Macron et la politique internationale : les villages Potemkine

© AFP 2024 Regis DuvignauMacron
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S’il est élu président, comment le candidat d’En marche ! compte-t-il gérer le conflit syrien ? Il est possible de tirer quelques enseignements de son intervention sur France 2 dimanche soir et de sa prestation au débat sur TF1 d’hier : Emmanuel Macron est veut redonner à la France son « leadership diplomatique ». Oui, mais comment ?

C'est toujours la dernière question et plus expédiée, malgré les angoisses qu'elle semble soulever: quelle est la place de la France dans le monde? Dans un flou teinté d'angélisme, Emmanuel Macron prône une politique française « forte, mais responsable » et entend tenir « une feuille de route diplomatique », face à l'Amérique de Donald Trump et la Russie de Vladimir Poutine.

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Stature internationale oblige, le candidat d'En Marche! ne peut que déplorer le déclin diplomatique de la France à longueur d'interview. Invité de France 2, dimanche 19 mars, le candidat à la présidentielle appelle à ressusciter l'influence de la France dans la résolution du conflit syrien, qui entre dans sa septième année: « Je veux que la France retrouve un leadership diplomatique ». Pris entre deux feux, le candidat ne peut se résoudre à parler d'échec:

« L'intervention de Macron, et son positionnement général en manière de politique étrangère, s'inscrit dans une forme de schizophrénie, dans le sens où il n'a pas défini une vision nouvelle, alors que c'est ainsi qu'il veut se singulariser », analyse Emmanuel Dupuy, président de l'Institut Prospective et Sécurité en Europe.

« Le désaccord que j'aurai avec certains, c'est l'interventionnisme, qui a pu avoir lieu en Libye ou ailleurs », lâche Emmanuel Macron sur le plateau de TF1, sans expliciter. Mais qu'entend faire concrètement Macron pour redorer le blason de la France sur la scène internationale et résoudre les conflits? À quelques jours du cinquième cycle de négociations de paix à Genève, force est de constater que la France est hors-jeu: « Le fait que la crise syrienne se gère avec essentiellement la Russie et l'Iran autour de la table n'est pas acceptable », poursuit le candidat d'En Marche! sur France 2, qui ne croit pas à un « processus tenu par quelques-uns », sous-entendu les Russes, qui parrainent avec l'Iran et la Turquie d'autres négociations de paix, à Astana.

Le candidat semble nourrir l'ambitieux projet de créer une troisième voie. Face à une conjoncture qui éloigne un peu plus la France du rôle que Macron souhaite lui faire incarner, il propose que « la France prenne l'initiative d'un groupe de contact avec l'ensemble des parties prenantes syriennes, régionales, européennes, mais aussi les Nations unies et les grandes puissances pour déboucher sur une transition politique en Syrie ». Cette volonté d'associer tout le monde « montre à quel point il n'est pas forcément au fait des nouveaux rapports de force qui sont nés de la chute d'Alep d'un côté, et l'offensive sur Idlib de l'autre », commente Emmanuel Dupuy.

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« C'est sa façon de faire: il lance des idées très générales, très vagues, très vastes, sur différents sujets. Et on voit mal comment ça pourrait se réaliser. Je ne voudrais pas être pessimiste, mais je ne suis pas certain que le monde entier, les États-Unis, la Russie, l'Allemagne et les protagonistes sur le terrain attendent l'initiative de la France », tranche Pascal Gauchon, directeur de la revue Conflits.

Le candidat a multiplié les voyages à l'étranger pour affiner sa connaissance des dossiers internationaux… et son image de présidentiable. C'est sûrement lors de son voyage à Beyrouth qu'il a le plus explicité sa double ambition. Au Liban, pays de passage obligé pour les candidats à la présidentielle française, il a plaidé pour une « politique d'indépendance, d'équilibre de capacité à parler à toutes les parties », dans le conflit syrien. Toutes, ou presque: si fin 2015, Paris commençait déjà à ne plus faire du départ de Bachar Al Assad une condition préalable à tout règlement politique, l'ambiguïté du candidat d'En Marche! dénote d'une attitude finalement pas si éloignée de celle du Quai d'Orsay, selon Emmanuel Dupuy:

« Dans une interview à l'Orient-le Jour, il revendique le fait qu'il faut discuter avec tout le monde. Et dans la même interview, il ajoute "avec le préalable de ne pas ajouter Bachar Al Assad". Donc il s'inscrit dans la même rhétorique et la même ligne, qui a montré les limites de son efficacité, de la diplomatie française, porté par Laurent Fabius et Jean-Marc Ayrault. »

C'est l'absence de la France à la table des négociations qui, surtout, n'est pas acceptable dans l'esprit du candidat. « Mais aujourd'hui, il y a une puissance, la Russie, qui s'est inscrite de façon déterminante dans la situation syrienne. La France ne peut pas laisser dans un dialogue singulier les États-Unis et la Russie, qui sont par ailleurs profondément opposés, décider du sort de la Syrie ». « On a besoin d'Europe », estime Emmanuel Macron, qui veut quand même une « indépendance avec les moyens » (lesquels?). Une chose est claire à l'entendre lors du premier débat présidentiel: il ne veut pas « pactiser avec Vladimir Poutine », mais se garde encore d'évoquer concrètement son rôle avec les États-Unis, avec lesquels il chérit une « histoire séculaire », sous l'œil amusé de certains candidats sur le plateau de TF1: « Nous avons ensemble construit la paix dans le monde ».

« La diplomatie française et je dirai la diplomatie européenne, est un peu affolée, perd un peu la tête, entre ce qu'elle estime être l'agressivité de la Russie à son égard, et d'autre part la présidence de Trump, qu'elle condamne pour des raisons morales […]. Il y a une incertitude sur ce que vont faire les États-Unis demain. Donc l'Europe se retrouve un peu toute seule, elle se reposait sur l'allié américain pour sa défense […]. L'Europe est orpheline, Macron est orphelin », analyse Pascal Gauchon.

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Que l'on ne vienne pas dire à Emmanuel Macron que son programme est une « recomposition du hollandisme ». Face au présentateur de France 2, il se gausse des accusations successives et contradictoires de « félon », « fou dangereux », « héritier ». A-t-il trouvé sa voie? « Cette position gaullo-mitterrandienne, citant Jacques Chirac et Dominique de Villepin, n'est pas la sienne, c'est un apport successif, une sédimentation », estime Emmanuel Dupuy. « Il n'a pas encore dit grand-chose », conclut Pascal Gauchon, qui s'interroge: « je ne sais pas s'il aurait considéré que la victoire de l'État Islamique à Alep aurait été une victoire pour l'Europe et pour la France », au sujet de la « défaite pour l'Europe et pour la France » que constitue Alep. 

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