En Libye, pays qui s'est transformé après l'assassinat de Mouammar Kadhafi en « un vaste champ clos dans lequel tout le monde se bat contre tout le monde », les Européens ont vu en la personne du général Haftar une figure incontournable, alors que tout dernièrement encore, ils ne voulaient même pas parler de ce rebelle. Pourquoi ?
« Tout simplement parce que depuis 2011 les erreurs ont été accumulées en Libye. L'intervention de l'Otan et de la France a été une erreur politique totale parce que le colonel Kadhafi tenait le pays, la Libye était le pays le plus prospère de l'Afrique, tout fonctionnait en Libye, tout marchait et l'intervention qui a été faite a cassé totalement le pays », a expliqué l'interlocuteur de l'agence.
Et d'ajouter que le général Haftar commandait la seule fraction militaire cohérente en Libye, à savoir l'Armée nationale libyenne.
« Il s'appuie sur les tribus de Cyrénaïque, la confédération tribale de Cyrénaïque qui le soutient. Et maintenant, il contrôle les terminaux pétroliers dans le golfe de Syrte. Donc il a la force militaire, il a l'appui politique et il a la force financière », a constaté l'historien.
Il rappelle d'autre part qu'en Tripolitaine, autour de la capitale Tripoli, les Occidentaux et l'Onu, obsédés par leur vision démocratique de la société, ont mis au pouvoir un gouvernement totalement incapable — le gouvernement d'union nationale — qui ne représente rien, qui n'est même pas capable d'instaurer son pouvoir dans la capitale Tripoli, qui est actuellement divisée en secteurs tenus par les milices.
« Le général Haftar vient d'avoir en outre une reconnaissance internationale. […] Et le fait d'avoir été reconnu par le Président Poutine, ça lui a donné immédiatement un rayonnement international, donc c'est un homme qui n'est plus seul », a souligné l'interlocuteur de Sputnik.
Selon ce dernier, c'est sans doute là la raison du tournant évoqué dans la politique libyenne de Londres.
M. Lugan a également évoqué le problème de la ville libyenne de Misrata, dont les élites étaient héritières de l'ancienne présence turque, avant 1911. Pour lui, cette ville est un peu le pion politique de la Turquie.
« Et Misrata dispose de milices fortes qui sont moins fortes que celles du général Haftar mais qui, alliées aux milices islamistes de Tripolitaine, peuvent faire la balance avec les forces du général Haftar. Donc que va faire Misrata ? Que va faire la Turquie ? Quel va être le rôle des uns et des autres dans cette affaire? Donc c'est assez compliqué et la situation est très mouvante », a estimé le spécialiste français.
D'après ce dernier, les vraies forces de Libye sont les tribus, qui sont au nombre de 115 ou de 120, et les chefs de la majorité écrasante de ces tribus libyennes, réunis il y a un an et demi dans le sud du pays, ont déclaré que leur seul représentant légal, le seul autorisé à parler en leur nom, était Saïf al-Islam Kadhafi, le fils du colonel Kadhafi.
« Or, Saïf al-Islam Kadhafi est en contact avec le général Haftar. Quels sont leurs liens exacts — je ne sais pas. Ils ont des contacts réguliers. Et Saïf al-Islam Kadhafi peut apporter au général Haftar l'appui des tribus qui n'ont pas encore rallié le général Haftar », a expliqué M. Lugan.
Et de rappeler que Saïf al-Islam Kadhafi était sous le coup d'un mandat d'arrêt international par la Cour internationale de justice.
« Non seulement l'Otan a détruit la Libye mais en plus a fait émettre un mandat d'arrêt international complètement artificiel pour empêcher toute renaissance de la Libye par le biais de la famille Kadhafi. Or, Saïf al-Islam Kadhafi est selon moi un personnage politique essentiel et un préalable à toute reconstruction de la Libye », a conclu l'universitaire.
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