Ces bâtiments devraient former le futur socle de la flotte sous-marine stratégique et polyvalente de la Russie.
La Russie fêtera le 19 mars la Journée des sous-mariniers. La date n'a pas été choisie au hasard: elle correspond à celle du décret du ministre de la Mer qui, en 1906, avait défini ces appareils comme une classe indépendante de bâtiments de guerre.
A la veille de la Journée des sous-mariniers, RIA Novosti passe en revue la flotte sous-marine russe et ses perspectives de développement et de modernisation.
L'essor des Iassen et des Boreï
Les forces sous-marines de la marine russe assistent à un changement actif de générations d'appareils: la construction de nombreux sous-marins stratégiques et polyvalents à propulsion nucléaire a été lancée ces dernières années, et la flotte attend prochainement des renforts au sein de ses forces sous-marines. Il est temps d'apprécier les résultats du travail accompli.
Fin 2016, l'usine Sevmach de Severodvinsk a organisé la cérémonie de mise en chantier du dernier des huit bâtiments sous-marins stratégiques Boreï, baptisé Prince Pojarski. Trois appareils du projet 955 sont déjà entrés en service. Les cinq sous-marins restants, qui sont en cours de construction dans le cadre du projet modernisé 955A — qui prévoit notamment l'installation des missiles balistiques modernisés Boulava-M —, devraient les rejoindre d'ici 2020.
Lors de la cérémonie de mise en chantier du Prince Pojarski, le vice-amiral Viktor Boursouk, commandant adjoint de la Marine russe pour les armements, avait noté que ce bâtiment mettrait fin à la série 955A des Boreï. Il ajoutait que la Marine et le bureau de construction Roubin avaient déjà lancé le travail sur une nouvelle modernisation du projet Boreï.
La modernisation concerne également les sous-marins nucléaires polyvalents de la flotte russe. Sevmach lancera en 2017 la construction d'un bâtiment polyvalent dans le cadre du projet modernisé 855M Iassen pour la Marine. Il sera le dernier des sept sous-marins nucléaires Iassen conçus par le bureau de construction Malakhit de Saint-Pétersbourg.
Perm — le sixième des appareils du projet 855 Iassen — a été mis en chantier en juillet 2016. Lors de la cérémonie, le vice-amiral Viktor Boursouk a souligné que la série des Iassen serait prête « d'ici 2023 ». Selon lui, les bâtiments de ce projet modernisé seront transmis à la Flotte du Pacifique et à la Flotte du Nord pour « remplir les mêmes objectifs, mais avec plus d'intensité ».
La Marine ne possède actuellement qu'un seul submersible de ce type, le Severodvinsk, qui avait été transmis à la flotte en juin 2014 et avait passé des essais jusqu'au printemps 2016. Selon une source dans l'industrie navale, Sevmach devrait sortir de sa cale le deuxième Iassen, baptisé Kazan, à la fin du mois de mars à l'occasion du Forum international de l'Arctique qui se déroulera à Arkhanguelsk.
Les sous-marins nucléaires stratégiques du projet 885M ont un déplacement d'eau de 13 000 tonnes, une profondeur de submersion de 520 mètres et une vitesse submergée de 31 nœuds. Son endurance se chiffre à 100 jours, alors que son équipage compte 64 personnes. Ils portent des mines, des torpilles de 533mm et les missiles de croisière Kalibr et Oniks.
Le « Khaska » arrive
Pratiquement tous les sous-marins des projets 885 Iassen et 955 Boreï ont déjà été mis en chantier mais le commandement de la Marine a plus d'une fois annoncé qu'il n'avait aucune envie d'arrêter la construction de sous-marins de cette classe — ces derniers étant les garants de la stabilité stratégique et de la sécurité de la Russie. On espère donc un lancement prochain de la construction des premiers bâtiments de nouveaux projets qui occuperont, à Sevmach, les espaces libérés par Boreï et Iassen.
Le brouillard autour de l'un de ces projets — un sous-marin nucléaire polyvalent de cinquième génération nommé Khaska — commence à se dissiper. Pusieurs détails sur cet appareil russe prometteur ont été dévoilés en 2016.
Iouri Borissov, vice-ministre russe de la Défense, a notamment évoqué le travail actuel sur « un projet de sous-marin nucléaire prometteur de cinquième génération, dont les résultats orienteront la décision sur ses délais de construction ».
La conception de sous-marins nucléaires polyvalents est traditionnellement assurée en Russie par le bureau de construction Malakhit de Saint-Pétersbourg. Vladimir Dorofeev, directeur général de l'entreprise, a dévoilé un contrat avec le ministère russe de la Défense pour la conception d'un sous-marin nucléaire polyvalent de cinquième génération dont la construction devrait débuter après 2020.
Sevmach affirme également être prêt à lancer ce travail dans les délais impartis. Mikhaïl Boudnitchenko, directeur général de l'usine, remarque pour RIA Novosti que la modernisation des capacités de l'entreprise — qui permettra d'assembler des bâtiments de nouvelle génération — devrait prendre fin d'ici 2020.
Igor Ponomarev, vice-président pour la construction militaire de la Compagnie navale unifiée (OCK), souligne que la décision relative à la construction des Khaska sera prise après l'examen du projet d'esquisse de l'appareil prometteur, dont l'élaboration devrait prendre deux ans.
Les capacités techniques des Khaska sont évidemment inconnues. On sait seulement pour le moment que ces sous-marins devraient réunir les qualités des sous-marins nucléaires et stratégiques, ainsi que porter les missiles de croisière supersoniques Tzirkon capables de dépasser cinq à six fois la vitesse du son.
Kalina pour la flotte
Un changement de génération est également prévu dans le parc des sous-marins non-nucléaires: la Marine et des bureaux de construction spécialisés y travaillent activement. Lors du Salon international de la Marine de Saint-Pétersbourg en juillet 2015, l'amiral Viktor Tchirkov, commandant de la Marine russe à l'époque, avait souligné que la construction de sous-marins munis d'un système de propulsion anaérobique devait débuter en 2018. Anatoli Chlemov, chef du département de la commande publique de la Compagnie navale unifiée, a indiqué à RIA Novosti lors du même salon que le bureau de construction navale Roubin avait déjà conçu pour le ministère de la Défense un projet de sous-marin non-nucléaire nommé Kalina, doté d'une propulsion anaérobique
Les particularités principales du projet Kalina conçu par Roubin résident dans son système de propulsion anaérobique et les missiles de croisière Kalibr-PL. Les capacités techniques des Kalina devraient dépasser considérablement celles de leurs prédécesseurs du projet 636 Varchavianka.
Des « Varchavianka » pour la Flotte du Pacifique
Dans le cadre du forum Armée-2016, le ministère russe de la Défense a signé avec le chantier naval Admiralteiskïe verfi un contrat portant sur la construction de six sous-marins du projet 636.3 Varchavianka pour la Flotte du Pacifique. Suite à sa signature, Alexandre Bouzakov, directeur général de l'entreprise, a précisé tous les délais: on prévoit de livrer à la flotte trois lots de deux appareils en 2019, en 2020 et en 2021. Il a ajouté plus tard que l'assemblage du premier bâtiment avait pratiquement débuté et que la cérémonie officielle de mise en chantier devrait avoir lieu en automne 2017.
Igor Ponomarev, vice-président d'OSK, a fait remarquer qu'il s'agissait de navires qui seraient « pratiquement similaires à ceux qui ont déjà été construits pour la Flotte de la mer Noire ». Selon lui, tous les détails de la mise au point du projet 636.3 sont du ressort du client, c'est-à-dire du ministère de la Défense.
La construction des Varchavianka pour la flotte du Pacifique est actuellement possible notamment grâce au fait qu'Admiralteiskiïe verfi a transmis à la Marine en 2016 Kolpino, le dernier des six sous-marins destinés à la Flotte de la mer Noire.
Ainsi, la Flotte de la mer Noire a créé un groupe à part entière de sous-marins conventionnels: les trois premiers Varchavianka sont déjà arrivés sur les lieux de leur stationnement permanent, à Novorossiïsk, et les trois appareils restants devraient les y rejoindre prochainement.
Les Varchavianka font partie de la troisième génération de sous-marins diesel, affichent un déplacement d'eau de 3 950 tonnes, une vitesse submergée de 20 nœuds et peuvent atteindre une profondeur de 300 mètres. Ils embarquent un équipage de 52 personnes.
Les bâtiments du projet 636 modernisé ont une capacité de combat plus importante. Ils portent des torpilles de 533mm — six appareils ayant une vitesse de rechargement de 15 secondes — des mines et le système de missiles Kalibr-PL. Ils sont en mesure de repérer leur cible à une distance dépassant de trois ou quatre fois celle de leur détection par un ennemi potentiel.
L'Otan a surnommé ces appareils les « trous noirs dans l'océan » à cause de leurs qualités furtives. Une force de frappe considérable et la furtivité des Varchavianka ont permis à ce projet de devenir l'un des meilleurs au monde parmi dans la classe des sous-marins conventionnels.