Avec la tombée de la nuit, le tintement des cloches enveloppe la petite ville montagneuse, s'étendant progressivement sur les alentours. Défiant le danger, les habitants locaux quittent leurs demeures et cheminent solennellement vers le monastère Notre-Dame de Saidnaya (situé à 35 km au nord de Damas) pour la vigie pascale. Les positions des groupes radicaux sont à seulement deux kilomètres…
La cité où la langue de Jésus-Christ est encore parlée
Le monastère Notre-Dame de Saidnaya a été bâti au VIe siècle. Depuis 2011, l'année du début de la guerre civile, ses murs se sont transformés à plusieurs reprises en remparts. Malgré les attaques régulières des terroristes, les milices locales et l'armée gouvernementale ont toujours réussi à repousser l'ennemi.
Aujourd'hui, la situation à Saidnaya, une des rares villes où l'araméen, langue du Christ, est toujours parlée, est beaucoup plus sûre qu'il y a trois ou quatre ans. Pour pouvoir pénétrer dans la ville il faut passer par cinq points de contrôle de l'armée syrienne et encore deux tenus par des milices chrétiennes.
« Certes, les mesures de sécurité ont été renforcées. Nous contrôlons chaque passant. Beaucoup de gens viendront au monastère, tout peut arriver, les terroristes n'ont pas de principe », dit un militaire en scrutant attentivement nos documents avant de nous laisser entrer dans la ville.
Au pied du monastère on voit se regrouper des hommes armés. Ce sont les forces d'autodéfense.
« Boutros, tu dois être là au début du service. Nous ne connaissons pas tous les habitants de ton village, il nous faut quelqu'un qui connaît tout le monde pour que des intrus ne s'infiltrent pas », explique le milicien Mikhaïl, s'adressant à son camarade.
À l'entrée du monastère nous sommes accueillis par Fébronie, la mère supérieure du monastère. Elle ne cache pas sa joie en accueillant des journalistes russes. « Les étrangers nous rendent rarement visite, compte tenu de la situation actuelle. Mais récemment nous avons accueilli des Français. Des jeunes femmes nous ont demandé de prier pour leur patrie. Nous avons prié et prions pour tous, mais Dieu rendra à chacun selon ses œuvres », nous rappelle-t-elle.
Fébronie vit au monastère depuis 1950. Lorsque nous lui demandons quelle a été selon elle la période la plus prospère pour le monastère, elle répond en souriant: « Ici, chaque jour est plus beau que le précédent ».
En dépit du danger
« Aujourd'hui, les paroissiens ne sont pas nombreux. Les gens ont peur. Notre village est entouré d'ennemis et de cellules terroristes. Ainsi, depuis le début de la guerre le service commence à 22h00 et s'achève à minuit. Puis on rentre. Même la fête est désormais triste », nous explique Boutros.
Il n'est pas étonnant que les gens aient peur. Il y a deux semaines, des inconnus ont hissé nuitamment le drapeau du Front al-Nosra au-dessus de la ville. « Bientôt chez vous », ont-ils écrit sur un mur. Les locaux se souviennent bien des événements qui ont eu lieu en 2013 dans la commune voisine de Maaloula. Des terroristes avaient alors détruit cette localité chrétienne, endommagé le monastère Sainte-Thècle, enlevé des moines et fusillé des dizaines de civils.
Boutros avait raison, dans l'église Saint-Élie du village voisin, on ne trouve qu'une centaine de personnes. « Le Christ est ressuscité », s'exclame le prêtre Tandis qu'une liesse s'empare fébrilement des paroissiens
Durant la vigie pascale, les croyants prient pour le salut de la Syrie et des chrétiens, mais aussi pour que les âmes des dizaines de chiites d'Al-Foua et Kefraya, tués samedi dans un attentat meurtrier près d'Alep, reposent en paix…
« Aujourd'hui, notre village ne célébrera pas Pâques comme il est de coutume. Nous sommes en deuil, un proche a péri cette semaine. Et après l'attentat d'Alep, nous sommes tous en deuil », nous confie Boutros, versant le liquide chaud dans nos petites tasses.
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