Depuis hier, si la plupart des médias ont présenté de manière factuelle les faits, relayant les condamnations et messages d'empathie des responsables politiques français en campagne, d'autres ont poussé leur sens critique un peu plus loin, comme Slate, qui se pose la question « Quelles leçons Vladimir Poutine tirera-t-il des explosions dans le métro de Saint-Pétersbourg ? ». Pour le journal en ligne américain — qui ne manque pas de rappeler le prix particulièrement lourd payé par la population russe depuis le milieu des années 90 en termes d'attentats — c'est l'opposition interne en Russie qui risquerait fort d'en faire les frais, qui plus après plusieurs manifestations anticorruptions particulièrement relayées dans les médias occidentaux.
« Ce qu'on peut constater c'est une forme de présomption de manipulation à géométrie variable qui est tout simplement liée à une grille de lecture préconçue des événements et qui est défavorable — par principe — à Vladimir Poutine. »
Si elle n'entend pas prendre la défense de Vladimir Poutine, bien au contraire, elle s'étonne que ce principe ne soit pas appliqué par nos médias aux autres chefs d'État, notamment occidentaux « On est vraiment dans l'angélisme, dans la naïveté, voir dans la manipulation médiatique » s'inquiète Ingrid Riocreux.
« Je vais peut-être vous surprendre, mais c'est le seul moment où nos médias adoptent une saine distance critique vis-à-vis des sources officielles de l'information, » assène Ingrid Riocreux en guise de provocation. Elle relève néanmoins un double standard flagrant si on compare la couverture de l'attentat de Saint-Pétersbourg avec de précédentes attaques sur le sol européen, où toute remise en cause des annonces des autorités était à exclure.
« On ne peut pas envisager l'hypothèse qu'ils aient pu examiner cette possibilité après l'attentat de Londres et si quelqu'un avait émis le même genre d'hypothèse — d'un l'attentat sous faux drapeau — alors nos médias auraient crié à la théorie du complot et auraient sévèrement condamné le simple fait qu'on puisse envisager cette lecture des choses. »
« Ils ne savent rien, car les choses vont trop vite, donc ils vont se contenter de relayer des rumeurs, des hypothèses diffusées par certaines sources et pas d'autres. Finalement, cela nous en dit beaucoup plus que la lecture des choses que nous proposent les médias d'emblée. »
Mais ce qui interpelle le plus Ingrid Riocreux, c'est le choix des mots employés par les médias français pour présenter les faits même de manière factuelle. Un vocabulaire qui témoigne d'après elle d'une « distance extrêmement marquée » avec les sources d'information, ne manquant pas là encore de comparer :
« Dans le cas de l'attentat de Londres, on parle de "terroriste présumé", c'est le vocabulaire juridique qui s'impose, alors que dans le cas de Saint-Pétersbourg on parle "d'un éventuel terroriste", AFP, on dit que l'attentat est "attribué à un kamikaze kirghize" ou alors qu'"un kamikaze kirghize a été désigné comme l'auteur de l'attentat", là c'est BFMTV. »
« Donc on a ces expressions "attribué a", "désigné comme", qui sont des prises de distance très marquées par rapport à la thèse officielle, alors que par exemple pour les attentats de Londres on disait "le terroriste a été identifié. »
Si plusieurs médias tiennent à voir dans cet attentat les failles de la politique sécuritaire de Vladimir Poutine, comme par exemple le Huffington Post, dans les colonnes du Figaro, l'écrivain et ancien diplomate russe, Vladimir Fedorovski, fait quant à lui une toute autre analyse tendant à démontrer la volonté des terroristes de toucher Vladimir Poutine en frappant Saint-Pétersbourg au moment même où il s'y trouvait. Saint-Pétersbourg, ville natale du président. St-Pétersbourg, ville martyre du nazisme avec lequel Poutine a toujours comparé le terrorisme islamiste. À cette analyse, L'Express ajoute le "caractère occidental" de l'ancienne capitale russe, bâtie par Pierre le Grand dans une volonté d'ouverture à l'Occident.
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