Diplômé de Harvard, le professeur de Berkeley a vécu au total près de 10 ans en Russie, où ses ouvrages sont connus et appréciés. En 2014, William Broomfield a reçu le prix prestigieux de l'académicien Dmitri Likhatchev "pour sa contribution à la préservation du patrimoine historique et culturel de la Russie".
— Pourquoi aimez-vous tant la Russie?
— Et pourquoi pas? C'est un pays immense et magnifique. J'ai commencé à m'intéresser à la Russie quand j'ai lu Guerre et Paix de Léon Tolstoï — en anglais — après quoi j'ai décidé d'apprendre le russe. Puis j'ai commencé à voyager en Russie, c'était mon rêve depuis l'université.
La Crimée était également l'une des étapes principales de notre tournée. Vous savez, j'étais le seul Américain au sein de cette délégation. Peu à peu je commençais à comprendre la véritable ampleur et la profondeur de cet État. La Russie est un véritable empire. Je pense que si de tels voyages étaient organisés plus souvent, les conflits et les tensions diminueraient.
- Et la province russe? Vous voyagez tellement dans les villages. Vous partez souvent dans le nord de la Russie. Vous êtes probablement l'étranger qui a le plus voyagé dans les régions russes.
— C'est l'essence de la Russie. La province russe renferme en elle tout le sens de cet immense et merveilleux pays. J'aime les villages russes et les particularités des sites architecturaux dans les régions, par exemple les églises.
Mes voyages en Sibérie ont joué un rôle particulier. C'est une région unique avec sa propre culture. Il faut connaître la Sibérie pour comprendre et sentir la Russie. Beaucoup d'Occidentaux ne le comprennent pas. D'ailleurs, je suis certain que les conflits entre la Russie et l'Occident sont dus à une incompréhension totale de la Russie, de son essence et de son caractère.
- Vous vous rendez souvent en Russie. Quels changements ont eu lieu, d'après vous, ces dernières années?
— Les changements sont constants. L'architecture, les constructions. Moscou, Saint-Pétersbourg et les grandes villes changent plus rapidement, de nombreux nouveaux sites architecturaux sont construits. La province change moins. Je remarque constamment que les gens restaurent les cathédrales, les monastères et les églises.
— Les différences sont immenses, la principale étant que toute l'image de l'architecture russe émane historiquement de l'État. L'architecture américaine, c'est essentiellement les affaires ou une initiative privée. L'État américain n'a pas beaucoup d'influence sur la construction. Il est difficile de juger le caractère ou l'histoire du peuple à partir de l'architecture américaine. En Russie, la situation et l'approche sont complètement différentes. L'État joue un rôle colossal et cela se reflète sur l'apparence des villes russes.
- Vous avez souvent visité la Crimée. Il est difficile de trouver un étranger, qui plus est un Américain, ayant visité la Crimée autant de fois. D'autant que vous êtes historien et spécialiste de la Russie. Que pensez-vous de la Crimée? C'est un territoire russe?
— Je suis loin de la politique et je cherche toujours à l'éviter. Je suis historien, spécialiste du patrimoine architectural. En ce qui concerne la Crimée j'ai une réponse très simple, que vous comprendrez j'en suis sûr.
J'ai visité la Crimée plusieurs fois. Tous mes voyages dans la péninsule étaient associés à l'étude de monuments architecturaux comme étant le reflet de l'histoire, de la culture et de la littérature russe. De plus, à travers l'architecture j'étudiais la structure étatique russe dans la péninsule. Je regarde la Crimée avec inspiration et admiration comme un historien de l'art.
— (Rire) Je ne veux pas et ne peux pas surestimer la signification de l'architecture et des historiens. Nous voudrions être entendus, bien sûr, mais je ne suis pas certain que cela puisse être le cas. Vous savez, je vis depuis longtemps dans ce monde et j'ai commencé à m'intéresser à la Russie quand nous vivions encore sous la Guerre froide. C'est probablement pourquoi je prends tout cela plus calmement. Cela passera. Et la période de tension passera également. Elle sera suivie d'un rapprochement puis tout recommencera. Les liens entre nos pays ne dépendent pas toujours des relations humaines.
Pendant la Guerre froide tout était plus clair, évidemment. Aujourd'hui tout est plus compliqué mais je suis persuadé que tôt ou tard la tension diminuera. De moins je l'espère, tout comme de nombreux Américains. Je lis la presse européenne et américaine et je vois une chose: ils ne connaissent pas et ne comprennent pas la Russie. D'où les nombreux conflits. L'ignorance du caractère et de la signification de l'État en Russie est la principale raison des nombreux problèmes entre nos pays.
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