'escadre américaine… high-tech, avec des lasers ( le tir à moins de 1 dollar )… est en route — alors c'est fini… pas d'autre choix »?
Autre nuance. Les Américains ont annoncé: « Quand nos services de renseignements détecteront une tentative d'essais, nos super-forces empêcheront immédiatement le lancement en effectuant une frappe préventive ».
Or le lancement a bien eu lieu, personne ne l'a empêché, et on explique au public que « la prévention sous-entendait les essais nucléaires, les essais de missiles ne comptent pas », pendant que le président américain fait l'éloge du renseignement qui « a fait un excellent travail avant et après le lancement ».
Bilan ? Soit le renseignement a été si « bon » qu'en déployant en Corée du Sud, à proximité immédiate du site de lancement, une escadre dotée de systèmes de détection et de communication de dernier cri Aegis et autres, et disposant d'une défense antimissile opérationnelle de l'autre côté de la frontière, il n'a pas détecté le lancement du missile de Kim, soit, pire encore, c'est Trump qui a eu peur.
Autrement dit, selon les termes de la propagande dans les médias occidentaux, il s'avère que les Nord-coréens « stupides et démunis fabriquent un missile "ridicule et non fonctionnel". Cependant, toute la cavalerie royale des USA ne parvient pas à le détecter, tout en étant stationnée à une distance dérisoire. De plus, à quoi sert le super-système ABM installé sous prétexte de "protéger les USA" et que fait-il s'il n'a pas été capable de détecter ce missile? Cet ABM a-t-il vraiment pour mission de "protéger les USA contre les missiles nord-coréens »? Sinon, la situation est proche du ridicule.
Même si, admettons, le renseignement a bien détecté le lancement et qu'il s'agissait en fait d'un plan très rusé pour que l'ennemi pense que les systèmes américains ne fonctionnaient pas tandis qu'en réalité ce n'était pas le cas: ce serait encore pire. Parce que cela signifierait qu'au dernier moment Trump a eu peur de donner l'ordre d'empêcher le tir du missile. Ou peut-être que le président américain a ordonné d'empêcher le lancement à tout prix, y compris une frappe préventive, mais que le commandement américain n'a pas exécuté son ordre ?
Dans tous les cas le résultat est négatif.
Ce "retour des USA à ses positions de leader" est allé de travers quelque part. Certes, en matière de simulation d'activité, tout va bien. Mais ils étaient déjà les champions du monde dans le domaine.
On peut toujours faire commerce de son image, de logotypes et de marques, mais cela fait chuter leur valeur par rapport au cours du dollar. Bien sûr, les blogueurs ukrainiens continueront d'écrire dans 15 ans, par inertie: « Le destroyer sous-marin porte-avions laser King Rooster est entré en mer Noire. Ça y est. Adieu la flotte russe de la mer Noire car ce destroyer dispose d'un laser vert antirusse qui tire à 800 km, voire 5 000 km en étant relayé par un satellite GPS. Selon les rumeurs, c'est la panique au Kremlin, mais en vain. C'est trop tard »…Mais ils seront les seuls à écrire cela.