La conclusion est vite formulée: il s'agit de la « piste du Kremlin ». Un journaliste de Sputnik s'est rendu à Donetsk pour creuser plus profond dans le passé du témoin Sinđelić.
Le jour des élections législatives, le 16 octobre 2016, le Monténégro devait vivre un coup d'État. C'est du moins ce que pense le parquet. Des centaines de conspirateurs de Serbie et du Monténégro, dont seulement 14 personnes arrêtées, auraient voulu renverser le pouvoir légitime. Au cœur du complot, on retrouve Alexandr Sinđelić: c'est lui qui a coordonné les actions des putschistes.
Comme preuve, les enquêteurs ont publié une vidéo avec des coups de poings américains, des bobines de fil barbelé, un quadricoptère et des munitions.
Un peu plus tard, le procureur spécial monténégrin Milivoje Katnic a affirmé que deux citoyens russes étaient également impliqués dans le complot: Edouard Chichmakov et Vladimir Popov. De plus, le procureur a déclaré que « des structures de l'État russe étaient impliquées » dans l'incident. Ainsi, le complot a acquis une ampleur internationale.
Le plus important, c'est qu'on a trouvé un moyen commode de donner à la population de bonnes raisons d'adhérer à l'Otan en 2017. Mais il n'existe toujours pas de consensus en l'espèce: près de la moitié de la population est contre et l'autre moitié est pour.
« Exterminateur des parasites »
Aujourd'hui, Alexandr Sinđelić, qui était à la tête des putschistes, a un statut particulier de « témoin qui a conclu un accord avec l'enquête ». Il a plaidé coupable et coopère activement avec le parquet. Par conséquent, l'épine dorsale de l'accusation est son témoignage.
La première chose avérée à Donetsk, c'est que Sinđelić n'a pas combattu, bien qu'il soit connu parmi les Serbes qui se sont battus dans le Donbass. Pour le moins, il entretient une réputation assez controversée: Sinđelić a lancé plusieurs sortes de projets dits humanitaires, a collecté de l'argent à Belgrade pour « les besoins des volontaires » et des « victimes de la guerre », mais l'argent disparaissait à chaque fois sans laisser de trace.
« Sur le terrain, il n'a été vu par personne », raconte Dejan Beric, tireur d'élite de l'armée de la République populaire de Donetsk, qui est peut-être le plus célèbre des volontaires serbes. « Il avait probablement quelques affaires liées à Donetsk en Serbie. Il semblait essayer de recueillir un peu d'argent, mais personne ne sait où cet argent est allé. Tout ce que je sais sur cet homme parle en faveur de la version selon laquelle il n'était qu'un voleur. Il aimait vraiment l'argent. »
En raison de l'activité infatigable de Sinđelić, la communauté serbe fidèle au Donbass était en phase permanente de conflits et de querelles.
Sinđelić a notamment publié des documents accusant de fraude et d'abus financier Bratislav Zivkovic, commandant de la « Brigade de Jovan Shevich », l'une des plus importantes unités des forces serbes dans les républiques de Donetsk et de Lougansk à l'époque. Sinđelić affirmait que Zivkovic « ne pouvait pas être un vrai nationaliste serbe et n'était pas un Serbe au sang pur. »
Bien que Sinđelić n'ait pas participé aux combats, il aimait parader à Belgrade comme une sorte de héros de Donetsk et de Lougansk: il se faisait photographier et prendre en vidéo sur fond des drapeaux des républiques populaires et du drapeau russe, arborait un ruban de Saint-Georges.
Tentative d'assassinat à Donetsk
Beric a accusé Goran Gerovc, responsable de l'approvisionnement des volontaires serbes, de détournement de fonds, après quoi Gerovc a envoyé des personnes pour éliminer Beric. Or, ils ont été arrêtés par le renseignement de la république populaire de Donetsk « pour ne pas verser de saleté sur le mouvement volontaire lors du procès », comme l'a expliqué à Sputnik une source au sein du ministère de la Sécurité de la république.
« J'étais présent à l'interrogatoire, ils parlaient un très mauvais russe », a dit Beric. « Stanic a tout reconnu immédiatement et a dit qu'on lui avait ordonné de m'"éliminer". »
Mais le cercle des connaissances de Sinđelić est beaucoup plus large et plus intéressant.
Toutefois, cela n'a pas empêché Buic de communiquer avec Sinđelić, partageant facilement les informations traditionnellement considérées comme sensibles et confidentielles.
Par exemple, Buic a publié l'enregistrement de sa conversation avec Sinđelić sur Skype, où il s'attaque de nouveau à Zivkovic, promet de le « battre » la prochaine fois qu'ils se rencontreront, se vante des liens avec le ministère russe de la Défense, où il compte se rendre « pour résoudre des problèmes ». À la fin de la conversation, Sinđelić demande au politologue « un peu d'argent ». Buic, « pour cette fois », refuse.
Loup solitaire avec un certificat de la libération
L'accusation présente Sinđelić comme le leadeur d'une organisation pro-russe avec un nom effrayant: « Les Loups serbes ». Seul problème: dans cette organisation, il était à la fois le chef, et l'unique membre. Ces dernières années, Sinđelić a tenté de participer au mouvement nationaliste serbe.
Cependant, il n'a pas perdu espoir et il a continué de tourner dans les cercles nationalistes de Belgrade et d'intensifier ses activités avec le début des opérations militaires dans le sud-est de l'Ukraine. Il s'est alors intéressé au mouvement des volontaires.
« En général, ça se passait ainsi: il commençait à parler beaucoup de ses capacités, des grandes personnes qu'il connaissait », raconte le militant politique serbe Dragon Minic. « Il disait qu'il avait tout "sous contrôle" et avait partout des gens fiables et des contacts. »
« Dans les premières minutes, il pouvait attirer, puis suscitait très vite du dégoût. Il donnait l'impression non d'un espion mais d'un fou. On a plutôt commencé à l'éviter. »
Selon Minic, on se tenait à l'écart de Sinđelić pour deux raisons: son tempérament violent et le fait qu'il était considéré comme un informateur de la police. De même, Sinđelić a aussi un casier judiciaire, il a été reconnu coupable d'un double assassinat. Et les circonstances de sa libération étaient entourées de mystères.
« Il est possible qu'il ait été reconnu comme "fou" et ait obtenu un certificat lui permettant de sortir », poursuit Minic. « Comment dans ce cas peut-il être considérer comme un témoin? »
Les données sur le passé criminel de Sinđelić ont été confirmées à Sputnik par Dejan Berici et par le célèbre avocat serbe Goran Petronijević.
Petronijević a également déclaré que les services de sécurité du Monténégro ne poursuivaient pas Sinđelić, mais qu'il s'était rendu de lui-même juste avant la date du « coup d'État », avait passé un accord avec les enquêteurs et nommé les « complices ».
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